Métiers "verts" prometteurs
Des métiers "verts" pour les moins qualifiés ? Le marché des produits et services écologiques devrait doubler d’ici à 2020, passant de 1 370 milliards de dollars en 2006 à 2 740 milliards de dollars en 2020 selon l’Organisation internationale du travail. Une opinion de Joël Gillaux, directeur de l'ASBl "Actions intégrées de développement".
Publié le 20-03-2011 à 06h15 - Mis à jour le 20-03-2011 à 11h14
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Des métiers "verts" pour les moins qualifiés ? Le marché des produits et services écologiques devrait doubler d’ici à 2020, passant de 1 370 milliards de dollars en 2006 à 2 740 milliards de dollars en 2020 selon l’Organisation internationale du travail. Comment favoriser l’insertion des personnes faiblement qualifiées dans ce secteur plein d’avenir ? Cette question est au cœur du projet "Progress Métiers verts" mis en place par l’AID (Actions intégrées de développement, ASBL) et différents partenaires européens, et soutenu par la direction générale Emploi de la Commission européenne. Un projet dont les conclusions ont fait l’objet d’un colloque organisé récemment à Namur rappelle que la transition écologique n’est pas qu’une question économique, mais bien un véritable projet de société.
Le verdissement de l’économie est souvent considéré, à juste titre, comme un vecteur important d’emplois. Néanmoins, lorsque l’on parle de métiers "verts", cela concerne davantage de nouvelles compétences au sein de métiers déjà existants que de réelles créations de nouveaux métiers. Dans un rapport de juillet 2010, le "Cedefop" (Centre européen pour le développement de la formation professionnelle) indique que la transition vers une économie sobre en carbone passe par l’amélioration des compétences existantes et l’intégration de compétences dites "vertes" plutôt que par l’élaboration de nouveaux programmes de formation. L’AID, en tant qu’opérateur de formation qui s’adresse à des publics dits faiblement qualifiés et éloignés de l’emploi entend intégrer ces éléments et faire évoluer ses formations pour répondre à cette nouvelle demande.
L’enjeu est de taille. Comme l’a clairement identifié la Commission européenne, 18 % des emplois dans ces nouveaux secteurs d’activités pourront être accessibles à des personnes faiblement qualifiées. Toutes les expériences déjà menées par nos partenaires européens en matière de formation socioprofessionnelle dans le secteur des métiers "verts" ont un point commun : l’importance du partenariat mis en place. Partenariat qui a une double caractéristique. Il regroupe à la fois le secteur public, le secteur privé non marchand ou associatif, ainsi que le secteur privé marchand.
De plus, il s’inscrit généralement dans la durée, seul moyen de créer de l’emploi durable et de qualité. En Belgique, bien que le secteur associatif soit demandeur, force est de constater le peu de réponses du secteur privé marchand pour ce type de partenariat. Un moyen pour encourager ces collaborations pourrait être de développer les clauses sociales et environnementales dans les marchés publics. Dans cette nécessaire "écologisation" des économies européennes, les pouvoirs publics ont un rôle central à jouer, tant en matière d’incitations que de moyens publics. Malgré les difficultés budgétaires actuelles des Etats, investir dans ces nouvelles compétences, ces nouveaux métiers, et en soutenir un développement ambitieux sont des choix politiques essentiels, car déterminant pour notre avenir.
L’Allemagne a montré qu’une alliance "emploi - environnement" bien conçue, et mise en place de manière efficace et coordonnée peut engendrer des effets multiplicateurs tant sur le plan économique, social et environnemental. Pour développer les métiers "verts", et notamment la formation dans ces secteurs, mettre un peu de "vert" autour de la porte d’entrée n’est pas suffisant. Une définition précise et ambitieuse donnerait un signal clair aux différentes parties prenantes : producteurs de matériaux, entrepreneurs, concepteurs, maîtres d’œuvre
Cela n’implique pas nécessairement une politique extrémiste en la matière. Cette évolution pourrait se faire de manière progressive, tenant compte de l’acquisition des compétences utiles, de l’amélioration des matériaux et des techniques de mise en œuvre Cette transition écologique de nos économies nécessite un véritable débat démocratique dans lequel l’Etat, le marché et le secteur associatif doivent pouvoir trouver leur place. En effet, opérer un tournant dans les modes de production et de consommation ne pourra réussir qu’avec la participation et l’adhésion de tous. Cela nécessite un changement de mentalité qui passe aussi par un travail important dans le domaine culturel, de la formation citoyenne et de l’éducation permanente. Cette dimension vaut aussi pour les entreprises et leurs managers. Les entreprises qui n’auront pas pris le train du changement en cours risquent d’être condamnées à moyen ou long terme.
Ces questions de métiers "verts", de développement durable, d’alliance "emploi - environnement" ne sont pas seulement des enjeux économiques. Ce sont aussi des enjeux de société. La question du logement est à ce titre éclairante. Toutes les études montrent que les bâtiments les moins bien isolés, qui engendrent des coûts importants au niveau de la facture de chauffage, sont souvent habités par les personnes aux revenus les plus modestes et notamment dans les logements sociaux. Précarité et logement énergivore vont souvent de pair.
Face au défi du réchauffement climatique et les limites de notre modèle économique actuel, c’est le mode de production et de consommation qui doit être questionné, mais aussi le mode de répartition des richesses créées. En tant qu’opérateur de formation qui s’adresse à un public dit faiblement qualifié et parfois en désaffiliation sociale, ces questions sont pour nous centrales. Aujourd’hui, ce sont bien des choix de société qui sont en train d’être posés.