"Les plateformes se moquent du gouvernement": après le décès d'un livreur, la loi sur l'économie collaborative est pointée du doigt

Course aux étoiles, prise de risques, conditions météos... les collectifs pour défendre le métier de livreur déplorent les dangers liés au business model des plateformes et aux manquements de la loi censée les encadrer.

Jeudi dernier, Sultan a perdu la vie alors qu'il effectuait une livraison.
Jeudi dernier, Sultan a perdu la vie alors qu'il effectuait une livraison. C'était également un passionné de cricket. ©Siamu & D.R.

Nous nous réunissons pour honorer la mémoire de notre collègue livreur Sultan Zadran mort en exerçant son travail”, déclarait lundi le Collectif des coursiers, quelques jours après le décès de Sultan Zadran, planifiant de se retrouver ce lundi soir à 19 heures à la gare du Nord.

Dans une communication conjointe avec United Freelancers (CSC), la Maison des Livreurs et les jeunes FGTB, le Collectif dénonce les manquements des autorités face aux plateformes de livraison.

"Des livreurs et autres travailleurs de plateforme sont confrontés tous les jours à des accidents de travail ; jusqu’ici il n’y avait jamais eu d’accident mortel en Belgique. Ce qui est malheureusement arrivé était prévisible. Les autorités ont laissé certaines plateformes mettre en place un système scandaleux”, peut-on lire dans leur communiqué.

Le travailleur étant prétendument ‘prestataire indépendant’, la plateforme n’a aucune obligation de mettre en place une politique de prévention et de sécurité, de fournir du matériel de sécurité. Le travailleur n’est pas couvert par l’assurance-loi accidents du travail et, pire encore, la manière dont le travail est organisé favorise les accidents”, renchérit-il, alors que les livreurs sont payés la plupart du temps à la course, ce qui favorise la prise de risques sur la route. Et ce “au mépris de la prudence et de sa sécurité”, courant également pour les bonnes notes (ou étoiles) sur les diverses applications, et ce quelles que soient les conditions météorologiques, que ce soit via Uber Eats, Deliveroo ou autres.

Un statut de travailleur particulier

Les différents collectifs regrettent que le gouvernement ait mis en place une loi sur l’économie collaborative et de plateforme inefficace. “Depuis le 1er janvier existe une présomption d’emploi, pour les travailleurs des plateformes réunissant certains critères. Si cette loi était appliquée, le livreur de repas accidenté aurait été dans un autre statut et ses conditions de travail totalement différentes. Mais rien n’a changé depuis l’entrée en vigueur de cette loi ; les plateformes visées estiment… ne pas être concernées !”, dénoncent-ils.

Un livreur à vélo coincé sous un bus à Schaerbeek

Selon eux, la loi est censée mieux protéger les travailleurs sous statut d’indépendant mais que les livreurs sont à 90 % sous le régime P2P (peer-to-peer), spécifique à l’économie collaborative. Rappelons par exemple que ce statut permet un taux d’imposition de 10,7 % pour tous les revenus perçus depuis les différentes plateformes.

En outre un Arrêté Royal doit encore être publié, et cela traîne”, précise à ce propos les collectifs.

Notre gouvernement doit maintenant choisir s’il continue à tolérer l’inacceptable. Ces plateformes se moquent de lui, de nous tous et précarisent les travailleurs… jusqu’à l’accident fatal”, terminent-ils. Un expert automobile a été désigné pour les suites de l’enquête, a précisé le parquet de Bruxelles. Pour rappel, Sultan Zadran, quarantenaire d'origine afghane, avait été percuté par un bus d’une société privée à l’intersection du Boulevard Roi Albert II et de la place Solvay à Schaerbeek. Les pompiers s’étaient rendus sur place pour soulever l’arrière du bus et délivrer la victime mais ce dernier est décédé dans la nuit qui a suivi à l’hôpital.

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