"Lorsqu’un mineur crée des bitcoins, il doit souvent les revendre pour rembourser... les frais d’électricité"
Il existe deux principales méthodes de gestion des cryptomonnaies à travers le monde. Mais l’une, notamment utilisée dans le cas du bitcoin, pollue plus que l’autre. Peut-on dès lors facilement migrer vers la technique la plus verte ? Explications.
- Publié le 26-01-2022 à 16h42
- Mis à jour le 26-01-2022 à 16h45
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Proof of work et Proof of stake. Tout se résume à deux expressions dans le domaine des cryptomonnaies.
Les deux techniques ou algorithmes de consensus, “preuve de travail” et “preuve d’enjeu” en français, sont utilisées à travers le monde pour créer et échanger les monnaies numériques, dont il existe environ 17 000 sortes différentes début 2022 d'après le site CoinMarketCap. Or, ces procédés ont une empreinte carbone non négligeable, et l’une plus que l’autre.
“Preuve de travail”
Dans un premier temps, intéressons-nous à la méthode "preuve de travail", notamment utilisée dans le cas du bitcoin. Cette technique, aussi appelée "minage", permet de fabriquer des bitcoins. "Des ordinateurs à travers le monde travaillent en continu un agrégat complexe de données, une sorte d'énigme, qui correspond à des transactions en attente, décrypte David Boveington-Fauran, crypto-consultant indépendant. Toutes les dix minutes, l'un de ces ordinateurs derrière lequel se cache un homme ou une entité - le 'mineur' - résout cette énigme. Cela aboutit à la création d'un nouveau bloc ajouté à la blockchain, et le mineur est récompensé de cette opération par le gain des nouveaux bitcoins mis en circulation et des frais de transaction".
On estime qu'il y a entre 100 000 et 300 000 mineurs (parfois de véritables usines) dans le monde. "En général, lorsqu'un mineur parvient à créer un bloc, il peut garder les bitcoins reçus en récompense, mais bien souvent il les revend pour rembourser... les frais d'électricité !", s'exclame le crypto-consultant.
138 Térawatt-heure par an
Le procédé de génération de bitcoins pollue fortement, puisque des ordinateurs et serveurs tournent en permanence pour effectuer ces résolutions d'énigmes complexes. "Plus un mineur possède d'ordinateurs et de serveurs, plus il a de chance de générer le prochain bloc en premier, appuie David Boveington-Fauran. Autrefois, le minage se faisait sur des ordinateurs portables, mais aujourd'hui ce sont carrément des usines de serveurs qui sont utilisées..."
En 2022, la puissance de calcul du réseau bitcoin dépasse celle de tous les super-ordinateurs de la planète. D'après le site web de l'Université de Cambridge (Angleterre), le réseau utilise pas moins de 138 Térawatt-heure par an, c'est-à-dire la même quantité d'énergie que la Pologne, ou 0,6 % de la consommation mondiale d'électricité. C'est aussi le réseau le plus sécurisé au monde. "Si l'on considère que le bitcoin ne sert à rien, cette colossale dépense d'énergie n'a ni queue ni tête, concède le crypto-consultant. Mais les cryptomonnaies ont un objectif : créer un nouveau marché financier, un système à même de gérer un nombre de transactions en constante augmentation, décentralisé et auquel tout le monde peut participer. A ce moment-là, si l'objectif est atteint, cela devient intéressant."
“Preuve d’enjeu”
En outre, il existe une seconde méthode de gestion des cryptomonnaies : la "preuve d'enjeu", en partie utilisée par l'ethereum. Ici, les gestionnaires placent leurs coins (pré-existants et déjà en circulation) dans un panier pour avoir le droit de devenir "validateurs". Ils ont ensuite pour tâche d'autoriser des échanges de cryptomonnaies et sont récompensés au nombre de transactions validées. Toutefois, s'ils font une erreur, des ethereums leurs sont retirés en punition. "Une erreur est par exemple d'autoriser une double transaction, soit un même ethereum envoyé à deux personnes différentes, illustre David Boveington-Fauran. Valider une telle opération est très grave car cela met en péril le réseau. Tout comme avec l'argent classique, on ne peut pas donner un seul billet de cinq euros à deux personnes à la fois".
La méthode de “preuve d’enjeu” pollue moins, car il n’est pas nécessaire de faire tourner des serveurs en permanence pour résoudre des énigmes complexes, seules des informations binaires (oui ou non) permettent de valider ou d'invalider les transactions. De plus, ce protocole permet d’effectuer un plus grand nombre de transactions par seconde.
Transition pour réduire l'empreinte carbone
Alors, pourquoi ne pas faire passer toutes les cryptomonnaies sous ce protocole “plus vert” ? La cryptomonnaie ethereum a bien annoncé qu’elle souhaitait passer à l’ethereum 2.0, c’est-à-dire effectuer la transition complète de la “preuve de travail” vers la “preuve d’enjeu” d’ici fin 2022. Cela lui permettra notamment de passer de 15 transactions à la seconde à plus de 150, mais surtout de réduire son empreinte carbone.
Cependant, toutes les cryptomonnaies ne sont pas en mesure d’effectuer cette transition.
Le créateur (ou groupe de créateurs) du bitcoin Satoshi Nakamoto, a choisi de mettre une limite au nombre d’unités de la cryptomonnaie disponibles. La limite maximale de 20 999 999,997 est gravée dans la blockchain et le processus prendra donc naturellement fin une fois arrivé à un total de 21 millions de blocs, en 2140. Le bitcoin a donc nécessairement besoin du système de “preuve de travail” pour être produit, comme défini par son alogorithme de consensus. L’ethereum lui, n’a pas de nombre limite et peut passer en 100 % “preuve d’enjeu” qui utilise des coins déjà en circulation. Tous les mineurs d’ethereum deviendront alors des validateurs et seront rémunérés à la transaction.
Toutefois, si les cryptomonnaies existantes choisissent d'effectuer la transition, et que les nouvelles qui sont créées le sont sur la base de la "preuve d'enjeu", un nouveau problème se pose. "Il est indéniable que ce protocole pollue moins. Mais pourra-t-il suivre sur le long terme avec un nombre toujours plus important de transactions ? C'est la question", précise David Boveington-Fauran.
Energie renouvelable ?
Enfin, modérons le propos en rappelant que l’empreinte carbone générée par une cryptomonnaie est directement liée à la quantité d’électricité nécessaire à sa gestion. Or, cette électricité peut aussi être issue de sources renouvelables. A l’été 2021, la Chine a interdit le minage de bitcoins sur son territoire. Les mineurs ont donc migré au Kazakhstan et aux Etats-Unis. Se seraient-ils installés dans l’aride Texas pour travailler à partir d’énergie solaire ?
De son côté, l’Islande a garanti des prix fixes de l’électricité sur vingt ans, donc un grand nombre de gestionnaires de cryptomonnaies s’y sont implantés. Or, l’Islande est aussi connue pour ses ressources géothermiques...
Une partie de l'électricité utilisée par les cryptomonnaies à travers le monde serait-elle propre ? Et si oui en quelles proportions ? "C'est très difficile à dire", conclut David Boveington-Fauran.