Rachat de Voo : les consommateurs paieront-ils plus cher si la concurrence diminue?
L'association de consommateurs Test Achats se montre très méfiante sur la réduction de la concurrence en Wallonie, si la vente de Voo à Orange Belgium, en négociations exclusives, devait être validée.
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Publié le 23-11-2021 à 17h29 - Mis à jour le 06-12-2021 à 17h13
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Orange Belgium est donc en négociations exclusives pour le rachat de Voo. A priori, l'opérateur prendra donc 75 % des parts moins une action, afin de laisser à Nethys (l'actuel propriétaire) une minorité de blocage, sur une valorisation totale portée à 1,8 milliard d'euros. Mais ce rachat du câblodistributeur wallon va-t-il changer quelque chose pour les clients de Voo ? Voire pour les consommateurs wallons en général ?
Du côté des acteurs concernés, on nous dit que "rien n'est fait" . Prudence, donc. On ne voudrait pas parler trop vite.
Par contre, l’association de consommateurs Test Achats se montre clairement plus méfiante. C’est son rôle. Et les diverses augmentations des prix ces dernières années en Belgique - alors que les tarifs sont déjà réputés élevés - plaident en sa faveur.
"Test Achats prend acte des négociations en exclusivité ", avance prudemment David Wiame, expert télécoms pour l'association. "On est face à un marché très complexe au niveau concurrentiel. On doit analyser cela marché par marché. Nous n'avons pas de boule de cristal mais notre crainte est que la concurrence diminue en Wallonie ", enchaîne-t-il, laissant peu à peu les pincettes au vestiaire.
Vers un duopole ? Les autorités de la concurrence peuvent refuser le deal
Effectivement, en Wallonie, pour l’internet fixe par exemple, il y avait jusqu’à présent trois offres : Proximus, Voo et Orange. Ce dernier louait le réseau de Voo, le tout cadré par une réglementation officielle précise. L’arrivée d’Orange il y a quelques années avait donc permis une certaine pression sur les prix, nous dit David Wiame.
"On passerait donc de trois opérateurs à seulement deux. Difficile de dire si les choses auraient été plus favorables pour les consommateurs si Telenet avait été plus loin, l'opérateur ayant une politique de prix plus élevés. Mais on sait que dans l'univers télécoms, lorsqu'il n'y a que deux concurrents, généralement les prix se stabilisent ou augmentent. Ce n'est pas favorable pour la concurrence... ni pour les tarifs avantageux pour les consommateurs, qui ont moins de choix. C'est pour cela que ce deal doit encore être scruté par les autorités de la concurrence, qui pourraient proposer des remèdes… et ça peut prendre du temps ", lance-t-il.
C'est pour cela que l'association de consommateurs demande des réponses concrètes à l'autorité sur plusieurs points. " Quelles sont les conséquences de la reprise de Voo sur les différents marchés ? Quelle sera la stratégie d'Orange sur un marché de quasi duopole, voire de duopole tout court ? Orange va-t-il garder son profil de 'challenger' ?" , demande Test Achats. D'ailleurs, les coûts de la location de réseau payés jusque-là par Orange devraient disparaître en cas de rachat, au profit des consommateurs ? Ou la gestion du réseau compensera ces gains ? Test Achats pose la question.
" Au final, l'arrivée d'un quatrième opérateur sur le marché via les enchères de la 5G prend d'autant plus d'importance. Test Achats l'a encore rappelé récemment et attend du gouvernement actuel des décisions claires et ambitieuses afin que le marché belge devienne un minimum plus compétitif qu'il ne l'est actuellement ", ajoute l'association. Reste à voir si ce quatrième opérateur peut trouver une place dans ce marché, mais maintenir la pression ne peut que favoriser les consommateurs.
Enfin, une baisse du nombre de concurrents pourrait réduire la compétitivité sur l'innovation, avance David Wiame. " Longtemps, les décodeurs en Belgique étaient en retard au niveau technologique, ils étaient énergivores. La concurrence a permis de travailler sur ces aspects ", dit-il. " Il faut également vérifier que les consommateurs ne soient pas bloqués par un duopole qui ne se livre pas de guerre des prix. Et là, les perspectives ne sont pas bonnes alors que les prix de l'énergie et des biens, l'inflation, augmentent ", renchérit-il.
Le “piège” des offres groupées ?
S'il ne veut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, David Wiame alerte également sur la question des offres triple play ou quadruple play. "Il y a des freins aux changements. Il faut faire attention aux offres où les clients sont ferrés, bloqués dans des offres multipacks avec Internet, TV, mobile, fixe, etc. Le changement de fournisseur en énergie est par exemple beaucoup plus simple. Il faudrait aller vers ce modèle pour les télécoms ", dit-il.
Test Achats ne jette donc pas la pierre mais préfère prévenir. "De toute façon, un refus de la part des autorités de la concurrence est toujours possible" , ajoute David Wiame. Une possibilité qui, justement, retient toute l'attention des différents opérateurs.