Le gaz minier, une nouvelle ressource énergétique exploitable?

Le milliardaire carolo, Albert Frère, est fortement intéressé par le gaz présent dans les mines wallonnes. Va-t-on vers une nouvelle exploitation des sous-sols?

Aline Wuillot (st.)
Le gaz minier, une nouvelle ressource énergétique exploitable?
©Tanguy Jockmans

Charleroi, le pays noir. Ce surnom a été acquis au fil des années d'exploitation minière. Le charbon était l'or des Carolos. L'exploitation a été arrêtée. Mais les mines recèlent un autre trésor: le gaz naturel. Le méthane, présent en quantité significative dans les sols wallons, est un hydrocarbure et une ressource énergétique non négligeable.

Le milliardaire carolo Albert Frère est fortement intéressé par cette ressource. Il relance son projet d'exploitation de ce gaz présent dans les mines wallonnes. Une filiale du holding CPN du milliardaire, Transcor Astra, est devenue un « spécialiste de la récupération du gaz de mine ». L'exploitation se concentrerait sur la région du sud de Charleroi et couvrirait une zone de 443 km².

Rentabilité économique

Les États-Unis, la Chine et l'Australie sont les principaux producteurs de gaz naturel. Importer cette ressource depuis ces pays revenait moins cher que de l'extraire du sol belge, ce qui décourageait l'exploitation chez nous. Cependant, depuis quelques années, la hausse des prix de l’énergie améliore les perspectives de rentabilité. « Mais seules de grandes compagnies peuvent prendre le risque de se lancer dans cette exploitation. Avant d'extraire le gaz, il faut d'abord faire des explorations, des forages, voir où il se situe, en quelle quantité. Ça coûte des millions et le résultat ne sera pas toujours positif. Il faut les reins financiers pour se permettre ça », fait remarquer Jean-Marc Baele, professeur de géologie à l'Université de Mons. Comme à la pêche, on ne peut jamais être certain de sortir un gros poisson.

Malgré tout, selon les estimations, les ressources semblent importantes. Le sous-sol du Hainaut et de la région du Centre, sans compter la zone de Charleroi, pourrait à lui seul contenir entre 100 et 200 milliards de m³ de gaz naturel. La ressource n'est donc pas « énorme », comme le signale Jean-Marc Baele, mais elle est tout de même significative lorsqu'on sait que les Belges consomment chaque année 18 milliards de m³ de gaz naturel.

Extraction, mode d'emploi

N'imaginez pas que les mineurs vont redescendre dans les mines de Charleroi, pioche sur l'épaule. Pour bien se rendre compte, le gaz ainsi extrait peut parfois être enfui jusqu'à 2000 mètres sous terre. Tout se fait donc de manière mécanique à partir de la surface.

Le gaz naturel dont on parle, le méthane, est présent dans l'air enfermé dans les mines mais également dans les veines de charbon. Il existe deux possibilités d'extraction. La première consiste à ouvrir à nouveau les mines qui ont été obstruées et pomper l'air ambiant depuis la surface. Mais la quantité de méthane ainsi obtenue est assez limitée. La seconde possibilité nécessite de faire un forage pour accéder au gaz, appelé « grisou », présent dans les gisements vierges de charbon. Cette technique porte le nom de CBM, Coal Bed Methane.

Une autre technique d'extraction, le CCS (Carbon Capture and Storage), consiste à forer dans un gisement et injecter du CO2. Le dioxyde de carbone va ainsi pousser le méthane déjà présent dans la veine de charbon vers un autre trou de forage pour y être extrait. Le CO2 reste par ailleurs « enfermé » dans le gisement de charbon qui agit comme une éponge, emprisonnant le gaz. La Région wallonne est encline à interdire cette pratique. Il y a en effet beaucoup d'incertitudes. Certains estiment par exemple que le CO2 ne restera pas indéfiniment dans le sous-sol. Il pourrait remonter un jour à la surface et provoquer des accidents.

Quid de l'écologie?

Enfermer le CO2 dans le sous-sol pour y déloger et produire du méthane permettrait de réduire, mais de manière quasiment négligeable, notre émission dans l'atmosphère. « C'est toujours mieux que rien », note Jean-Marc Baele.

En ce qui concerne le gaz qui serait extrait des mines, c'est un élément naturel. Le méthane est produit dans les marécages, par la décomposition de la matière organique, par le bétail dans l'élevage massif. Il y a donc un flux naturel dans l'atmosphère. « Le méthane est un gaz à effet de serre, 20 à 22 fois plus puissant que le CO2. Donc tout ce qui touche à l'exploitation du méthane fait un peu peur », explique notre expert en géologie. Le risque de l'extraction du gaz naturel des mines, c'est la fuite. Cependant, les gisements d'exploitation sont tellement profonds qu'il est presque impossible d'avoir une fuite en surface. Toujours selon Jean-Marc Baele: « Le méthane pourrait passer par le trou de forage, mais ce sont des risques qui sont maîtrisables, surtout si une législation efficace est imposée aux exploitants. »

À l'heure actuelle, les énergies vertes sont fortement développées. Mais elles ne suffisent pas encore à combler l'entièreté de la consommation. Il est donc important de diversifier les ressources énergétiques du pays. Et comme le signale Jean-Marc Baele: « Comparé au charbon et au pétrole, le gaz est le moins polluant des combustibles fossiles ».

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