Microsoft appelle Skype

Le groupe américain de logiciels Microsoft a-t-il sorti la bonne carte pour retrouver le chemin de la croissance en achetant le pionnier de la téléphonie sur Internet, Skype ?

Patrick Van Campenhout
Microsoft appelle Skype
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Analyse Le groupe américain de logiciels Microsoft a-t-il sorti la bonne carte pour retrouver le chemin de la croissance en achetant le pionnier de la téléphonie sur Internet, Skype ? Microsoft a en tout cas mis tous les atouts de son côté pour ne pas se faire souffler sa prise : 8,5 milliards de dollars. Ce montant, qui équivaut à plus de 8 fois le chiffre d’affaires 2010 de Skype qui perd toujours de l’argent, est en effet de nature à décourager d’éventuelles surenchères. Pourquoi dépenser autant d’argent pour une entreprise dont eBay, qui avait payé plus de 4 milliards de dollars en 2005, n’a pas réussi à tirer le moindre avantage ? Pour Microsoft, expliquent les observateurs, c’est se diversifier, changer de créneau ou se résigner à voir s’effondrer tout un pan historique de ses activités : la vente de logiciels. C’est que sur ce front, les initiatives de la concurrence sont en passe de changer radicalement le marché. Qu’il s’agisse d’Apple, de Google, de Nokia, tous ont mis sur pied des "App stores" où les utilisateurs peuvent acheter en direct des micro-applications performantes pour quelques euros. Applications qui se déclinent d’ailleurs aussi bien sur les ordinateurs personnels que sur les tablettes ou les smartphones. Les "boîtes" de logiciels à 300 euros, c’est sans doute déjà du passé. En outre, les logiciels en ligne à très bas prix constituent un modèle économique accepté par les consommateurs et sans doute une riposte efficace contre le piratage des logiciels. Pour Microsoft, le pas vers les télécoms est donc une manière de compenser la réduction de revenus attendue. L’intégration intelligente de Skype, qui permet de téléphoner gratuitement ou à très bon compte, va permettre à ce groupe - qui demeure un colosse économique - de se réinsérer dans le monde convergent de l’informatique et des télécoms, chez les particuliers comme au sein des entreprises. Reste maintenant à l’entreprise à produire des exemples gagnants de cette stratégie pour retrouver l’affection des investisseurs : en dépit de la croissance continue des bénéfices, la capitalisation boursière de la société s’amenuise d’année en année. Jusqu’ici, en effet, le marché a surtout vu dans cette opération une très lourde ardoise à honorer.

Cette très grosse opération n’a pas permis de détourner les spéculateurs de leurs proies désormais traditionnelles : les dettes des pays les plus mal lotis de la zone euro. Alors qu’apparemment, la Belgique bénéficierait d’un délai supplémentaire avant de subir les foudres des agences de notation, et des spéculateurs, la Grèce s’est vue attaquée sur de nouvelles rumeurs à propos d’une restructuration de sa dette. Même un contre-feu allumé en Allemagne sur une nouvelle aide éventuelle à la Grèce n’a pas suffi à calmer le jeu. En conséquence, l’euro - qui continuait la semaine passée à grimper vers le cap de 1,5 dollar - a reçu une gifle d’importance sur le marché des changes, abandonnant en quelques jours près de 3 %. Retournement tout aussi spectaculaire d’ailleurs pour les matières premières, pétrole en tête, sur des craintes de ralentissement économique au niveau mondial. Ici, le vent vient de Chine où les autorités monétaires sont inquiètes de la trop belle dynamique économique et de son impact sur l’évolution des prix. Un nouveau tour de vis monétaire ? Les marchés l’ont intégré dans les cours des matières premières. Et dans les faits, on commence à sentir un début de ralentissement dans la zone euro où la production industrielle a reculé en mars, notamment en raison de la santé chancelante de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal et de l’Espagne. Les mesures d’austérité, rendues nécessaires par des situations budgétaires en déséquilibre chronique, sont décidément une arme à double tranchant.

En Bourse, la tendance est restée positive, mais au fil de séances inégales, marquées mercredi par un coup de froid lié aux inquiétudes vis-à-vis de la Chine. A la Bourse de Bruxelles, le choc a été ressenti au travers des entreprises industrielles comme Umicore, mais de manière très nette sur celles qui ont calculé leurs estimations de résultats en tenant compte de leurs activités dans les pays émergents dont la Chine, bien sûr. On a donc plutôt mal accueilli les résultats de Bekaert pourtant excellents. Les opérateurs ont davantage pris en compte les risques d’un tassement des opérations en Chine et l’impact de l’appréciation de l’euro sur les ventes. Le titre qui faisait figure de grand vainqueur parmi les valeurs du Bel20 l’an passé, affiche un recul de près de 10 % en 2011.

Le Bel20 a pourtant gardé un semblant de cap sur la semaine, mais il a été assisté par un retour un peu surprenant des valeurs bancaires que l’on aurait pu craindre faiblardes en raison de la déprime de l’euro. Mais ici, on a apparemment apprécié les résultats trimestriels publiés, et on a plutôt jugé appétissantes les perspectives pour l’ensemble de l’exercice. Comme l’indiquait KBC dans son commentaire, il y a évidemment là des fruits liés au rétablissement global de l’économie en zone euro. Pour Dexia qui reste en situation délicate, la nouveauté est venue de la très nette amélioration de l’activité commerciale. Recentrée sur son métier de base, la banque séduit à nouveau les boursiers. Le cours a grimpé. Mais il faut dire que les risques liés au portefeuille sont suffisamment pris en compte.

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