L’Europe est-elle capable de concurrencer la Chine et les États-Unis dans l’IA ?
Pékin poursuit son ambition de dépasser Washington en tant que leader mondial de l’intelligence artificielle. L’Europe peut-elle se frayer une place dans le secteur ?
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- Publié le 31-08-2023 à 11h49
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Le géant chinois de l’internet Baidu annonce ce jeudi lancer son propre robot conversationnel. Uniquement disponible sur le marché chinois pour le moment, “Ernie Bot” est la réponse chinoise à l’américain ChatGPT. Une série de nouvelles applications nées de l’intelligence artificielle (IA) sont également bientôt commercialisées.
L’arrivée d’Ernie Bot sur le marché marque une étape majeure dans la volonté de la Chine d’être d'ici 2030 un leader mondial de l’IA. Encore cette année, Pékin talonne la championne Washington dans le top mondial des leaders en intelligence artificielle, démontre le Tortoise Global AI Index qui évalue les pays en fonction de leur niveau d’investissement, d’innovation et de mise en œuvre de l’IA. Les États-Unis sont particulièrement performants en termes d’investissement commercial, alors que la Chine obtient des résultats prometteurs dans le domaine de l’innovation.
Une opportunité à saisir pour l’Europe
Et l’Europe dans tout ça ? Si elle a des règlements, elle n’a pas encore d’applications. “Je pense que l’Europe met en avant ses citoyens et qu’elle a toute la technologie nécessaire pour construire des applications concurrentes”, estime Axel Legay, professeur de cybersécurité à l’UCLouvain. “Maintenant il faut passer à l’action.” Le premier pays membre de l’Union européenne, l’Allemagne, occupe la huitième position de l’index Tortoise, tandis que le Royaume-Uni se place à la quatrième position.
Il y a une réelle opportunité pour l'Europe parce que les géants chinois et américains sont tellement gros qu’ils commencent à éclater.
”Sur le plan économique et commercial, les Chinois sont très bons”, concède l’expert. “Ils ont plus de données et même s’il y a des règlements européens qui se mettent en place, un peu moins du côté américain, ils ont beaucoup moins de virtuosité dans la façon de les traiter et de mettre en place des algorithmes de traitement de ces données. Donc forcément, ils arrivent à construire des applications plus attractives et à s’emparer des parts de marché américaines.”
Axel Legay insiste néanmoins sur le fait que l’Europe est clairement capable de concurrencer les géants américains et chinois. “Il y a une réelle opportunité parce que ces géants sont tellement gros qu’ils commencent à éclater. On revient à de plus petites structures dans le numérique, ce qui est une bonne opportunité pour l’Europe qui est beaucoup moins habituée à des grosses structures.”
Auto-censure d'Ernie
Ernie Bot a été lancé dans un cadre de contrôle strict de l’information en ligne par les autorités. Baidu a en effet dû solliciter leur autorisation avant la mise sur le marché.
Interrogée par nos confrères de l’AFP sur des sujets sensibles comme la violente répression des manifestations pro-démocratie de la place Tiananmen à Pékin en 1989, la plateforme Ernie ne se montre pas très inspirée : “Changeons de sujet et recommençons”. Et à la question “Peut-on discuter librement de tout sujet ?”, le logiciel répond : “Oui, nous pouvons parler de tout ce que vous voulez. Cependant, veuillez noter que certains sujets peuvent être sensibles ou toucher à des questions légales et sont donc soumis à votre propre responsabilité”.
Des personnes prennent le règlement européen pour imposer une espèce de terreur dans les entreprises qui n’a pas lieu d’être.
Si un robot conversationnel est lancé dans le cadre démocratique européen, ce genre de situation n’aurait pas lieu. Mais les règlements européens ne représentent-ils pas un frein au développement de ce genre de technologies ? Pour Axel Legay, le problème n’est pas le cadre réglementaire mais l’interprétation et l’application faite par les Vingt-Sept. “Ces règlements qui protègent nos droits ne sont pas des mauvais règlements. Ils le deviennent à partir du moment où la personne qui veut faire respecter ses règlements est incompétente. Et c’est bien souvent le cas en Europe malheureusement. Des personnes prennent le règlement pour imposer une espèce de terreur dans les entreprises qui n’a pas lieu d’être. Quand il n’y a pas triche, on n’a pas besoin d’entraver votre travail et de vous embêter toutes les deux minutes en vous rappelant les règles.”
Pour le professeur de cybersécurité, le développement de l’IA en Europe peut être prometteur : “Il y a des possibilités mais il faut une volonté et surtout, il faut une coordination interétatique”.