Google, Apple, Tiktok… face au DMA : “Il faut s’attendre à de nombreux litiges entre les plateformes et l’Union européenne”
Les plateformes de Google, Microsoft, Apple etc. devront se soumettre à la nouvelle réglementation européenne.
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- Publié le 06-09-2023 à 19h40
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Les “gatekeepers” sont connus. On ne parle pas de personnages de science-fiction mais des géants du numérique considérés par la Commission européenne comme “contrôleurs d’accès” et qui devront donc se soumettre au Digital Market Act (DMA), la nouvelle réglementation européenne pour réguler le secteur.
Parmi eux, Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook), Bytedance (TikTok) et Microsoft. Au total, 22 des plateformes et services fournis par ces géants sont concernés par le règlement.
Parmi les obligations qu’auront ces plateformes, il y aura l’interopérabilité entre les plateformes (Whatsapp et Messenger par exemple, toutes deux détenues par Facebook), la possibilité de payer via des services en dehors des apps stores, etc.
"Nous fixons les conditions, c’est aux plateformes de s’adapter."
Parmi les interdictions, on notera celle de procéder à un traitement plus favorable dans les classements de recherches, le suivi des utilisateurs et de leurs données en dehors des services délimités ou encore la publicité ciblée sans consentement.
Pour Alexandre de Streel, professeur en droit européen à l’UNamur qui suit cela de près, cela permettra d’éviter les dérives, comme on a pu le constater avec Google Shopping par le passé ou Amazon “qui utilisait les données de navigations des consommateurs pour mettre en avant ses propres produits”.
Les gatekeepers ont donc désormais six mois pour s’aligner avec le règlement. “Il faut s’attendre à ce qu’il y ait de nombreux litiges entre l’UE et les plateformes. Ce qui est normal. Mais c’est une étape. Cela ne va pas révolutionner les usages pour les utilisateurs du jour au lendemain, ce sera progressif.”
Quelles conditions ?
Parmi les critères pour être considéré comme gatekeeper, il faut que l’entreprise ait une valorisation boursière d’au moins 75 milliards d’euros, au moins 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels et un chiffre d’affaires d’au moins 7,5 milliards d’euros par an pendant trois ans consécutifs.
Néanmoins, Alphabet et Microsoft ont réussi à obtenir une exception pour leurs services comme Gmail ou Outlook, considérés comme des services essentiels, ou Bing, le moteur de recherche de Microsoft, qui a des parts de marché largement inférieures à Google. Apple a également réussi à faire sortir iMessage de la réglementation, avançant que le nombre d’utilisateurs n’était pas assez élevé, ce que la Commission contrôlera via une enquête de marché.
”C’est un changement culturel pour les big techs, note encore Alexandre de Streel, “qui faisaient jusqu’ici ce qu’ils voulaient”. S’il insiste sur le fait que ce ne sera pas simple, il se réjouit tout de même de cette avancée.
Les amendes pourraient être salées. Jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial ou 20 % en cas de récidive pour non-conformité.
Éviter la “case à cocher”
Comment éviter de tomber sur simplement une “case à cocher”, comme on le voit pour le RGPD, le règlement sur la protection des données adopté il y a quelques années ? “C’est une législation européenne et non à appliquer par chacun des États membres indépendamment. C’est plus fort”, lance Alexandre de Streel. Et les amendes pourraient être salées. Jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial ou 20 % en cas de récidive pour non-conformité. De quoi forcer les géants de la tech à filer droit.
Mais doit-on craindre des effets pervers ou un désinvestissement de leur part du marché européen ? “Le groupe Apple est le plus touché dans sa philosophie, lui qui est habituellement assez fermé (sur les statistiques d’utilisations par exemple, NdlR). Il devra s’ouvrir davantage. Mais si ça peut décourager des groupes, n’oublions pas que le marché européen, c’est 450 millions de consommateurs avec un fort pouvoir d’achat. Et cela pourrait également favoriser l’arrivée de nouveaux entrants”, lâche-t-il.
”Nous voulions une régulation ex ante parce qu’on s’est rendu compte qu’agir avec une régulation ex post classique, tirée des règles classiques de la concurrence, c’est assez médiatique, quand on ouvre une enquête ou qu’on prend des sanctions, mais derrière, il y a souvent des recours et des appels qui restent pendants durant des années. Et pendant ce temps-là, le dommage perdure. Sans compter que les sanctions peuvent être annulées par la justice”, a pour sa part commenté Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, à un groupe de journalistes en marge de la conférence de ce mercredi. “Nous fixons les conditions, c’est aux plateformes de s’adapter”, a-t-il conclu. Prochaine étape : mars 2024.