Le RGPD et l’Autorité belge de Protection des Données au secours des "Américains accidentels"
Une décision de l’APD secoue sérieusement l’accord FATCA conclu par les pays membres de l’Union européenne avec les autorités américaines.
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Publié le 24-05-2023 à 19h07
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Comme pour marquer d’une pierre blanche le cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur du Règlement européen sur la protection des données privées (RGPD), l’Autorité belge de protection des données (APD) a déclaré mardi "illicites, et décidé d’interdire, les transferts de données personnelles des Américains accidentels belges par le SPF Finances à l’administration fiscale américaine prévus dans l’accord intergouvernemental FATCA". Une décision importante, lourde de sens, prise sur la base d’une plainte introduite par une personne possédant la double nationalité, belge et américaine, et une association défendant les personnes disposant de cette même nationalité, l’Association des Américains Accidentels de Belgique (AAAB).
Quel est le problème de ces personnes, disposant de cette deuxième nationalité de par leur naissance sur le territoire des États-Unis ? L’administration fiscale américaine veut les soumettre aux contraintes fiscales des États-Unis sur base de leur nationalité, et exige leurs données fiscales dans le cadre du traité FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), signé par les pays membres de l’Union. Un traité qui soumet donc en principe des citoyens belges à la loi américaine, même si ceux-ci ne vont jamais aux États-Unis, n’y exercent pas d’activités, et ne sont pas susceptibles de frauder le fisc américain… FATCA impose à ces Belges porteurs de la double nationalité de fournir à leur(s) banque(s), des données dont leur numéro d’identification fiscal américain TIN (Tax Identification Number) même s’ils n’en disposent pas. Les banques belges sont donc incapables de ficeler leur dossier, et préfèrent fermer les comptes pour éviter des sanctions économiques américaines. Une situation complexe vécue par 10 000 à 15 000 Belges. "Je me suis fait "virer" de deux banques et je n’ai plus eu accès à mes biens financiers pendant des mois", nous explique l’un d’eux.
Une bombe juridique ?
Pour les Américains accidentels, même si la décision de l’APD est susceptible d’appel, il y a là une victoire attendue depuis près de 7 ans. Fabien Lehagre, un Français qui porte le combat de l’AAA, en France et au niveau international, nous assure que "ceci est une grande victoire dans notre combat pour défendre les droits des Américains accidentels contre l’extraterritorialité de la législation américaine".
L’avocat belge Vincent Wellens (cabinet Nauta-Duthil), qui a développé ses arguments dans la plainte à l’APD, nous explique voir dans la décision de cette autorité, une attitude courageuse face aux autorités fiscales américaines. "Chaque pays de l’Union a signé un traité pratiquement identique avec l’administration américaine, et la décision très importante de l’APD belge est déjà en cours d’évocation au sein des autorités comparables ailleurs dans l’Union", nous assure-t-il.
L’APD a de fait demandé au SPF Finances de faire remonter l’information vers le législateur. Pour Vincent Wellens, "plus de 90 % des Belges concernés ne sont pas visés par le fisc américain tout simplement parce que leurs revenus sont trop bas. On est donc là face à une mesure disproportionnée qui ne vise pas un objectif précis". Dans les conclusions de la Chambre Contentieuse de l’APD, sa présidente Hielke Hijmans ponctue : "Ordonner l’arrêt des flux de données vers les États-Unis prévus dans l’accord FATCA peut paraître sévère, mais à partir du moment où nous constatons que ceux-ci ne sont pas conformes au droit applicable, nous sommes tenus de mettre fin à ces flux de données".