DigiCash, e-gold, CyberCoin : comment le bitcoin a réussi là où ses ancêtres ont échoué
La création d'une monnaie numérique est un concept qui remonte aux années 1980, avec l'arrivée des ordinateurs et la démocratisation de l'accès à Internet.
Publié le 22-11-2021 à 14h23 - Mis à jour le 22-11-2021 à 15h57
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C'est indéniable, les cryptomonnaies sont en plein essor. Début septembre, le Salvador a même été le premier pays du monde à attribuer le statut de monnaie légale à l'une d'entre elles : le bitcoin. Le bitcoin est sans nul doute la variété la plus populaire d'argent virtuel, et l'Ethereum, le Dodgecoin ou encore le Litecoin ne sont pas en reste. Selon le site CoinMarketCap, en 2021, il existe plus de 5 000 cryptoactifs différents, pour une valeur de 2 031 milliards d’euros !
Aujourd'hui, toutes ces monnaies numériques reposent sur la blockchain, sorte de fichier central où les transactions sont regroupées par blocs, validées et enregistrées. Toutefois, cela n'a pas toujours été le cas. Retour sur les précurseurs des cryptomonnaies, des fossiles numériques à peine enterrés...
Un concept relativement ancien
La création d'une monnaie numérique est un concept qui remonte aux années 1980, avec l'arrivée des ordinateurs et la démocratisation de l'accès à Internet. Puisque tout se numérise, alors pourquoi pas l'argent ? Pense-t-on à l'époque. Ainsi, dès 1983, David Chaum, chercheur américain en cryptographie, a l'idée de concevoir une monnaie virtuelle qui serait utilisée dans le monde entier.

Pour ce faire, il crée l'entreprise DigiCash en 1989, et entame une collaboration avec les institutions américaines dans l'espoir de créer un réseau fiable et légal. En 1995, la société lance le DigiCash, aussi appelé "ecash" ou encore Cyber Bucks, basé sur un protocole de paiement anonyme basé sur la cryptographie. Mais le réseau centralisé est trop onéreux à l'utilisation. Digicash fait faillite en 1998.
Une autre entreprise américaine nommée CyberCash, qui proposait l'un des premiers services de paiement en ligne pour l'e-commerce, essaye également de lancer sa cryptomonnaie, le CyberCash ou Cybercoin. Mais à cause du fameux bug de l'an 2000, le service de paiement de la société est ébranlé, et engendre un double enregistrement des paiements par carte de crédit de tous ses utilisateurs ! La société est donc contrainte de fermer ses portes, et son projet de monnaie numérique ne peut aboutir.
Le NetCheque, les cartes Danmont ou le système Mondex sont d'autres exemples de tentatives de monnaies électroniques. Elles disparaissent toutes avec l’adaptation des banques au monde d’Internet, qui n'ont plus eu l'utilité de ce genre d'intermédiaires.
De l'or numérique
En outre, l'un des principaux ancêtres des cryptomonnaies actuelles est sans doute l'e-gold. Développé par la société e-gold Ltd, fondée à ses heures perdues par l'oncologue Douglas Jackson et l'avocat Barry Downeyen en 1996, l'e-gold a pour but de permettre à deux titulaires d'un compte e-gold de se payer en or - et non en dollars. L'e-devise est à 100 % convertible en tout temps et sa valeur est calculée et garantie sur de l'or physique, stocké dans différentes banques du monde. Lors d'une transaction, l'or change de propriétaire, bien que les lingots physiques associés restent dans le coffre où ils sont stockés.
En 2005, l'e-gold compte plus de 3,5 millions d'utilisateurs dans 165 pays à travers le monde, et arrive juste derrière Paypal (fondé deux ans après) dans les solutions de transfert d'argent en ligne.

Mais l'e-gold est aussi la monnaie favorite des pirates informatiques... Fin décembre 2005, le FBI saisit tous les actifs d'e-gold aux États-Unis. Un électrochoc pour Douglas Jackson, qui commence alors à collaborer avec les autorités. Toutefois, cela ne suffit pas et l'oncologue est poursuivi par la justice américaine en 2007, en somme pour avoir, avec son e-gold, rendu possible une quantité impressionnante d'opérations frauduleuses. Il plaidera finalement coupable pour blanchiment d'argent et activité illégale de transfert d'argent en 2009. C'est la fin de l'e-gold.
Décentralisation
Après toutes ces tentatives avortées de création d'une monnaie virtuelle, le 1er novembre 2008 est la date où tout change. Dans une économie ébranlée par la crise financière, un développeur (ou groupe de développeurs) sous le pseudonyme Satoshi Nakamoto publie le livre blanc... du bitcoin. Le bitcoin vise réellement à créer une sorte d'or numérique, mais sans qu'aucun parti tierce - comme une institution financière - ne soit nécessaire pour gérer le système. C'est tout l'enjeu de la décentralisation, qui permet ainsi que le parti tierce en question ne soit pas la cible potentielle des gouvernements ou de la justice. La décentralisation est ce qui différencie le bitcoin de tous les réseaux décrits précédemment.
Le système fonctionne donc sans autorité centrale, ni administrateur unique, mais est géré grâce au consensus de l'ensemble des nœuds du réseau. De plus, pour faire face au risque de corruption, le bitcoin est "basé sur la preuve cryptographique au lieu de la (simple) confiance". Une preuve fournie par la blockchain, registre virtuel dans lequel sont enregistrées toutes les transactions.

Ainsi, le Bitcoin représente tout simplement la première monnaie virtuelle ayant véritablement le potentiel d’universalité, et permettant de s’affranchir des divers problèmes rencontrés par le passé comme des prélèvements forcés sur les comptes épargne ou une inflation disproportionnée.
Le bitcoin est à ce jour, parmi les 5 000 crytoactifs qui existent aujourd'hui, la plus importante monnaie cryptographique décentralisée, avec une capitalisation boursière qui se rapproche fin 2021 des 1 000 milliards d'euros.