2.000 emplois menacés dans le secteur de la construction
Francis Carnoy, le directeur de la Confédération wallonne de la construction, est remonté contre le gouvernement wallon. Selon lui, les mesures prises à l’échelon régional vont faire perdre plus de 2 000 emplois dans le secteur l’année prochaine. Entretien.
Publié le 22-10-2014 à 18h35 - Mis à jour le 23-10-2014 à 07h05
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Francis Carnoy, le directeur de la Confédération wallonne de la construction, est remonté contre le gouvernement wallon. Selon lui, les mesures prises à l’échelon régional vont faire perdre plus de 2 000 emplois dans le secteur l’année prochaine. Dans le viseur : la réduction du budget alloué aux différentes primes (voir ci-contre) ainsi que le gel des investissements communaux et régionaux dans les travaux publics.
Pourquoi êtes-vous si inquiet pour le secteur de la construction en Wallonie ?
Les mesures prises par le gouvernement wallon feront plus de mal que celles annoncées au fédéral. Et je ne fais pas de politique en disant cela. En Wallonie, deux tiers de l’ajustement budgétaire pèsent sur notre secteur. Il y a tout d’abord la réduction de 30 millions d’euros du budget alloué aux différentes primes. A cela s’ajoute le report des investissements régionaux dans la construction pour un montant de 340 millions d’euros. Cela fait 370 millions d’euros sur un ajustement budgétaire de 650 millions d’euros.
Vous fustigez aussi le report des investissements communaux.
Pour respecter les nouvelles normes comptables européennes, le gouvernement wallon conseille aux pouvoirs locaux de diminuer leurs investissements. Sur un budget habituel d’1 milliard d’euros pour les voiries et bâtiments communaux, on est déjà retombé en dessous de 500 millions d’euros.
Le moratoire sur les primes va-t-il durement vous toucher ?
Pour des PME, un trou d’air de trois mois peut être fatal. Ceci dit, Paul Furlan a raison de mettre de l’ordre dans ces primes car il y en a trop. En revanche, je suis contre le fait de remplacer des primes par des prêts à taux zéro. Pour les ménages les moins aisés, ce sera un frein à l’investissement.
Quel sera l’impact sur l’emploi de l’ensemble de ces mesures ?
Au total, on devrait perdre plus de 2 000 emplois en 2015. Rien que la réduction des primes régionales devrait toucher plusieurs centaines d’emplois. Mais le recul des investissements publics est le plus gros facteur. La conjoncture est déjà très mauvaise. Encore plus en Wallonie qu’en Flandre. Depuis la mi-2012, on est passé de 65 000 à 59 000 emplois salariés en Wallonie. Cela représente une perte de 2000 emplois par an.
Comment expliquez-vous cela ?
En six ans, la construction d’habitations résidentielles a diminué de 25 %. En 2008, on construisait 15 000 logements neufs par an, contre 11 000 aujourd’hui. Et au niveau des travaux publics, c’est un véritable effondrement : l’activité s’est écroulée de 40 % en deux ans. Jusqu’à aujourd’hui, la rénovation était le seul segment qui se portait bien. Mais la réduction des primes octroyées par la région wallonne risque de faire mal.
Vous estimez carrément que la survie du secteur est menacée.
Si ce problème n’est pas pris à bras-le-corps, il ne restera pas grand-chose du secteur dans dix ans. Des entreprises étrangères, avec de la main-d’œuvre et de la technologie étrangères, remporteront tous les contrats. Il y a de plus en plus d’inquiétude parmi nos membres. On devrait prochainement voir des patrons dans la rue.
Vraiment ?
On a évoqué cette possibilité lors de nos conseils d’administration. Cela devrait bientôt arriver.
Comment expliquez-vous que la construction soit davantage touchée par l’ajustement budgétaire en Wallonie ?
Le secteur a la réputation de fournir des emplois non délocalisables, ce qui est faux. La construction est le premier secteur soumis à la concurrence internationale, devant l’industrie. Le gouvernement wallon était sans doute trop pressé d’ajuster le budget.
Quelles sont les causes profondes des pertes d’emplois des dernières années ?
Face au manque de réaction des autorités, le dumping social continue à gangrener le secteur. Des communes attribuent des marchés à l’entreprise la moins chère même lorsque le prix est anormalement bas. Nous demandons donc au gouvernement de responsabiliser les clients publics et privés au sujet du dumping.
Mais cette concurrence étrangère n’est pas forcément illégale ?
La directive sur le détachement permet à un travailleur européen de travailler en Belgique pour autant qu’il perçoive le salaire minimum et que les cotisations sociales soient payées dans le pays d’origine. Mais on se situe souvent à la frontière de la légalité. Qui vérifie si les cotisations sont bien payées en Roumanie ? Les échanges d’informations prennent beaucoup trop de temps.