Cryptomonnaies et déclaration fiscale: que faire face à une hausse ou… une baisse de leur valeur ?
Le code d’impôt sur les revenus (CIR) semble peu adapté aux cryptomonnaies mais il existe des règles… Un décryptage d'Emmanuel Degrève, conseiller fiscal chez Deg&Partners.
Publié le 02-06-2022 à 14h17 - Mis à jour le 06-06-2022 à 14h19
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Les cryptomonnaies sont un phénomène nouveau dont la valeur mondiale a battu des sommets surprenants et… connu des variations tout aussi stupéfiantes. Face à ces évolutions, le code d’impôt sur les revenus (CIR) semble peu adapté. Pourtant, aujourd’hui, l’essentiel des situations auxquelles le contribuable est confronté est visé par des règles. Encore faut-il les comprendre et les interpréter favorablement. Décodage.
Quel cadre ?
La fiscalité belge qualifie les revenus mobiliers selon le contexte dans lequel ceux-ci sont générés. Le point de départ consiste à exonérer tout revenu issu de la gestion normale d’un patrimoine privé (GNPP). Cette dernière en exclut expressément les actes dits spéculatifs ou professionnels. L’origine des fonds, le nombre d’opérations et les moyens utilisés pour les obtenir permettent d’interpréter la nature "normale" de cette gestion. Somme toute, la GNPP est celle d’un bon père de famille ; elle passera donc aussi par une certaine diversification (un usage limité de cet investissement en cryptomonnaies) et une certaine aversion au risque, une caractéristique qui n’est pas nécessairement très "commune" aux usagers des cryptomonnaies.
Première observation : il est difficile de disposer d’une variable tangible pour délimiter le basculement de la GNPP vers de la spéculation. Certains observateurs suggèrent d’ailleurs au législateur d’introduire des notions chiffrées pour qualifier de spéculatifs les investissements en cryptomonnaies. Ceci pour être atteint au-delà d’un certain montant ou en deçà d’une certaine période de détention. Mais rien n’existe aujourd’hui dans notre réglementation.
Quels revenus ?
Outre le cadre, les revenus mobiliers "taxables" issus de l’usage de cryptomonnaies sont de deux natures. Soit ils sont issus d’une exploitation passive des cryptomonnaies, soit ils sont issus d’une transaction (usage actif), cette dernière ayant produit une plus-value ou une moins-value. Mais l’investisseur ne doit pas oublier que pour qu’il y ait une taxation, il faut qu’un revenu existe.
Dans la première situation, vous générez des revenus issus de votre cryptomonnaie moyennant des actions spécifiques : c'est le cas du staking (blocage de crypto contre rémunération) et du farming (prêt de crypto à des liquidity pool). Ces revenus ont sans conteste la nature de revenus mobiliers. Ils seront imposables à concurrence de 30 %. Puisqu'ils n'ont pas été précomptés, ils doivent faire l'objet d'une déclaration obligatoire. Attention, dans ce cas, le revenu mobilier est "toujours" imposable : vous ne pouvez pas invoquer le bénéfice de l'exonération pour GNPP.
Dans la seconde situation, vous générez une plus-value, qui est la différence entre votre vente et votre achat. Cette plus-value n’est toutefois imposable que si elle est opérée en dehors de la GNPP et si elle est bien réalisée, c’est-à-dire que la vente de cryptomonnaie a lieu et que sa conversion en devise traditionnelle ou dans une autre cryptomonnaie est opérée. Lorsque vos transactions sont multiples, et pour déterminer la valeur de vos gains, vous disposez de différentes méthodes de gestion de vos stocks (LIFO, FIFO ou moyenne pondérée) : l’une d’elles sera nécessairement plus intéressante. Certains outils en ligne utilisent également la méthode HIFO (usage de l’achat à sa valeur la plus élevée). Ce système n’est toutefois pas compatible avec les normes de comptabilisation admises : ne l’utilisez pas. Une simulation serait une idée plutôt intéressante si vous souhaitez optimiser votre charge fiscale. A priori, nous recommandons de soumettre cette plus-value au taux du revenu divers pour gestion spéculative, soit 33 %. Ce revenu doit en conséquence être déclaré.
Si vous avez obtenu des revenus de type airdrop ou fork (obtention bénévole d'une crypto) ou mining (hébergement de crypto contre rémunération) dans un cadre compatible avec votre GNPP (en particulier sur le plan des moyens mis en œuvre), il n'y a en principe pas lieu de déclarer ces revenus.
Enfin, si vous agissez de manière continuelle et habituelle, sur un ensemble d’opérations fréquentes et liées entre elles, il est probable que vous soyez soumis au régime d’imposition progressif des revenus professionnels. Avantage : les charges associées et les pertes transactionnelles éventuelles sont déductibles lors du calcul du revenu imposable.
Et les moins-values ?
Les moins-values ne sont déductibles que dans le cadre des régimes d’imposition divers et professionnels. Le contribuable doit donc bien réfléchir, et en particulier dans le contexte baissier actuel, avant d’opter pour l’un de ces deux régimes. En effet, vous pourriez moyennant cette option devoir payer un impôt "divers" pour votre déclaration de l’exercice d’imposition 2022 et bénéficier ensuite, pour l’exercice d’imposition 2023, de la déductibilité des pertes sur vos cryptomonnaies. Seules limites : l’étanchéité de cette déductibilité (les pertes et les revenus doivent être de même nature pour se compenser) et la limite dans le temps (5 ans).
Rien à faire, l’optimisation passe parfois aussi par la fiscalisation. À vos calculettes !