L’Italie bien loin de la dolce vita…
Depuis la fin de la semaine dernière, l’Italie est retombée techniquement en récession. Un coup dur pour le gouvernement Renzi qui tarde à trouver les clés de la relance économique. Les banques belges, elles, restent fortement exposées au risque italien.
- Publié le 12-08-2014 à 17h38
- Mis à jour le 12-08-2014 à 19h26
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C ’ est l’économie, imbécile !" Voilà comment "The Economist" a intitulé ce nouvel épisode de récession italienne. Selon l’hebdomadaire britannique, Matteo Renzi ne se trouverait pas dans cette situation délicate s’il s’était souvenu du célèbre slogan de campagne lancé par Bill Clinton en 1992, comme quoi l’économie doit rester la mère des batailles d’un gouvernement gagnant ! En arrivant au pouvoir en février dernier, le jeune chef du gouvernement italien a commis un pari hasardeux. Selon lui, l’économie allait se rétablir toute seule, sans réforme structurelle, lui permettant ainsi de consacrer sa grande énergie à des choses bien plus importantes comme les réformes institutionnelles. "Le premier ingrédient du problème est que le gouvernement est convaincu que seule la stabilité politique du gouvernement relancera le pays, et que par conséquent, le changement des règles, comme la loi électorale, le Sénat, le rôle des régions, est bien plus important que les politiques économiques et sociales", analyse l’éditorialiste du quotidien "La Stampa", Luca Ricolfi, "le deuxième ingrédient est cette idée tenace en Italie que nos problèmes économiques sont dus à des causes extérieures; l’austérité, l’Europe, l’euro fort; et que donc, notre reprise économique doit aussi arriver de l’étranger, et qu’il suffit d’attendre". Loin de se laisser démoraliser par les mauvais chiffres, Matteo Renzi s’est laissé aller à une métaphore plutôt douteuse sur la reprise économique : "La croissance, c’est comme l’été, ce dernier n’est pas arrivé quand on voulait, il n’est pas aussi beau et chaud qu’on le désirait, mais il arrive toujours, un peu en retard, mais il arrive !" Peu importe si les agences de notations financières soulignent la lenteur évidente des réformes annoncées à grands cris par le gouvernement.
Trop de promesses non tenues
"Partons du principe que les problèmes économiques ne se résolvent pas en quelques mois, déclare Tito Boeri, professeur d’économie à l’université de la Bocconi, mais le gouvernement est parti sur les chapeaux de roue avec un ambitieux agenda de réformes, et il n’est pas allé beaucoup plus loin que l’effet d’annonce. Il devait commencer à promettre une réforme et la réaliser. Par exemple, il pouvait faire la réforme du marché du travail, ou celle de la justice, on sait que les entreprises étrangères n’investissent plus en Italie par peur de la longueur des procès." Nombreux sont les économistes qui pensent que le gouvernement italien aurait mieux fait d’utiliser ses marges de manœuvres financières pour abaisser la pression fiscale sur les entreprises. "Le président du conseil a joué depuis le début la carte de l’optimisme. Mais attention, les dix ans de politique économique du gouvernement Berlusconi l’ont prouvé, un optimisme forcé engendre souvent un grave pessimisme" , poursuit l’économiste. "Le dynamisme de Renzi a donné l’impression d’une possible secousse positive, mais toutes ces réformes commencées et non terminées pèsent sur le bilan. Pourquoi le Jobs Act (NdlR : la réforme du travail) est-il bloqué au Parlement ? Tout simplement parce que le gouvernement n’a pas les idées claires sur ce qu’il veut faire", conclut Tito Boeri. La lune de miel entre les Italiens et Matteo Renzi semble bel et bien terminée, il est temps de passer à l’acte !
L’été morose des Italiens
Quand j’étais jeune, nous partions tout le mois d’août à la mer, c’était la normalité des vacances" , racontent souvent les Italiens avec une certaine nostalgie. Les choses ont bien changé. Cet été trois adultes sur quatre passent leurs congés à la maison et le budget des trente millions d’Italiens qui s’offrent quand même des vacances est fortement réduit. Un cinquième d’entre eux a d’ailleurs choisi un lieu de villégiature dans sa région de résidence pour éviter les frais de voyage. Les chiffres ne mentent pas.
Ce sentiment de morosité, qui freine la consommation des ménages italiens, se répercute sur l’économie interne. "L’effet du bonus mensuel de 80 euros, décidé par le gouvernement, est quasi nul , a décrété le président de la Confédération des Commerçants, Carlo Sangalli, cette mesure a été perçue comme un épisode unique et non pas comme une mesure structurelle qui se répercute sur la croissance." Promis par Matteo Renzi, juste avant les élections européennes, ce bonus était censé, selon le jeune président du conseil, donner une bouffée d’oxygène de 10 milliards d’euros à l’économie. Fin mai, cet argent est bel et bien arrivé dans la poche des salariés qui gagnent moins de 24 000 euros bruts par an, mais en juin l’augmentation de certaines taxes a éliminé son effet positif sur le pouvoir d’achat.
"Tous les indicateurs économiques sont dans le rouge, mis à part les chiffres sur l’occupation, qui repartent légèrement à la hausse, explique Carlo Sangalli; dans ce contexte, le bonus de 80 euros, même s’il a fait frémir quelque chose, n’a pas provoqué l’électrochoc promis par le gouvernement sur la consommation et n’a pas réussi à rétablir la confiance en combattant l’incertitude du moment."
L’été est bien morose pour les Italiens, même à Rome, le temps où la ville se vidait de ses habitants au mois d’août appartient au passé, quatre-vingts pour cent des magasins de la capitale restent ouverts pour tenter de faire cadrer les comptes. Depuis le début de l’année le secteur du commerce a enregistré une baisse de 1,7 milliard d’euros. Cette crise économique qui se prolonge, aura donc eu raison des derniers soubresauts de la "dolce vita" !
Ce risque italien qui pèse sur BNP Paribas, Dexia & Cie
Même si on est dans une situation moins tendue que lors de la crise souveraine, les indices de récession en Italie ne sont pas une bonne nouvelle pour les banques de la zone euro. Surtout celles qui sont fortement exposées à ce pays méditerranéen.
Le groupe bancaire français BNP Paribas, dont l’Etat belge est le premier actionnaire avec 10,3 % du capital, est de loin l’institution (hors Italie) la plus visée, via la filiale BNL qu’elle a rachetée quelque temps avant Fortis Banque.
Forte détérioration
Les chiffres du deuxième trimestre 2014 montraient d’ailleurs déjà une forte détérioration de la conjoncture dans la péninsule. Le résultat avant impôt de BNL a chuté de… 98,5 % pour tomber à 1 million d’euros à fin juin. C’est dire que cela va moins bien. "Le coût du risque a augmenté à cause d’un contexte difficile" , avait souligné la banque. Comprenez par là qu’elle avait dû augmenter les provisions (à 728 millions d’euros) suite à des défauts de paiement plus importants. D’après les analystes, la banque a, il est vrai, une politique très prudente en matière de provisions.
BNL accorde un total de crédits de 78 milliards d’euros dont 25 milliards de crédits immobiliers. Il ne faudrait donc pas que la crise perdure trop longtemps et qu’un nombre croissant d’Italiens n’arrivent plus à rembourser l’achat de leur maison.
La banque franco-belge Dexia est aussi une institution exposée à l’Italie via sa filiale Crediop qu’elle essaie de vendre désespérément. Au 30 juin, son exposition sur l’Italie s’élève à 27 milliards d’euros dont 14 milliards de dette souveraine et 11,5 milliards de prêts au secteur public local. Il ne faudrait donc pas que, comme pour Detroit aux Etats-Unis, des villes ou des communes italiennes auxquelles Dexia a prêté de l’argent tombe en faillite.
Pas de scénario catastrophe
Pour ce qui de la dette souveraine, on n’est plus comme on l’a écrit, dans le scénario catastrophe de 2011. Le taux des obligations de la dette italienne n’a pas remonté en flèche (jusqu’à des 7 %) à cause des craintes d’une restructuration de la dette italienne. Le taux à dix ans tournait autour des 2,769 % mardi. Signe d’une petite tension, ce niveau est légèrement plus élevé que fin juillet (2,65 %) mais il reste encore très raisonnable.
Le groupe néerlandais ING a aussi une petite activité "retail" en Italie. Le montant de ses crédits s’élève à 16 milliards d’euros. Quant à KBC, l’exposition "retail" est très marginale et n’a pas de quoi susciter des inquiétudes.