Le gendarme américain de la finance n’a pas fini d’attaquer les géants des cryptomonnaies
Contrairement à ce qui est régulièrement affirmé, la SEC ne vise pas les cryptomonnaies en tant que telles, mais les opérateurs et leur manière de générer des bénéfices.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/5347a177-ca2b-4917-954b-a2a26078a3be.png)
- Publié le 08-06-2023 à 16h11
- Mis à jour le 09-06-2023 à 09h00
:focal(2607x1746.5:2617x1736.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/D4OH5DXBAREB7JCR3XH7JYWT4A.jpg)
Le bras de fer se poursuit aux États-Unis entre le gendarme de la finance, la SEC (Securities and Exchange Commission) et les plateformes de transactions sur cryptoactifs. Dans les colonnes du Wall Street Journal ce jeudi, le patron de la SEC, Gary Gensler, dit en avoir vu suffisamment dans le chef de ces opérateurs. “Je travaille dans la finance depuis quatre décennies, et je n’ai jamais vu autant de non-conformité et de battage médiatique déguisé en réalité que dans ce secteur”, a-t-il martelé.
Binance et Coinbase en tête
Cette véhémence qui ne date pas d’hier s’est traduite cette semaine par deux ouvertures de procédures judiciaires à l’encontre de Binance connue pour être devenue la plus grande plateforme de transactions de cryptoactifs au monde et de la plateforme américaine la plus importante, Coinbase, cotée au Nasdaq. Que reproche la SEC à ces deux acteurs qui ont pignon sur rue et sont actifs au niveau international ? En gros, ces plateformes proposeraient des opérations d’achat/vente portant sur des cryptoactifs dont les caractéristiques sont semblables à celles qui permettent de définir des titres financiers comme des obligations ou des actions payant des dividendes ou des intérêts. Ceci les obligerait d’une part à adopter les règles de fonctionnement imposées aux acteurs traditionnels de la finance, brokers ou banquiers, en matière de sécurité, de garanties et d’information. Et d’autre part, elles devraient enregistrer les actifs qu’elles développent et animent. C’est le cas de Binance qui a créé et commercialisé le cryptoactif BNB dont la capitalisation globale avoisine les 41 milliards de dollars. C’est-à-dire quelque 13 % de moins que lundi, puisque l’annonce des poursuites de la SEC à l’encontre de l’émetteur a fait plonger le BNB de 13 %. Pour sa part, Coinbase a vu ses actions dégringoler de 20 % cette semaine dans la même perspective. L’action se traite autour de 53 dollars. Au mieux de sa forme, au moment de son introduction en Bourse en avril 2021, elle culminait à 381 dollars.
Quel cadre légal ?
Bien entendu, les plateformes attaquées ont la possibilité d’introduire des recours, et elles ont les moyens de se défendre. Et comme la meilleure défense est souvent l’attaque, les juristes de ces acteurs tentent de mettre à mal la SEC en lui demandant de manière formelle d’établir dans quelle mesure et sur quelles bases juridiques elle fonde son contrôle des acteurs du monde des cryptos. Stratégiquement, les plateformes pourraient suspendre les opérations sur les actifs visés précisément par la SEC et limiter leurs opérations, mais ce serait se priver au passage de revenus qui seront encaissés par des concurrents domiciliés sous d’autres cieux. Dans le marché, les autres acteurs du secteur observent évidemment avec inquiétude les développements de ces deux affaires, sachant qu’un précédent pourrait les priver eux aussi d’une part d’activité, et les exposer à des poursuites judiciaires. Mais, même s’il est vrai que le cadre légal américain laisse les plateformes d’échanges de cryptos dans une zone grise, l’option de la SEC de requalifier certains actifs en titres financiers sera difficile à contrer. L’établissement d’un encadrement légal clair est du ressort du législateur. Mais on sait suite aux révélations liées à l’affaire FTX, que le monde politique a été largement influencé par les généreux donateurs du monde des cryptos.
Le test de Howey
Le cadre légal sur lequel se base la SEC dans son offensive contre les plateformes cryptos repose notamment sur la définition d’un titre financier. Pour ce faire, les Américains se réfèrent à une affaire sur laquelle la Cour suprême s’est prononcée… en 1946. Une affaire de vente de parcelles de plantations d’agrumes à des investisseurs dans laquelle la Cour a statué en appliquant 4 critères principaux qui ont fait école et sont désormais répertoriés dans le “test de Howey” permettant de définir un instrument financier. Pour faire simple, cet actif doit impliquer un investissement financier, doit être assorti d’un espoir de profit, être inscrit dans une entreprise commune, et générer un profit par l’action d’un tiers. La SEC veut donc requalifier les cryptoactifs sur une telle base, sans les interdire. Par ailleurs, elle a confirmé des points déjà explicités en 2018, excluant des actifs visés le bitcoin et l’Ether qui ne répondent pas aux caractéristiques des titres financiers.