Le goût du danger

Aforce de multiplier les projets, son entourage le dit assez désorganisé, voire même un peu "bordélique" (sic), dans la gestion de son temps. De fait, la ponctualité n’est pas son fort; mais une fois attablé, l’homme est pleinement dans l’instant et capte sans peine l’attention de son interlocuteur par son raffinement et sa culture.

Pierre-François Lovens

Rencontre Aforce de multiplier les projets, son entourage le dit assez désorganisé, voire même un peu "bordélique" (sic), dans la gestion de son temps. De fait, la ponctualité n’est pas son fort; mais une fois attablé, l’homme est pleinement dans l’instant et capte sans peine l’attention de son interlocuteur par son raffinement et sa culture.

Le dernier de ses projets vient à peine de se concrétiser : le lancement audacieux d’une édition belge de l’hebdomadaire "Marianne" (lire ci-contre). "Nous sommes bien conscients que l’échec est possible, dit-il à ce sujet. Mais le piment de la vie, c’est la volonté de s’arracher à la fatalité, non ?", tranche Benoît Remiche à l’issue d’une rencontre de deux heures dans ses bureaux de la rue de Suisse. C’est là, dans "sa" commune de Saint-Gilles, qu’il a acquis, en 2008, une maison de maître pour y héberger sa société Tempora.

A 55 ans, Benoît Remiche peut faire valoir un parcours professionnel qui traduit l’un de ses traits de caractère : un certain goût du danger. "Ce n’est vraiment pas délibéré de ma part. Il n’y a jamais eu chez moi de plan de carrière. Mais j’ai toujours aimé me projeter dans l’avenir, ce qui implique une certaine dose d’inconfort, une forme de mise en danger. Mon moteur est là." Son CV est à entrées multiples : assistant universitaire, chef de cabinet, président de conseil d’administration, entrepreneur et, désormais, éditeur.

Flash-back. Petit dernier d’une famille de six enfants, Benoît Remiche grandit dans un environnement aisé et lettré. Son père fut le premier patron francophone de ce qui était encore, au milieu des années 1960, le ministère belge de la Culture; sa mère était professeur de lettres et de littérature. Voilà qui explique sans doute son goût prononcé pour tout ce qui touche à la culture.

Le jeune Benoît optera dans un premier temps pour le droit à Louvain. Mais il y ajoutera rapidement la philosophie, ce qui lui permet de croiser le chemin de personnalités fortes, comme Jean Ladrière ou un certain André Léonard. Il complétera son cursus académique par l’économie, séduit là aussi par des personnalités telles qu’Alexis Jacquemin, Jacques Drèze ou Alexandre Lamfalussy.

Cette tête bien pleine est repérée par Melchior Wathelet (père), alors ministre-président de la Région wallonne. Il en fera l’un de ses chefs de cabinet, alors que le jeune Remiche se situe, politiquement, davantage dans la mouvance du Rassemblement wallon que du PSC. "J’ai eu un plaisir inouï à travailler pour lui. Il n’était l’homme d’aucune coterie." Le duo "montera" au fédéral lorsque M. Wathelet devint vice-Premier ministre. Il touche alors à un dossier - celui de la réforme du statut des entreprises publiques - qui ouvrira un nouveau chapitre de son parcours.

Ce chapitre, c’est celui de la transformation de la RTT en Belgacom, entreprise publique dotée d’une forte autonomie de gestion. Barré à trois reprises par Jean-Luc Dehaene pour prendre la tête d’une des entreprises contrôlées par l’Etat, Benoît Remiche finira tout de même par occuper la présidence du conseil d’administration de Belgacom. Quatre années chahutées qui se termineront mal, avec une double mise à pied, celle de Bessel Kok, administrateur délégué, et de Benoît Remiche. "Mais contrairement à ce qui a pu être dit et écrit à l’époque, il n’y avait aucune animosité personnelle entre Bessel Kok et moi. Que du contraire ! Ce qui est vrai, c’est que nous avons mené un processus de modernisation de l’entreprise qui n’a pas plu à certains au sein du comité de direction."

L’épisode Belgacom n’est pas du genre à décourager Benoît Remiche. "A posteriori, ce fut même une chance. Je risquais de pantoufler." L’homme rebondit rapidement dans le secteur qui lui correspond le mieux, celui de la culture. Les débuts sont assez chaotiques. Partenaire de la société EuroCulture, l’expérience tourne court. Il croise le chemin d’Elie Barnavi, rencontre qui débouchera, en 1998, sur la création de la société Tempora. C’est le coup d’envoi de la conception et la réalisation d’expositions d’un nouveau genre. Des expos délibérément grand public. "Elles se veulent attractives, informatives, ludiques", résume Benoît Remiche. Elles ont pour nom "6 milliards d’autres", "C’est notre terre", "C’est notre histoire", "Dieu(x), modes d’emploi", Ses détracteurs parlent d’expos consensuelles et superficielles. Lui s’en moque. Et fonce vers de nouvelles aventures.

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