"Pour percer, il faut être sûr de son choix et surtout persévérer" : "streamer", un métier d'avenir ?
Un véritable écosystème du streaming sur internet se développe en ce moment en Belgique.
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- Publié le 31-08-2023 à 11h00
- Mis à jour le 31-08-2023 à 13h40
Diffuser du contenu vidéo en direct sur internet. C’est en deux mots ce qui résume le métier de streamer. Jeux vidéo, art, musique, talk shows, cuisine, voyages… Les contenus partagés par les streamers amateurs, indépendants ou rattachés à des entreprises sont multiples. “Nous avons recensé au moins 1 000 streamers belges sur la plateforme ad hoc Twitch, mais il y en a certainement beaucoup plus car tous n’affichent pas qu’ils sont belges. En France, on peut dire qu’il y en a dix fois plus”, note Alexandre Etina, cofondateur de la société bruxelloise SplitScreen. bx.
”Nous sommes de plus en plus nombreux en Belgique, analyse Chloé Boels, 26 ans, streameuse dans la capitale. Même les chaînes de télévision ouvrent leurs propres canaux, comme LN24, RTL ou la RTBF.”
Outre la plateforme Twitch, les contenus sont aussi diffusés sur YouTube, TikTok ou Instagram. A côté de la vidéo en direct, on trouve généralement un chat pour que les internautes, appelés viewers, puissent interagir avec la personne qui diffuse.
Un métier très complet
Chloé a commencé le streaming sur le web il y a trois ans pendant le premier confinement, puis s’est professionnalisée petit à petit, notamment grâce à un master en entrepreneuriat. Elle possède aujourd’hui 15 000 followers et rassemble 150 viewers en moyenne. “Le métier est très complet car il faut maîtriser les aspects techniques de la diffusion et l’animation pour parler aux internautes et interagir avec eux via le chat. L’apprentissage de la communication est aussi utile pour promouvoir la chaîne sur les réseaux sociaux et il y a bien sûr la gestion des marques et des sponsors.”

La streameuse diffuse tous les matins de 8h30 à 12h, pour rythmer sa journée mais également car il y a moins de concurrence sur ces horaires. Principalement, elle teste en direct des jeux vidéos que les studios lui envoient gratuitement, mais fait parfois de la cuisine ou des visites de villes. Chloé parvient à vivre de son métier grâce différentes sources de revenus.
D’abord, des partenariats avec des marques de PC (Top Achat), de clavier, souris et webcam (Logitech), puis des opérations de sponsoring (festival de musique Pukkelpop), les abonnements payants et publicités sur Twitch, ou encore la possibilité d’être membre du jury dans le cadre de financements de projets de jeux vidéos (avec Walga, la Fédération Wallonie-Bruxelles, les Belgian Games Awards ou encore le Centre Pompidou à Paris). “Le streaming m’a ouvert les portes du monde professionnel du jeu vidéo et de la télévision, partage Chloé. J’ai par exemple été chroniqueuse tech et gaming pour LN24 et RTBFXP.”

Les filles largement sous représentées
En outre, Chloé bénéficie des revenus générés par les événements et partenariats organisés autour de son association Stream’Her. “Le monde du streaming est très masculin : dans le top 100 mondial des streamers, on ne trouve que trois femmes… explique la passionnée de jeux vidéo. C’est pourquoi avec une autre streameuse nous avons créé l’association Stream’Her, afin d’encourager les filles à choisir ce métier et les accompagner dans leurs débuts.”
L’association a été incubée chez WeAreFounders à Bruxelles-Central et compte aujourd’hui plus de 1 000 membres francophones un peu partout dans le monde. “Nous voulons aider les filles à passer la barrière du blocage technique, avec notamment la maîtrise nécessaire du logiciel OBS Studio, une sorte de régie TV mais sur internet, détaille Chloé. Le but est aussi de lutter contre la peur du 'ne pas savoir quoi dire' avec des conseils sur l’animation, et bien sûr la peur du harcèlement. En effet, les filles plus que les garçons reçoivent parfois des remarques sur leur physique ou sur leurs compétences…”
Streaming caritatif
Stream’Her organise des événements comme cet été un summer camp financé par Equal. brussels pour aider 40 femmes à créer leur propre chaîne. Du 14 au 18 septembre prochain, l’association va aussi lancer, en partenariat avec Greenpeace, l’opération “Stream For Food”. Cinquante streameuses vont diffuser pour récolter des dons et financer des paniers de fruits et légumes bio à destination de banques alimentaires. L’année dernière, ce partenariat avec Greenpeance avait permis de planter 300 arbres à Evere.

Enfin, pour aider les streamers qu’ils soient femme ou homme, à démarrer, Bruxelles est doté depuis le mois de mars d’un Cyber Studio, une structure créée par SplitScreen. bx. “Nous avons commencé en 2020 par vouloir manager les streamers et les e-sporters (pratiquants d’e-sport, NDLR), puis, nous nous sommes rendu compte des grandes difficultés que rencontrent ceux qui n’ont ni structure ni sponsor, raconte Alexandre Etina. En Belgique, les entreprises et organismes de financement ne prenaient pas du tout le métier au sérieux, contrairement à la France par exemple. Pour changer cela, nous avons créé le Cyber Studio, un espace de co-création où streamers et e-sporters peuvent venir faire leur diffusion. Notre but est de rassembler et de valoriser la communauté en Belgique.”
Une part de hasard
Le Cyber Studio a démarré à Schaerbeek et va déménager dans l’hyper-centre tout près de la place de la Bourse à la mi-octobre. On y trouvera des “set-ups” où les streamers qui ne sont pas équipés chez eux pourront faire leurs diffusions : 9 euros/3 heures pour le modèle “starter” et 35 euros/3 heures pour le modèle “golden”. En particulier, SplitScreen. bx veut mettre l’accent sur un espace “Flexicast” de 49 m², une sorte de plateau de télévision pour faire du contenu en live, des podcasts, des talk shows, des jeux TV… Tout ce qu’on ne peut pas faire avec du matériel de base. Un service qui sera facturé 150 euros pour 1 heure puis 90 euros par heure au-delà de deux heures.
”Finalement, je n’encouragerais pas tout le monde à devenir streamer car c’est un métier très enrichissant et complet, mais pour percer, il existe une grande part de hasard et d’aléatoire. Il faut donc être sûr de son choix, et surtout persévérer”, conclut Chloé Boels.
La toute première édition des “Cyber Streaming Awards” a eu lieu en avril et une seconde édition est programmée pour le printemps 2024. Une distinction officielle pour un métier en pleine émergence en Belgique.