Cages dorées, pénuries de travailleurs, talents inexploités… Ce qui cloche dans la gestion actuelle du marché de l’emploi
La moitié des entreprises ne parvient pas à pourvoir les postes vacants, alors que près d’un quart des talents internes est gaspillé.
Publié le 30-03-2023 à 06h40 - Mis à jour le 30-03-2023 à 06h41
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Qu’est-ce qui cloche au sein du marché du travail à l’heure actuelle ? La question se pose régulièrement tant le mécontentement semble régner à tous les étages, du côté des employeurs comme des employés. Un constat mis une nouvelle fois en avant par une étude menée pour le compte du prestataire de services RH Tempo-Team. “Seuls 20 % des travailleurs n’éprouvent pas d’incertitude quant à leur avenir et à la qualité de leur emploi”, ressort-il de cette analyse. “Les employeurs (57 %) sont particulièrement incertains quant à la continuité de leur activité en raison de la pénurie de travailleurs.”
Bref, tout ne tourne pas rond, et plusieurs points posent problème.
Appliquer l’économie circulaire à la gestion du personnel
Un premier constat limpide est la perte de confiance des travailleurs en leur employeur. “Moins de la moitié des travailleurs interrogés (41 %) déclarent que leur entreprise ou institution se soucie de l’humain et de l’environnement. Ils ne sont que 48 % à penser que la teneur de leur emploi correspond réellement à leur potentiel”, notent les auteurs de l’étude. Les employeurs oublient parfois que les investissements doivent également être réalisés dans le capital humain, avec des efforts à réaliser tant au niveau du recrutement que de la fidélisation des travailleurs.
”Beaucoup trop de talents ne sont pas encore exploités correctement en Belgique, tant à l’arrivée de nouveaux collaborateurs que lors des mutations ou des départs”, indique Wim Van der Linden, porte-parole de Tempo-Team. Une situation qui engendre un “gaspillage de talents” et qui “requiert de la part [des employeurs] une approche plus circulaire de leur capital humain”.
Sous-exploiter les capacités présentes en interne génère non seulement de la frustration, mais aussi le sentiment qu’aucune évolution n’est possible à plus long terme. “Un travailleur sur quatre estime être pieds et poings liés à son emploi, parce qu’il ne décèle aucune opportunité d’évolution interne ou externe ou redoute de se retrouver sans travail s’il quitte son poste actuel”, peut-on encore lire. “Ces employés se retrouvent dans une cage dorée ou gaspillent leur temps et leurs talents. Cela réduit également la mobilité sur le marché du travail.”
Revoir l’engagement, et renforcer la formation continue
Voilà pour les maux, mais qu’en est-il des solutions ? Les changements doivent démarrer à la source, c’est-à-dire dès l’embauche, suggère Tempo-team. “Les employeurs doivent oser sortir du périmètre habituel relatif aux diplômes et à l’expérience professionnelle. Ceci suppose de recruter des candidats qui ne cochent peut-être pas toutes les cases nécessaires, mais qui ont le potentiel intrinsèque en vue de s’épanouir dans leur travail et assumer à terme d’autres fonctions au sein de l’entreprise. Pourtant, plus d’un tiers des employeurs (39,7 %) déclarent trop peu agir de la sorte.”
Une fois les travailleurs en place, l’importance de la formation continue ne doit pas être sous-estimée. “La formation continue est la meilleure garantie pour pérenniser la carrière professionnelle. Pourtant, presque la moitié des travailleurs (42 %) déclare n’avoir suivi aucune formation au cours de l’année précédente”, déplore le prestataire de services RH.
Avec l’accélération de la numérisation, l’importance de la formation ne fait par ailleurs que se renforcer dans le monde du travail. “37 % des travailleurs estiment que leur emploi est menacé par la généralisation de nouvelles technologies, mais 30 % pensent que ces mêmes technologies pourraient leur permettre d’améliorer leur travail, 21 % qu’elles amélioreront leur polyvalence de façon à être employables partout, 22 % qu’elles ouvriraient de nouvelles opportunités sur leur lieu de travail.”
L’emploi circulaire et diversifié
Enfin, Tempo-team met en avant l’importance, dans l’objectif d’établir une employabilité circulaire, de s’entourer de profils variés. “C’est loin d’être le cas partout actuellement. Plus de la moitié des répondants déclarent ne pas travailler dans un environnement hétérogène : une majorité n’a aucun collègue ayant soit d’autres convictions religieuses (56 %), soit une langue maternelle différente (57 %), une autre origine ethnique (58 %) ou une personne avec un handicap physique (87 %)”, soulignent les auteurs.
Un constat qui vaut également pour l’utilisation et la valorisation de travailleurs de toutes les catégories d’âges. “Seulement 19,5 % des entreprises ont recours à des personnes plus âgées comme parrains ou mentors des jeunes. […] Négliger le vieillissement du personnel entraîne un gaspillage considérable de connaissances. Seuls 11 % des employeurs prennent activement des mesures pour l’éviter”, regrettent-ils.
”Dans une politique du personnel circulaire, l’accent est mis sur le recrutement, la fidélisation et la connexion entre travailleurs, et ces processus sont étroitement imbriqués”, commente pour sa part la professeure Anja Van den den Broeck, experte en motivation du travail à la KU Leuven qui a collaboré à l’étude. “Les employeurs qui mettent l’accent sur l’inclusion, l’accueil chaleureux et une formation diversifiée des travailleurs et qui ont une vision large sur les possibilités de carrière contribuent ainsi à la flexibilité non seulement du personnel, mais également de l’entreprise. La motivation des travailleurs est ici un facteur crucial : c’est un élément clé pour des performances durables et d’un haut niveau de bien-être.”