Comment l’Arabie saoudite compte devenir la nouvelle plaque tournante du voyage en avion
La nouvelle compagnie Riyadh Air va disposer de moyens colossaux pour rivaliser avec Qatar Airways, Emirates ou Etihad dans les connexions entre l’Europe et l’Asie. De quoi aussi menacer les compagnies européennes sur cet important marché.
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Publié le 17-03-2023 à 09h33
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Trente-sept milliards de dollars. Voilà le montant faramineux de la commande émise par deux compagnies aériennes d’Arabie saoudite à Boeing ce mardi. Saudia et la toute nouvelle Riyadh Air, détenue par le fonds souverain du royaume, ont chacune acheté 39 avions long-courriers 787 “Dreamliner” et posé des options pour 43 appareils supplémentaires, soit 121 avions au total. En comptant les options, il s’agit de la cinquième plus grosse commande en valeur jamais enregistrée pour le constructeur américain. Le concurrent de Boeing, Airbus, ne serait pas oublié : une importante commande d’Airbus A350 devrait suivre selon différentes sources.
Tripler le nombre de passagers d'ici 2030
La monarchie pétrolière ne cache plus ses ambitions : le prince héritier, Mohammed ben Salmane, s’est ainsi fixé l’objectif de tripler le trafic aérien du pays à 330 millions de passagers d’ici la fin de la décennie. L’idée est de faire de l’Arabie saoudite un “hub international” de l’aviation et un “centre logistique mondial”. Et il suffit d’examiner une carte pour comprendre que la stratégie du royaume wahhabite a du sens. Situé idéalement entre l’Europe et le reste de l’Asie, le pays fait figure de potentielle plateforme de transit aérien parfaite entre l’Occident et l’Orient. Tout comme le sont le Qatar, les Émirats arabes unis ou la Turquie, trois pays qui ont compris l’intérêt de leur positionnement géographique en construisant de gigantesques aéroports et en créant d’ambitieuses compagnies aériennes ces dernières dizaines d’années.
Trop tard par rapport au Qatar et aux Émirats arabes unis ?
Lancée véritablement maintenant dans la course, l’Arabie saoudite n’arrive-t-elle pas trop tard pour bousculer des pays comme le Qatar ou les Émirats arabes unis ? Beaucoup de spécialistes estiment que le marché régional est déjà saturé. . Mais le pays a différents avantages, dont un marché intérieur -35 millions d'habitants- bien plus important que ses proches concurrents. Avec La Mecque, il attire aussi un large public religieux que n’ont pas ses voisins. Enfin et surtout l’Arabie saoudite a les moyens de ses ambitions. Et ils sont gigantesques. Poussé par la flambée des prix de l’or noir, le géant pétrolier saoudien Aramco vient ainsi d’annoncer avoir réalisé un bénéfice record net de 161 milliards de dollars en 2022, soit une hausse de 46 % par rapport à 2021. Or cette entreprise appartient en grande parie à l’État saoudien qui va donc pouvoir remplir un peu plus des caisses publiques déjà bien fournies. De quoi déjà inquiéter les grandes compagnies aériennes européennes, actives sur le marché Occident-Orient et qui ne cessent de crier à la concurrence déloyale de leurs consœurs du Moyen-Orient.
Un Britannique aux commandes
La stratégie saoudienne est aussi de lancer sa capitale, Riyad, comme véritable hub aérien du pays. Ce qui n’est pas le cas pour l’instant. C’est en effet Djeddah, la deuxième ville du pays situé le long de la mer Rouge, qui reçoit le plus de voyageurs venus par avion, et ce essentiellement pour des pèlerinages vers La Mecque toute proche. Mais l’épicentre aérien du pays va changer : en novembre dernier, les autorités ont annoncé la construction d’un nouvel aéroport de 57 kilomètres carrés à Riyad, appelé à accueillir 120 millions de voyageurs d'ici 2030 et 185 millions d’ici 2050. La nouvelle compagnie nationale, Riyadh Air a aussi choisi la capitale saoudienne pour déployer ses ailes. L’idée est d’en faire un vrai concurrent de Qatar Airways, Emirates, Etihad, voire Turkish Airlines. Le nouveau transporteur saoudien veut ainsi “lancer des vols vers plus de 100 destinations à travers le monde d'ici 2030”. Riyadh Air pourra compter sur les 35 ans d’expérience dans le secteur de son patron, le Britannique Tony Douglas, notamment ancien directeur d’Etihad, pour son prochain décollage.
Une compagnie religieuse et une autre plus internationale
Mais que deviendra Saudia, l’actuelle compagnie nationale du royaume ? Le prince héritier, Mohammed ben Salmane, ne veut pas l’abandonner. Loin de là. Il semblerait ainsi que l’Arabie saoudite cible deux publics bien distincts pour ses deux compagnies. Saudia, basée, à Djeddah, continuerait ainsi à transporter massivement des voyageurs religieux, tandis que Riyad Air se focaliserait, depuis Riyad, sur le transport “affaires” et de transit vers les destinations touristiques d’Asie ou d’Europe. La politique à bord de la nouvelle compagnie devrait être ainsi plus “internationale” que celle de l’actuelle Saudia, fière de proposer le programme contenant “le plus grand contenu islamique dans les airs”. Avec notamment l’interdiction d’alcool à bord ou des récitations de versets du Coran avant le décollage, ainsi qu’un endroit réservé pour prier.
Messi, ce cher ambassadeur du tourisme
En plus d’être un lieu de transit aérien, le pays veut aussi être une destination touristique de premier plan. Et là aussi, il y a un fameux retard à rattraper : l’Arabie saoudite n’octroyait aucun visa touristique, autre que pour le pèlerinage religieux à la Mecque, jusqu’en 2019. Le royaume compte accueillir 30 millions de visiteurs étrangers à l’horizon 2030, contre seulement quatre millions en 2021. Récemment, la star de football argentine Lionel Messi a signé un contrat record, certains évoquent un montant de 30 millions d’euros par an, pour promouvoir le tourisme en Arabie saoudite. Le joueur publie ainsi régulièrement des posts vantant le pays sur son compte Instagram qui est suivi par 370 millions de personnes à travers le monde.