L'épargne des Belges touchée au coeur

Le débat n'est pas mené ouvertement au plan politique belge mais il sera tranché au niveau européen. Évoqué "maladroitement" par le ministre des Finances, le dossier est brûlant. La questions : comment canaliser ce pactole ? Éclairage.

Patrick Van Campenhout

On vient de le voir, la réflexion (pertinente ?) de certains politiques sur le maintien du compte d’épargne défiscalisé en Belgique provoque pas mal de remous. En clair, aucun politique ne souhaite se mettre les électeurs à dos en supprimant un avantage fiscal qui a amené plus de 240 milliards d’euros sur des comptes d’épargne ne produisant pourtant qu’un intérêt minimum. C’est que, dans le monde politique belge, on fait semblant de ne pas savoir que le compte d’épargne défiscalisé est déjà mort dans sa forme actuelle. Le bourreau ? Il est européen et devrait recevoir l’autorisation de tuer le 6 juin prochain C’est que la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie le 9 octobre 2010 par la Commission européenne d’un recours, une procédure d’infraction relative au régime fiscal particulier de ces comptes. Infraction aux règles de libre circulation des capitaux au sein de l’UE et à la liberté d’établissement et de services. Ce "recours en constatation de manquement" vise précisément l’exclusion discriminatoire des banques non résidentes puisque la possibilité d’offrir ces comptes défiscalisés est réservée aux seuls établissements de crédit établis en Belgique. Sur le principe, notre bon vieux livret est pratiquement condamné. Et on a du mal à imaginer que notre ministre des Finances l’ignore. Et il n’y aura pas de recours à cette décision, ce qui justifie la réflexion entamée par ce dernier en direction d’alternatives susceptibles de réorienter les capitaux vers l’économie belge sans s’attirer une nouvelle fois les foudres de la Commission. On songe notamment à des comptes, des emprunts, des bons de caisse fiscalement attrayants qui seraient orientés vers les PME en recherche de financement, ce qui, au départ des banques belges, viserait sans les nommer les PME locales. Tout cela en marchant sur des œufs puisque le recours relatif à l’avantage fiscal permettant de ne pas payer de précompte mobilier sur les premiers 1 880 euros d’intérêts des comptes d’épargne n’est qu’un des nombreux recours étudiés par la CJUE à propos de notre fiscalité.

Cela étant, les politiques belges sont évidemment concernés par le pactole des Belges logé sur les comptes d’épargne. Ils savent en effet qu’une bonne partie de cet argent est captée par des banques disposant d’un établissement chez nous, contrôlé par les autorités financières et proposant de plein droit de la possibilité d’offrir un havre pour l’épargne, avant de la réinvestir ailleurs qu’en Belgique. Ils savent aussi que pour se conformer à cette décision probable de la CJUE tout en conservant le mécanisme des comptes d’épargne, il faudrait élargir aux banques étrangères logées ailleurs en UE la possibilité de proposer des comptes défiscalisés Sans pouvoir en assurer le contrôle. Ce qui amplifierait le flux des capitaux belges vers l’étranger et le coût fiscal de la mesure. Or, un avantage fiscal n’est généralement accordé par un gouvernement que pour bénéficier d’un retour sur investissement via un impact sur l’économie locale. Autrement dit, il est temps de revenir sur le fond des différentes propositions déjà évoquées en matière de placements thématiques profitables à l’économie, comme le financement des PME ou du développement durable.

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