"C'est du vol !": la colère gronde à Chypre
Désabusée. Tel est l'état dans lequel se trouve actuellement la population chypriote. La taxe sur les dépôts bancaires de tous les épargnants fait mal à tous les citoyens. Témoignages poignants.
Publié le 16-03-2013 à 17h36 - Mis à jour le 16-03-2013 à 17h42
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"C'est du vol!" Kyriakos, un artiste chypriote venu retirer tout l'argent qu'il peut afin de minimiser le montant qui risque d'être prélevé sur son compte en contrepartie du plan de sauvetage européen, se dit "en colère".
"J'ai gagné cet argent et maintenant on me le prend pour payer des erreurs qui ne relèvent pas de moi", soupire le trentenaire, patientant devant un distributeur pendant que ses deux amis, comme lui, tentent de retirer le maximum qui leur est autorisé.
"On essaie tous de retirer un maximum d'argent -- mais cela ne marche pas très bien, on ne sait pas si les comptes sont bloqués ou les distributeurs vides", peste l'un de ses amis, Joseph, employé de banque chypriote. "Personne ne s'attendait à cela -- et les banques n'étaient au courant de rien", assure-t-il.
Afin de réduire le montant emprunté pour éviter la faillite, les bailleurs de fonds internationaux ont demandé à Chypre d'instaurer une taxe exceptionnelle de 6,75% sur tous les dépôts bancaires en-deçà de 100.000 euros et de 9,9% au-delà de ce seuil, ainsi qu'une retenue à la source sur les intérêts de ces dépôts.
Cette décision, annoncée dans la nuit de vendredi à samedi, concerne toutes les personnes résidant sur l'île.
Si des queues se sont formées devant certains distributeurs samedi matin, les agences bancaires étaient fermées pour le week-end, et jusqu'à mardi matin, lundi étant férié sur l'île.
"J'ai essayé de faire un virement ce matin, je n'ai pas réussi, mais de toute façon il n'aurait sûrement pas été validé", indique un entrepreneur français basé à Chypre.
"Je vais retirer ce que je peux, c'est toujours ça de gagné", dit-il, avant de repartir avec 2.000 euros.
Néanmoins ces retraits ne vont pas empêcher la ponction sur leur compte comme l'explique Marios Skandalis, vide-président de l'Institut des comptables publics de Chypre. Les montants correspondant à la taxe "sont déjà bloqués et ne peuvent plus être transférés", selon lui.
Les déposants à Chypre sont d'autant plus déstabilisés que les détails des mesures acceptées par Nicosie en contrepartie du plan de sauvetage ne sont pas encore connus, dans l'attente d'une validation par le Parlement chypriote.
"C'est catastrophique", lance un entrepreneur belge, estimant à 15.000 euros le montant qu'il va voir ponctionner sur les comptes de son foyer.
"Ca ne me gêne pas, c'est une contribution à un problème qui existe", déclare-t-il, se disant en revanche très inquiet de savoir si la mesure s'applique aux sociétés.
"S'ils nous prennent 10% ça veut dire qu'on ferme la semaine prochaine", souligne-t-il.
Un père de famille allemand habitant Nicosie, lui aussi, se dit "en colère". Ces mesures "touchent les familles, tout le monde, c'est injuste".
"J'ai déjà perdu mon travail, ce que je touche de l'assurance sociale ne suffit pas à faire vivre une famille, et maintenant il va falloir payer ça en plus", enrage-t-il. "Je suis étonné que les gens ne manifestent pas comme en Grèce".
Des appels à manifester ont été lancés pour la soirée et les jours à venir.
Le président Nicos Anastasiades tente de se justifier
Le président chypriote Nicos Anastasiades a annoncé qu'il s'adresserait à la nation dimanche au sujet du "douloureux" plan de sauvetage de 10 milliards d'euros conclu samedi à l'aube avec l'Union européenne.
M. Anastasiades, leader de droite élu le mois dernier, a souligné dans un communiqué le risque "d'effondrement" du système bancaire à défaut d'accord sur un prêt pour l'île au bord de la faillite. Le Parlement chypriote doit s'exprimer dimanche sur ce plan de sauvetage assorti de contreparties sans précédent.
Le président chypriote, de retour de Bruxelles samedi soir, doit rencontrer des dirigeants de partis politiques de l'île dans la soirée et se rendre dimanche matin au Parlement où une Assemblée plénière est prévue.
"Nous avions le choix entre le scénario catastrophe d'une défaillance non contrôlée, et une gestion douloureuse mais contrôlée de la crise qui mette un terme définitif à l'incertitude", a indiqué M. Anastasiades dans un communiqué.
A défaut d'un accord avec les bailleurs de fonds, Union européenne, Banque centrale européenne et FMI, "tout le système bancaire se serait effondré, avec les conséquences que cela entraîne", a-t-il estimé, évoquant des milliers de faillites et "l'éventualité d'une sortie de l'euro".
Selon M. Anastasiades, l'accord vise à éviter un second plan de sauvetage, tout en maintenant la dette à un niveau supportable et en encourageant une diminution du déficit.
"La solution que nous avons choisie est douloureuse, mais c'était la seule qui nous permettait de continuer nos vies sans remous", a-t-il martelé.
Afin de réduire le montant emprunté pour éviter la faillite, les bailleurs de fonds internationaux ont demandé à Chypre d'instaurer une taxe exceptionnelle et inédite de 6,75% sur tous les dépôts bancaires en-deçà de 100.000 euros et de 9,9% au-delà de ce seuil, provoquant la colère des déposants.