Fiscalité : la FEB veut un Di Rupo "visionnaire"
Selon une étude, l’insécurité fiscale pèse sur les entreprises en Belgique. Les entrepreneurs veulent que l’Etat ait une vision à long terme avant de légiférer.
Publié le 23-10-2012 à 06h56
:focal(116x94:126x84)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/SQMXZLX3OVGXLAFTMSLIXVVKJQ.jpg)
La pression monte sur le gouvernement Di Rupo qui doit corriger le budget 2012 dans les prochains jours (il reste à trouver 816 millions d’euros) et boucler celui de 2013. L’arbitrage budgétaire au sein de la majorité s’annonce mouvementé. Les demandes diverses fusent déjà à gauche et à droite. Le monde entrepreneurial est de la partie. Après l’organisation patronale flamande, le Voka, c’est au tour de la FEB (la Fédération des entreprises belges) de sortir du bois. Du moins, indirectement : la FEB organisait ce lundi un débat sur la fiscalité en Belgique. " Un pur hasard du calendrier" , explique-t-on à la fédération.
Les demandes du monde patronal belge au gouvernement en place sont bien réelles. " Mais nous désirons être constructifs et ne pointer personne du doigt", précise Pieter Timmermans, administrateur-délégué de la FEB qui ouvre le débat avec des chiffres, ceux d’une étude du cabinet Deloitte. " Les entreprises ont le droit de savoir à quoi s’en tenir par rapport aux autorités. Le pire dans les affaires, c’est l’incertitude" , explique l’un des auteurs de l’étude.
En Belgique, cette incertitude serait surtout fiscale si l’on en croit l’enquête réalisée par Deloitte qui a sondé plus de 1 300 entrepreneurs présents dans 24 pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique.
Ainsi, selon Deloitte, plus de 61 % des entrepreneurs faisant du business en Belgique pensent que l’incertitude fiscale de notre pays influence négativement leurs affaires. Seuls des pays comme le Kenya, la Roumanie ou le Portugal font pire. Pour infos, ce chiffre est légèrement supérieur à 50 % pour la moyenne de la zone étudiée, ainsi qu’en France, en Allemagne et au Nigéria. A contrario, seules 10 % des entreprises luxembourgeoises et 24 % des entreprises néerlandaises font le même constat.
Selon les sondés, ce sont surtout les changements de lois trop fréquents et leur effet rétroactif qui inquiètent les entrepreneurs dans notre pays. " En Belgique, on manque cruellement de vision en matière fiscale : les mesures ne sont, la plupart de temps, qu’un amalgame de compromis. Au final, elles sont souvent contre-productives et peu réfléchies sur le long terme" , explique Pieter Vandendriessche, l’un des auteurs de l’étude. Ces derniers prennent l’exemple du récent changement de législation sur les taxes pour les voitures de société, " une mesure prise par le gouvernement sur le coin d’une table à 3 heures du matin, et uniquement pour satisfaire un partenaire de la majorité" . "Après coup, on se rend compte que cette mesure ne rapporte rien du tout à l’Etat" , développe André Claes, associé chez Deloitte.
Le monde entrepreneurial plaide donc pour que l’équipe Di Rupo change de méthode et ait "une véritable vision à long terme sur la fiscalité ", plutôt que des mesures "one shot" , "trop vite ficelées" et "souvent inefficaces" . " En Angleterre, par exemple, il y a désormais un consensus, à gauche et à droite, pour affirmer que c’est le secteur privé qui va sortir le pays de la crise, poursuit M. Claes. Il y a une vision et surtout énormément de concertation pour chaque mesure fiscale. La mesure antiabus, qui va être votée à la fin de cette année par le Parlement anglais, a suivi un processus de deux ans, avec consultation publique. Même si la majorité bascule, elle restera en vigueur, assure le fiscaliste. En Belgique, ce type de mesure est votée en une nuit, souvent sans réelle concertation, et peut revenir sur la table des négociations tous les deux ou trois mois. L’incertitude qui en découle peut faire fuir les entreprises."
Autre facteur qui effraie les hommes d’affaires : notre législation fiscale serait " trop dense et compliquée" , d’après le cabinet Tiberghien. " Il faut une simplification radicale des règles fiscales" , plaide l’avocat Koen Morbée qui estime aussi qu’il est temps de restaurer la confiance entre les pouvoirs publics et les contribuables. " En Belgique, on a encore une relation verticale entre le fisc, que beaucoup voient comme omnipotent et punitif, et les entreprises."
Là aussi les exemples viennent de l’étranger. " Les Pays-Bas ont instauré, depuis plusieurs années, une vraie relation horizontale entre leur administration et les contribuables. Chacun fait sa partie du job, en concertation avec l’autre. Il y a une meilleure compréhension des problèmes que les deux parties rencontrent."
La FEB demande d’ailleurs une meilleure communication de l’administration fiscale : elle doit être plus "pratique" et "pragmatique". "C e serait le premier plan de relance , conclut M. Timmermans. Et il ne coûte pas grand-chose."