Qualité et classements d’universités
Plusieurs classements d’universités à l’échelon planétaire existent : le plus connu est établi par l’Université de Shanghai. Malgré l’apparente objectivité des critères retenus pour l’établissement de ce classement, ce dernier porte à critique. Le décompte des Prix Nobel, des médailles Fields et des chercheurs les plus cités devrait être simple.
Publié le 26-06-2010 à 04h15
Plusieurs classements d’universités à l’échelon planétaire existent : le plus connu est établi par l’Université de Shanghai. Malgré l’apparente objectivité des critères retenus pour l’établissement de ce classement, ce dernier porte à critique. Le décompte des Prix Nobel, des médailles Fields et des chercheurs les plus cités devrait être simple.
Pourtant les questions sont nombreuses. Pourquoi seuls les aspects de production scientifique sont-ils pris en compte ? Comment valoriser un prix Nobel du début du XXe siècle par rapport à un prix du début du XXIe siècle ? A qui revient le mérite des travaux d’un chercheur qui a construit sa carrière dans différentes institutions ? Comment le classement s’accommode-t-il des restructurations d’universités ? A qui profitent les prix obtenus par l’Université Catholique de Louvain avant sa scission de 1968 ? Comment l’équipe de Shanghai qui établit le classement est-elle capable de distinguer l’ULB, la VUB et une traduction anglophone commune, Free University of Brussels ?
Autre détail important : l’Université de Shanghai ne le cache pas mais la presse relaie peu le fait qu’à partir du 100e rang, les universités sont classées par ordre alphabétique par classe de 50 puis 100 universités. En 2009, l’UCL vient visuellement devant l’ULB alors que les deux institutions obtiennent des scores similaires.
En réponse à ce type de classement, l’UE soutient un vaste projet de mapping des institutions universitaires européennes. Il s’agit d’établir une cartographie des universités en les évaluant non seulement sur des aspects recherche mais aussi sur les dimensions de la qualité de l’enseignement et d’ouverture à la société, autrement dit sur les trois missions traditionnellement dévolues à l’université. Le caractère multidimensionnel de cette cartographie est incontestablement plus riche en information mais moins lisible aussi que les rankings unidimensionnels comme celui de Shanghai.
A l’échelon de la Communauté française, il faut aussi mentionner l’énorme travail initié par l’AEQES (Agence pour l’Evaluation de la Qualité dans l’Enseignement Supérieur). Chaque cursus subsidié par la Communauté française doit faire l’objet d’une évaluation décennale. La séquence est la suivante : chaque institution rédige un rapport d’auto-évaluation pour le cursus concerné, des experts indépendants désignés par l’AEQES réalisent des visites sur site puis rédigent un rapport qui fait l’objet d’une publication.
Depuis deux semaines, les premiers rapports relatifs aux cursus récemment évalués sont publiés sur le site de l’AEQES. L’information y est extrêmement fine mais très éloignée de la production d’un score unique. Elle est le produit d’un immense travail conduit par les institutions d’enseignement supérieur et universités eux-mêmes et les experts indépendants soutenus par l’AEQES.
Enfin parallèlement à cela, chaque institution peut décider de mettre en place des systèmes de management de la qualité. Pour prendre l’exemple de nos facultés de gestion, certains ont opté pour des systèmes visibles avec une accréditation ou une certification à la clé. La Solvay Brussels School et la Louvain School ont récemment obtenu une accréditation EQUIS. La Faculté Warocqué de l’UMons a innové il y a plusieurs années déjà en obtenant dès 2003 un certificat ISO 9001 et en décrochant à deux reprises le Prix Wallon de la Qualité. Ces reconnaissances externes obligent les institutions à réfléchir à la dimension qualité de leur métier et à maintenir constamment ouverte cette réflexion sur la voie de l’amélioration continue.
Mais finalement, il faut se poser la question de l’objectif de ces classements et évaluations multiples. A qui servent les rankings unidimensionnels ? Sont-ils destinés aux étudiants confrontés au choix d’une institution, aux étudiants Erasmus en quête d’une expérience de formation enrichissante, aux entreprises qui recrutent de jeunes diplômés, aux enseignants-chercheurs en quête d’une carrière intéressante, à l’autorité politique qui voudrait vérifier la bonne allocation des moyens publics ? La réponse est très floue.
Sans doute le mapping européen en fournissant un diagnostic multidimensionnel permettrait d’affiner les réponses à la question de l’utilité sans toutefois pouvoir la trancher clairement. Dans cette joyeuse cacophonie de l’évaluation, les initiatives qualité institutionnelles permettent clairement une amélioration de la qualité organisationnelle qui doit bénéficier directement aux étudiants et au personnel, finalement les toute premières personnes concernées.