"En tant que femmes entrepreneuses, nous sommes vraiment très bien accompagnées, peut-être même davantage que les hommes"
Découvrez les témoignages de Diane Jooris, Nathalie Kockaerts et Florence Posschelle, trois femmes qui ont osé entreprendre et l'ont fait avec succès.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/f7ae0795-d881-41fd-be7b-0df891625fa1.png)
Publié le 08-03-2022 à 15h23 - Mis à jour le 05-04-2022 à 13h59
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/H3TQ67ZQFVB43F77MZLOGP4AVU.jpg)
Diane Jooris, cofondatrice de Oncomfort
C’est en 2017 que Diane Jooris donne naissance, avec trois autres cofondateurs, à la
medtech
Oncomfort, spécialisée dans la sédation digitale. Cette jeune pousse, basée à Wavre, est parvenue à transformer l’hypnose clinique en applications médicales de réalité virtuelle, où le patient, avec un masque et un casque, est isolé au niveau des perceptions de ce qui se passe dans la salle d’opération et coupé de l’environnement anxiogène de l’hôpital. Cette “déviation” de l’état de conscience offre plusieurs avantages au patient : un moindre recours aux anesthésiants, de moindres risques lors de l’intervention et une meilleure récupération.
Aujourd’hui, Oncomfort occupe 20 collaborateurs, affiche un chiffre d’affaires de 1 million d’euros (en croissance de 50 % en 2021 par rapport à 2020) et est présent dans 12 pays européens. On retrouve sa technologie dans une centaine de centres hospitaliers et 80 000 patients y ont déjà eu recours.

"Personnellement, dans ma carrière, je n'ai pas ressenti d'obstacles dans le fait d'être une femme, ni dans le regard des gens, ni dans la pratique, ni lors des levées de fonds d'Oncomfort ou dans mon travail scientifique. Par contre, j'ai eu plutôt droit à quelques petits sourires en coin parce que j'avais 45 ans ou un peu plus quand je me suis lancée dans l'aventure Oncomfort. Certains me disaient que ce n'était plus un âge pour lancer sa start-up mais que c'est quelque chose que l'on fait quand on a entre 20 et 30 ans", nous explique cette spécialiste de l'hypnose clinique, qui a longtemps travaillé dans des blocs opératoires aux États-Unis. Elle ajoute : "Je n'ai pas été confrontée à la moindre barrière. Au contraire, avec la propension à favoriser la mixité dans la société, l'entrepreneuriat féminin est sans doute plus soutenu que l'entrepreneuriat en général et il y a une volonté de mettre les femmes en avant. C'est comme cela que je le perçois mais je suis peut-être comme un saumon qui remonte sur cette thématique."
Si Diane Jooris dit donc n'avoir pas eu à subir de "biais négatif", elle n'en estime pas moins que beaucoup de femmes restent confrontées à des "barrières organisationnelles." "Nous sortons quand même de quelques dizaines d'années de société patriarcale où le mari avait le premier métier et le salaire le plus élevé et la femme le métier secondaire et s'occupait des enfants. La femme a été positionnée pendant des années comme ayant un rôle de support dans l'entreprise même si tout cela est en train d'évoluer au sein des jeunes générations où il y a davantage une recherche d'équilibre pour tout ce qui touche à la sphère privée. Mais au niveau du grand public, il n'y a pas encore une acceptation généralisée du fait qu'un mari puisse travailler pour la société lancée par sa femme. Ce fût le cas pour moi : mon mari a arrêté son métier pour venir travailler avec moi. Mais quand mes enfants disaient à leurs amis 'Papa travaille pour maman', cela suscitait des rires…", ajoute-t-elle.
Elle conclut : "Je n'ai pas vraiment perçu ces limitations ou obstacles en tant que femme mais cela s'explique sans doute par le moment de vie où je me suis lancée pour créer cette entreprise. Si je l'avais décidé à 25 ans, j'y aurais sans doute beaucoup plus réfléchi. Je pense même que je ne l'aurais pas fait…"
Nathalie Kockaerts, CEO de Smart Rooms
Nathalie Kockaerts est l'une de ces entrepreneuses qui a changé de vie professionnelle à cause de la crise du Covid. À 50 ans, et après une carrière consacrée à la gestion de salles d'évènements à Bruxelles, elle a en effet été contrainte de rebondir, passant du "confort" du salariat à l'aventure entrepreneuriale. "Le secteur dans lequel je travaillais a été contraint de fermer du jour au lendemain. Il a fallu trouver d'autres idées et être créative", nous explique-t-elle. En avril 2021, elle fait le grand saut en créant sa société : Smart Rooms. Le concept ? La location à l'heure, à des patriciens du secteur du bien-être mental et physique – massothérapeutes, coachs en nutrition, de vie… – d'espaces équipés, destinés à accueillir leurs patients, uniquement quand ils en ont besoin.
Des premiers espaces sont aménagés place Flagey, à Bruxelles, disponibles de 8 heures du matin à 22 heures, 7 jours sur 7. "Ce concept de location à l'heure très flexible, qui existe déjà aux États-Unis et en Grande-Bretagne, répond à un véritable besoin à Bruxelles, où les loyers sont très élevés. Ce secteur est par ailleurs en plein boom et la crise du Covid a entraîné chez beaucoup de personnes une remise à plat professionnelle. Il y a énormément de personnes en reconversion dans ce secteur, y compris en tant qu'activité complémentaire. La demande et l'offre de formations sont importantes. Un des freins au lancement, c'est le prix de la rigidité de l'offre proposée pour louer un cabinet équipé. Le fait que Smart Rooms est arrivé au moment de la reprise des métiers de contact est une opportunité", nous explique Nathalie Kockaerts.

Aujourd'hui, les espaces de Flagey affichent un taux d'occupation de 30 % et une quarantaine de professionnels s'y rendent plus ou moins régulièrement. Le Covid, ses différents Codeco et mesures de restrictions sont évidemment passés par là. "Mon concept a bien évolué en dix mois. En revanche, à chaque annonce d'un Codeco, et en raison de l'incertitude ambiante, cela entraînait une certaine frilosité de la part des praticiens. Mais je suis confiante pour la suite", précise-t-elle encore. Au point d'envisager à terme l'ouverture d'un deuxième espace Smart Rooms à Bruxelles et même de créer un réseau national, afin de permettre aux praticiens de prospecter dans d'autres quartiers ou régions et de se rapprocher de leurs clients.
Pour Nathalie Kockaerts, le fait d'être une femme n'a pas été un obstacle à l'acte d'entreprendre. Au contraire. "En tant que femmes, nous sommes vraiment très bien accompagnées, peut-être même davantage que les hommes. Même si cela reste un sacré challenge, que ce sera long avant de pouvoir me verser un salaire et qu'il n'est pas facile à 50 ans de passer de salariée à indépendante. Mais, aujourd'hui, il y a certaines primes, des structures, des réseaux ou des espaces de coworking réservés aux femmes et qui soutiennent les femmes. Mon conseil ? Allez-y, il ne faut pas hésiter même si c'est plus difficile pour les jeunes mamans qui sont en manque de temps, de sommeil et d'énergie", ajoute Nathalie Kockaerts. Cette dernière adresse cependant une demande aux autorités : "Les structures d'accompagnement sont présentes mais la communication fait souvent défaut et il n'est pas toujours facile, même à 50 ans, de savoir à qui s'adresser. Il manque de la clarté et je suis certaine que cela a dû décourager certaines initiatives."
Florence Posschelle, CEO et cofondatrice de Bam !
Florence Posschelle aime quand cela bouge. Cette femme de quarante ans et mère de trois enfants n’a qu’un seul regret professionnel : celui de ne pas avoir, dès la fin de ses études universitaires, créé sa propre entreprise. Les premiers pas professionnels furent assez classiques. Après des études de sciences économiques, elle fait ses gammes dans le consulting en tant que salariée puis opère un passage au sein de l’opérateur télécoms Orange. Mais après la naissance de son premier fils, cette envie d’entreprendre la pousse vers le secteur de l’énergie où elle développe, pour le compte d’un gros client, des parcs éoliens en Wallonie. Et cela pendant une dizaine d’années.
Mais dans l'attente de l'arrivée de son troisième fils, elle se décide à franchir le cap et crée, sous la marque Lili Bulk – devenue en avril dernier, Bam ! –, une jeune entreprise bruxelloise qui propose aux consommateurs une gamme de produits alimentaires bio secs vendus en bocaux consignés. Un concept, lancé avec Aurélie Manzi, qui permet de s'inscrire dans une démarche d'alimentation durable et de solutions zéro déchet. "Que ce soit dans l'énergie ou dans l'alimentation, j'ai toujours eu cette fibre pour la durabilité. Avec Bam !, on veut aider les consommateurs à consommer plus facilement du bio dans des préparations salées et sucrées et cela dans une approche locale et sociale", explique-t-elle.

Avec de jolis succès à la clé, une présence désormais dans les rayons de Delhaize mais aussi dans l'offre des plateformes en ligne comme Kazidomi et eFarmz. "Ce qui a été déterminant dans la réussite du projet, c'est de se mettre dans un incubateur comme nous l'avons fait avec Greenlab, le programme de la Région bruxelloise (NdlR : destiné à accélérer les start-up durables). En six mois, le projet était né. Pour les femmes qui se lancent, il est important de se mettre dans ce genre d'écosystèmes avec d'autres entrepreneurs car cela crée beaucoup d'émulations. Faire partie d'un réseau, c'est essentiel pour réussir", ajoute encore notre interlocutrice.
Pour Florence Posschelle, "beaucoup de femmes n'ont pas assez confiance en elles pour se lancer." Car du côté des "accompagnements, il y a énormément de choses qui ont été mises en place pour les soutenir, même parfois trop." Et d'enchaîner : "Je trouve cela chouette de donner l'exemple mais je suis convaincue que beaucoup de barrières sont mises par les personnes elles-mêmes. Ce qu'il faut pour réussir, c'est l'authenticité, la confiance en soi, la résilience et un ego bien placé, toutes des qualités que les femmes ont, même parfois davantage que les hommes. Il faut oser et avoir envie."
Florence Posschelle lance aussi un appel aux jeunes générations : "C'est quand on sort des études, que l'on n'a pas encore de famille, ni d'enfants ou d'emprunts à rembourser qu'il faut y aller. Car plus on attend, plus on a tendance à défendre des acquis matériels et c'est très confortable de rester dans des grandes structures. Mais la satisfaction qu'apporte le fait d'être maître de son propre destin, de faire ses propres choix, de voir directement le résultat de ses actions est une chose que les gens ont du mal à mesurer avant de se lancer eux-mêmes. Et dans le monde d'aujourd'hui, les qualités de type féminin, comme la résilience et l'adaptabilité, sont essentielles pour entreprendre." Un discours plein d'énergie et d'optimisme qui suscitera, on l'espère, des vocations…