Ouvriers étrangers: "Stopper cette concurrence déloyale"
En ligne de mire du secteur de la construction : les entreprises "étrangères". Le phénomène a atteint "des sommets" d'après Robert de Mûelenaere, le patron de la Confédération Construction.
Publié le 06-12-2013 à 05h39 - Mis à jour le 22-12-2013 à 09h33
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"Il faut agir vite, autrement il sera trop tard." Robert de Mûelenaere, le patron de la Confédération Construction, est inquiet. Selon lui, son secteur ne s’est jamais aussi mal porté : 2000 faillites ont été enregistrées cette année et 6000 personnes ont perdu leur emploi entre la fin 2011 et le 1er semestre 2013. D’après l’organisation, la conjoncture morose actuelle est, en partie, responsable : les crédits sont accordés plus difficilement, le revenu des ménages n’a pas suivi le prix des terrains à bâtir,…
Mais pour la confédération, la cause principale de ce déclin provient de la "concurrence étrangère". Une concurrence jugée "déloyale". Le phénomène a atteint "des sommets", d’après M. de Mûelenaere. "Les entrepreneurs, venus essentiellement de l’Europe de l’Est et du Sud, bénéficient d’un avantage concurrentiel évident : ils ne doivent pas payer de charges patronales ou sociales en Belgique, mais bien dans leur pays d’origine."
Une situation "irréaliste et intenable"
Robert de Mûelenaere parle d’une situation "irréaliste et intenable". "Cette règle est d’ailleurs très souvent contournée. Beaucoup de travailleurs ne paient même pas ces cotisations sociales dans leur pays d’origine." A noter que certains "montages frauduleux" concernent également des entrepreneurs belges qui délocalisent leurs entreprises hors de nos frontières ou abusent de la sous-traitance étrangère. Car le système est légal aux yeux de la Commission européenne qui permet le "détachement temporaire" de travailleurs étrangers. En 2011, ces travailleurs représentaient quelque 20000 équivalents temps plein en Belgique. Ils auraient un lourd impact sur le business en Belgique, affirme la Confédération qui a interrogé 460 entrepreneurs "belges" sur le sujet.
D’après cet échantillon, près de 8 entrepreneurs sur dix ont perdu un ou plusieurs marchés en 2013 "en raison de la concurrence d’une entreprise étrangère". Cela a forcément un impact sur l’emploi : 17 % des entrepreneurs ont dû licencier suite à ces pertes de marché. La très grande majorité des sondés pensent aussi que le phénomène va s’accentuer dans le futur et neuf entrepreneurs sur dix estiment que les sociétés étrangères ne respectent pas le salaire minimum en Belgique.
Ne pas accepter des prix anormalement bas
Ces prix au rabais proposés par les entrepreneurs venus d’autres pays seraient la principale cause (95 % des sondés le pensent) de cette "distorsion de concurrence", suivie par la flexibilité du travail (69 %). Retenons encore de l’étude que la sous-traitance étrangère est de plus en plus fréquente que le phénomène touche davantage les grandes entreprises que les petites. Et que l’accroissement des "faux indépendants" pousserait encore davantage les prix vers le bas.
Bref, d’après le secteur, qui pèse encore près de 214000 emplois en Belgique, il est urgent de réagir. M. de Mûelenaere demande ainsi qu’une table ronde soit rapidement organisée, réunissant les différents niveaux de pouvoirs en Belgique. "Les mesures adoptées récemment par le gouvernement belge pour lutter contre le dumping social sont insuffisantes", tance le patron de la fédération, qui désire, entre autres, une réduction des charges salariales, davantage de flexibilité de l’organisation du travail et de contrôle sur les chantiers. "L’acceptation d’un prix anormalement bas devrait pouvoir devenir une infraction", estime même M. de Mûelenaere. "Il faut inciter les maîtres d’ouvrage publics et particuliers à ne faire appel qu’à des entrepreneurs en ordre vis-à-vis des différentes législations."
"Lobbies roumain et polonais"
La Confédération dit "vouloir tout mettre en œuvre" pour préserver les chances de "survie" des entreprises de construction belge. Pour ce faire, elle ira aussi frapper à la porte de l’Europe. Là, les négociations devraient être encore plus tendues. A la demande de plusieurs pays, dont notamment la France, le thème du "dumping" social va ainsi bientôt réatterrir sur la table des instances européennes. "Beaucoup de pays, comme la France ou le Royaume-Uni demandent à l’Europe de revoir ses règles en la matière. D’autres pays, comme la Pologne ou la Roumanie, font du lobbying pour un statu quo de la situation actuelle", fait-on savoir auprès de la Confédération.