Pour Lego en crise, la réussite n’est plus un jeu d’enfant
Les enfants auraient perdu l’envie de jouer avec les célèbres briques en plastique multicolores à en croire les résultats des ventes de Lego, fleuron mondial du marché du jouet.
Publié le 21-10-2004 à 00h00
:focal(100x150:110x140)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/XJHTJDR5XFG27D3PS4HZ5OM5FI.jpg)
Les enfants auraient perdu l’envie de jouer avec les célèbres briques en plastique multicolores à en croire les résultats des ventes de Lego, fleuron mondial du marché du jouet.
Les ventes de cette entreprise familiale danoise créée en 1932 n’ont jamais autant chuté en si peu de temps: de 25 à 30% en deux ans, notamment aux Etats-Unis, son premier marché où elle réalise 40% de son chiffre d’affaires, comme si la fameuse brique n’avait plus la cote auprès d’enfants fascinés par les jeux électroniques et virtuels.
Lego traverse une crise profonde reconnaît son propriétaire, Kjeld Kirk Kristiansen, le petit-fils du fondateur.
Selon lui, l’entreprise connaîtra cette année la quatrième perte de son histoire, la plus lourde aussi, entre 1,5 et 2 milliards de couronnes avant impôts (202 à 269 M EUR).
Et pourtant, il y a six ans encore, le quatrième fabricant mondial après les Américains Mattel, Hasbro et le Japonais Bandai, ignorait les mots crise et déficit, et ambitionnait d’être en 2005 «l’une des cinq marques les plus connues dans le monde parmi les familles avec enfants ».
Mais en 1998, Lego a enregistré sa première perte, répétée en 2000, 2003 et 2004, en dépit de divers plans de relance et de restructurations.
Il sera difficile à Lego de reconquérir sa place perdue dans l’univers de beaucoup d’enfants, prévient le pédagogue et chercheur dans le domaine de jouets, Torben Hangaard Rasmussen.
«Les briques Lego appartiennent à l’ère industrielle où les enfants aimaient à construire, jouer les ingénieurs en herbe. Aujourd’hui, les jouets les plus populaires prennent leurs racines dans le monde virtuel », et Lego ne l’a pas encore réalisé, pense-t-il.
Pour le directeur de la grande chaîne de magasins de jouets au Danemark, BR, Henrik Gjoerup, «les enfants jouent à un âge de plus en plus bas et remplacent les jouets classiques par des produits électroniques et des téléphones portables à 7-8 ans ».
«Le plus grand problème de Lego est son produit. Et s’il y a moins d’enfants dans le monde qui jouent avec les briques Lego, on doit (leur) trouver de nouvelles manières de jouer ou utiliser cette marque extrêmement forte pour développer de nouveaux jeux » a renchéri le quotidien financier Boersen, dans un éditorial.
Et pourtant Lego a tenté depuis la moitié de la décennie 1990 de diversifier ses activités, en construisant entre autres trois parcs à thème Legoland à l’étranger, en plus de celui au Danemark, qu’il prévoit maintenant de céder ainsi que ses autres activités annexes.
Il a aussi signé des partenariats, comme ceux avec l’écurie de Formule 1 Williams, et a lancé la production sous licence de vêtements signés de sa marque.
Il est également entré en 2002 dans la production de films d’animation basés sur sa série à grand succès «Bionicle », et dans les produits dérivés de films tels que «Star Wars » (La Guerre des étoiles) ou Harry potter, qui ont catapulté les ventes en 2002 à 11,4 milliards de couronnes, un record.
Mais tous ces efforts, y compris ceux de robotiser ses jeux avec la brique «intelligente » Mindstorm, ne semblent pas avoir porté leurs fruits, faute notamment de trouver chaque année de nouveaux films à grand spectacle pour les porter.
Fragilisée par des diversifications hasardeuses, Lego a tenté en 2003, après un nouveau déficit, de redresser la barre, en revenant aux sources, à la brique traditionnelle qui a construit sa fortune et sa renommée.
En janvier dernier, le propriétaire Kjeld Kirk Kristiansen, décide de reprendre les choses en mains et congédie ses seconds. Il croit fermement à «l’envie d’assembler des petits enfants ».
Quelques mois plus tard, il jette l’éponge, après avoir injecté 800 millions de couronnes de sa fortune personnelle dans l’entreprise menacée. Il laisse la place à un jeune directeur de 35 ans, Joergen Vig Knodstrup, qui annonce «des jours difficiles » pour les quelque 7.500 employés du groupe, dont près de 3.000 au Danemark.
Il prévoit une réduction substantielle des coûts, la déclocalisation d’une bonne partie de la production en Chine et des licenciements.