Utiliser vos données pour simplifier les démarches... et respecter votre vie privée? Le défi d'une Belgique qui se numérise
La Belgique perd quelques places dans le classement européen, selon le baromètre publié par le SPF Économie. Le dossier 5G pèse sur son score et la simplification administrative pourrait également être améliorée.
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Publié le 10-12-2021 à 09h36 - Mis à jour le 15-12-2021 à 20h36
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"Be water my friend". C'est en reprenant cette célèbre phrase de Bruce Lee, au détour d'une discussion plus légère lors de la publication du "Baromètre de la société de l'information 2020" par le SPF Économie, que le secrétaire d'État à la Digitalisation et la Protection de la vie privée Mathieu Michel (MR) nous fait part de sa vision dans son travail au quotidien. "S'il y a un obstacle, il ne faut pas buter dessus pendant des mois. Il faut avancer, travailler comme une start-up , une smart nation " , glisse-t-il, reconnaissant que dans le labyrinthe administratif belge, ce n'est pas toujours une sinécure.
"La connectivité nous fait perdre quelques points, notamment sur la 5G, mais si on accélère le rythme, les choses vont changer" , déclare-t-il plus sérieusement à propos du baromètre, qui analyse de nombreux points sur l'ensemble de la société. Qu'en retirer, justement, dans l'essentiel ?
1. La Belgique, bonne élève ?
Le Digital Economy and Society Index , ou indice DESI, représente le score global des pays européens sur tout ce qui concerne la numérisation (voir infographie). "La Belgique perd quelques points par rapport à 2019 mais reste au-dessus de la moyenne européenne. On ne veut pas faire semblant, ces indicateurs doivent nous stimuler. On est passé de la 8e à la 12e place. On reste bons mais on peut être encore meilleurs… On avance, mais d'autres pays avancent plus vite" , déclare le secrétaire d'État. D'ailleurs, le fait que la mise aux enchères du spectre pour la 5G ne soit prévue que pour le deuxième trimestre 2022, alors que d'autres pays développent déjà des offres commerciales grand public, devrait peser dans le score belge dans le baromètre de l'année prochaine.
2. Le fossé hommes-femmes, "peut mieux faire"
L'indice Women in Digital (voir infographie) évalue comment les États comblent "le fossé numérique persistant entre les hommes et les femmes" . La Belgique est 12e sur 27 dans l'Union européenne, avec une note de 52,79 sur 100. Si c'est mieux qu'en 2019 (51,4), cela reste en dessous de la moyenne (54,47) et loin derrière les pays membres scandinaves qui ont des scores entre 65 et 75. Par contre, au niveau de la fracture numérique, soit le pourcentage de personnes n'ayant jamais utilisé Internet, la Belgique fait figure de bonne élève, avec 5,9 % d'individus entre 16 et 74 ans (6,5 % de femmes contre 5,6 % d'hommes) qui n'y ont jamais eu accès, contre 8,8 dans l'ensemble de l'UE.
3. Achats en ligne de plus en plus fréquents
Ce n'est un secret pour personne, la crise sanitaire liée au Covid-19 a dopé les usages numériques, poussant certains à "franchir le pas" . En effet, 73 % des Belges ont fait des achats en ligne, contre 65 % seulement dans le reste de l'UE. La fréquence d'achat a également augmenté. La majeure partie des commandes ont un prix variant entre 100 et 500 euros et sont faites auprès d'un vendeur issu du pays ou de l'UE.
4. Simplification administrative: "Ne nous mentons pas, il faut un outil simple pour des institutions complexes"
C'est un peu le point noir du bilan belge sur lequel travaille le secrétaire d'État. Même si les déclarations d'impôts se font majoritairement par Internet (88 %), via le boîtier eID (59,5 %), les applications comme Itsme (18,1 %) ou autres (13 %) progressent. Néanmoins, si les relations entre gouvernement et citoyens se font de plus en plus en ligne, la Belgique peut faire beaucoup mieux. "Et surtout, ne nous mentons pas, il faut mettre en place un outil simple pour diverses institutions complexes. Il y a beaucoup de travail" , souligne, en toute transparence, Mathieu Michel.
5. La formation, pour "répondre aux besoins de demain"
Seuls 2 % des diplômés belges le sont dans le domaine de l'ICT ( Information and Communication Technologies ), contre 4 % en moyenne dans l'Union. "On veut atteindre 500 000 emplois dans le secteur en 2030. Pour cela il faut créer des postes mais aussi former les individus à ces métiers , précise Mathieu Michel. Ce n'est pas une compétence fédérale mais le système éducatif devrait davantage évoluer vers ce modèle, pour répondre aux demandes du secteur. Il faut qu'il s'actualise pour répondre aux besoins de demain. Prendre conscience que le monde change" , renchérit-il. Pour lui, améliorer l'inclusivité et combler le fossé entre hommes et femmes permettrait déjà de pallier ce problème.

Trois questions à Mathieu Michel, secrétaire d’État à la Digitalisation et la Protection de la vie privée.
Le coût relativement élevé des télécoms en Belgique n’est-il pas un frein à l’accès au numérique ?
Le prix des télécoms est régulé. Mais on travaille justement sur la mise aux enchères du spectre et si on arrive à générer de la concurrence, on pourra effectivement effectuer une certaine pression sur les prix. Ensuite, il y a aussi la question de la simplification de l’accès au tarif social. Si on fait bien notre travail, on devrait pouvoir générer automatiquement ce tarif social par rapport aux déclarations fiscales, avec évidemment une demande claire si la personne veut en bénéficier ou non.
Il y a des barrières juridiques pour l’accès à ce genre de données ?
La loi Only Once (qui garantit une collecte unique de données dans le fonctionnement de services publics, NdlR) décide déjà que si une administration demande des données personnelles, comme votre nom, une autre administration ne peut pas vous le redemander. Mais c’est un défi de réconcilier la loi Only Once et la RGPD (réglementation générale sur la protection des données, NdlR), d’adapter les textes plus anciens à ceux parus plus récemment. Le citoyen ne peut pas vouloir qu’on lui simplifie la vie et refuser que ses données circulent… Donc il y a deux cadres juridiques à accorder. C’est du travail. Certains se crispent, d’autres veulent aller plus vite. On pourrait imaginer un consentement éclairé au citoyen. Est-ce qu’il serait d’accord, par exemple, que l’on fasse du data mining, que l’on utilise ses données, afin de bénéficier de certaines choses, comme les tarifs sociaux, ou des avantages liés à des primes énergétiques, etc. ? L’échange de données doit évidemment se faire au bénéfice du citoyen.
Mais pour d’autres cas de figure, il pourrait y avoir de la méfiance?
Soyons clairs, il y en a deux : la lutte contre la fraude sociale et fiscale. Alors ce n’est pas au bénéfice du citoyen mais de l’équité. Et il y a tout ce qui touche aux services de police, d’enquêtes ou à la sûreté de l’État. Alors quand c’est au bénéfice des citoyens, ça pourrait se faire automatiquement. Quand c’est dans une logique de contrôle, il faut voir qui contrôle le contrôleur. Si des algorithmes sont mis en œuvre, il faut pouvoir les comprendre, les vérifier, les maîtriser et que ce soit compréhensible pour les citoyens. C’est pour cela que nous travaillons à une modification de la loi sur l’APD (autorité de protection des données).