Productivité, durabilité, souplesse : l'impression 3D va-t-elle s'imposer ?
Libre Eco week-end | Le dossier. Le secteur connaît une croissance qui n’est limitée que par l’imagination des créateurs.
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- Publié le 09-06-2023 à 14h26
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Des objets usuels, des pièces mécaniques, des maisons ou des ponts métalliques… On ne compte plus les exemples d’artefacts réalisés à l’aide d’imprimantes 3D plus ou moins grandes et sophistiquées. Des imprimantes, des imprimeurs spécialisés, et surtout des logiciels, comme nous l’explique Victor Levy, professeur d’architecture qui a été à la base de la création du premier fablab (contraction de fabrication laboratory) à Bruxelles. Dans ce fablab, un vaste atelier doté de machines diverses et utilisées par des équipes multidisciplinaires, il a pu à loisir découvrir avec les étudiants les nombreuses possibilités de l’impression 3D et de la découpe laser notamment.
Mais quel est l’intérêt principal de cette technologie ? “D’abord, elle est économe en matière puisque le principe de l’impression 3D est d’apporter de la matière où il en faut, au lieu de partir d’une masse initiale et d’en ôter une partie pour arriver à un résultat, explique-t-il. Et les applications sont très variées. On va des semelles de chaussures adaptées, aux cadres de vélo sur mesure, en passant par des pièces automobiles produites à la pièce.” Dans l’industrie, il semble que l’on utilise cette technologie dans des créneaux bien précis, loin de la production de masse… comme la réalisation d’hélices de bateaux en bronze.
Cela étant, il ne suffit pas de dessiner une pièce pour qu’elle soit utilisable après impression. “En effet, si l’on prend le cas d’une pédale d’accélérateur, il faut tenir compte de facteurs spécifiques. Il existe des logiciels de calcul très précis de résistance et de stress. C’est notamment le cas pour la fabrication de pièces utilisées dans le secteur aéronautique. On utilise des logiciels comme Autodesk, de type génératif, qui assistent la conception de pièces et aident à intégrer les contraintes de poids, de déformation… Et l’on dispose d’imprimantes permettant de produire des pièces avec de plus en plus de matériaux, du titane, de l’inox, du plastique, des mousses, des matériaux composites…”
Un champion belge coté au Nasdaq
Les domaines d’applications fleurissent donc, puisque les imprimantes 3D ont même fait leur apparition dans le secteur de l’alimentation. “L’entreprise italienne Barilla imprime des pâtes en 3D. Mais on fabrique aussi des chocolats ou des biscuits avec le même type de tête capable d’extruder la matière.” Dans le secteur médical, si l’on parle déjà d’imprimer du vivant, on est surtout capable désormais de scanner une partie du corps, d’identifier une zone en mauvais état, de l’imprimer pour analyser les parties à traiter et, si nécessaire, d’imprimer des “pièces de rechange” parfaitement adaptées à la morphologie.
La société belge (Leuven) Materialise est à la pointe de l’impression 3D. Cotées au Nasdaq à New York, ses actions se traitent à près de 500 fois les bénéfices, ce qui en dit long sur le potentiel de son secteur d’activité, du point de vue des investisseurs. Là aussi, la production est extrêmement variée, allant du dispositif médical aux pièces mécaniques en passant par les montures de lunettes… L’entreprise fournit toute la palette de services dans son secteur, la consultance, la conception, la production, avec la capacité de fournir des pièces en quantité mesurée, ce qui permet aux clients de ne pas devoir investir dans une force de production classique basée sur la production de masse. “Il est en effet possible de réaliser de petites productions en envoyant le modèle 3D vers un site en ligne qui permet de réaliser les objets dessinés. Au besoin, selon le projet et les contraintes techniques, le fabricant peut apporter une expertise après analyse par des logiciels adaptés permettant de valider les choix technologiques du client.”
Ainsi, le solidity check proposé par le site Sculpteo (une division du groupe chimique allemand BASF) permet de vérifier si un projet tiendra la route en pratique. Des outils et des formations en ligne permettent aussi d’éviter les principaux écueils rencontrés par les projets en fonction des matériaux utilisés. Les créateurs peuvent parfaitement dessiner de cette manière des bijoux imprimés en or ou en argent.
Des briques et des drones
Dans le secteur de la construction, nous explique encore Victor Levy, “c’est le même principe : on dispose de machines plus grandes que le bâtiment à construire, qui déposent la matière, du béton par exemple, pompé dans un tuyau manipulé par un bras robotique. À Amsterdam, une entreprise du secteur a fabriqué un pont métallique en 3D aux formes incroyables. Aux Pays-Bas encore, on a procédé à des essais visant à réaliser des bâtiments en plastique, mais on a également vu par ailleurs des robots et même des drones qui portent et placent des briques pour former des schémas complexes”. Et d’évoquer une thèse de doctorat (ETH Zurich) ayant pour objet de faire réaliser un mur en pierre sèche de 6 mètres de haut formé de rochers de formes irrégulières, pesant jusqu’à une tonne, par un ensemble robotique aboutissant au travail autonome d’une machine de 12 tonnes.
La création de mobilier est également un des défis relevés par les adeptes de l’impression 3D, à l’exemple de la chaise réalisée par Philippe Starck sur base d’un cahier des charges descriptif assisté par l’Intelligence artificielle. “Elle a donné, au terme d’un travail de deux ans, une chaise “starckienne”, tenant compte des matériaux, des contraintes de poids et de résistance.” Tout en nous évoquant la création de pièces artistiques en céramique, Victor Levy ne peut s’empêcher de revenir aux principes industriels qui permettent de prendre en compte les impératifs croissants de réparabilité des produits. Ici, on a l’exemple du groupe français SEB qui a transformé certaines de ses usines en hangars de stockage de pièces détachées, alors que la production s’effectue dans des pays comme la Chine. Ces stocks permettent d’alimenter un marché de la réparation, et sont assistés de programmes d’impression de pièces en 3D. Mais ici comme dans d’autres secteurs d’activité, il semble que le principe, aussi sympathique soit-il, reste encore freiné par les habitudes de consommation du public.
Réparabilité
Mais les “repair cafés” et autres “repair labs” se multiplient dans notre pays. Le principe ? Partager des expériences, des connaissances et tenter de redonner vie à des appareils en panne. Cette tendance à vouloir prolonger l’utilisation d’appareils aussi variés que des aspirateurs, des grille-pain ou des sèche-cheveux, s’inscrit dans une démarche de recherche de durabilité et de réparabilité, dans l’air du temps. Dans ces sessions, il est possible de ressusciter des machines en leur adjoignant des pièces de rechange imprimées en 3D. Des quantités de plans circulent sur la Toile, qui permettent de recréer des objets comme des manettes, boutons rotatifs, engrenages en plastique… Et si aucune imprimante 3D n’est accessible, il est toujours possible de recourir à un site spécialisé qui réalise les objets modélisés, par exemple avec des logiciels libres.