Le tourisme, l’autre révolution de la Chine
Le rachat du Clud Med par Fosun illustre l’enjeu du tourisme chinois. Les Chinois voyagent par centaines de millions dans et hors de Chine.
Publié le 10-01-2015 à 09h54
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Le rachat du Clud Med par Fosun illustre l’enjeu du tourisme chinois. Les Chinois voyagent par centaines de millions dans et hors de Chine.
L’offre de rachat du Club Med par le milliardaire chinois Guo Guangchang et le groupe Fosun qu’il dirige sauvera l’entreprise française confrontée à un tassement de la demande en Europe. Mais elle doit avant tout servir les intérêts chinois. M. Guo ne l’a pas caché en saluant un investissement de quelque 939 millions d’euros devant permettre, selon lui, de répondre aux besoins d’une classe moyenne chinoise qui découvre le tourisme.
Il est donc plus que probable que le Club va, sinon prendre une couleur chinoise, du moins adapter son offre à cette nouvelle clientèle qui pèsera de plus en plus lourd dans le secteur du tourisme. Plus de cent millions de Chinois aisés voyagent déjà à l’étranger chaque année et ce nombre ne fera que croître. Si certains sont des routards (espèce encore curieuse que les Chinois appellent non sans mépris “ qiong you ”, “ les voyageurs pauvres ”…), la majorité préfère les formules de groupe “tout compris” et n’a qu’un goût limité pour les imprévus ou les mauvaises surprises. Le Club est a priori fait pour eux.
Les Chinois ont, certes, été habitués à vivre (et voyager) à la dure sous le maoïsme. Ils apprécient d’autant plus un certain confort aujourd’hui (en particulier la jeune génération qui n’a connu que la société de consommation forgée par “ l’économie socialiste de marché ”) et aiment les produits de luxe. En acheter est, au demeurant, une des premières motivations de leurs déplacements à l’étranger.
Si les Chinois voyagent nombreux à l’étranger (en Asie du Sud-Est surtout, la destination la plus proche et la plus abordable, mais aussi en Europe et en Amérique), c’est aussi parce que ceux qui en ont les moyens veulent… fuir une Chine qui étouffe sous l’expansion du tourisme domestique.
Un niveau de vie trop faible et des restrictions politiques ont longtemps empêché les Chinois de faire du tourisme, même à l’intérieur de leurs frontières. Les réformes des trente-cinq dernières années ont changé la donne : les contrôles ont été levés, tandis que se formait une vaste classe moyenne, coiffée par une caste de nouveaux riches souvent… très très riches. Résultat : les Chinois voyagent désormais partout, en masse.
L’extension des jours de congé a favorisé le phénomène. Les Chinois profitent, en plus des congés négociés dans chaque entreprise, de vingt-neuf jours fériés par an : deux fois sept jours à l’occasion du Nouvel An chinois et de la fête nationale, plus cinq fois trois jours lors de célébrations moins importantes comme le Nouvel An occidental, le 1er mai ou la fête de la Mi-Automne. Les longs congés sont employés pour les voyages à l’étranger, les courts sont réservés à des visites dans le pays (en voiture, de plus en plus souvent, grâce au réseau autoroutier le plus étendu du monde !) ou à des escapades à Hong Kong pour y faire du shopping.
La découverte des sites historiques de l’Empire du Milieu a longtemps eu la cote, mais les Chinois cherchent maintenant à échapper à la foule, tout en goûtant des expériences nouvelles. C’est ainsi qu’ils vont à la plage (sur l’île tropicale de Hainan), fréquentent les sources thermales, jouent au golf ou font du ski (dans le Nord-Est). Dernière tendance à la mode : les séjours à la campagne, pour fuir la pollution des villes…
La Chine by Club Med
Trois villages existent déjà. Une nouvelle marque arrive.
Dès 2009, le Club Med, présent commercialement dans le pays depuis 2003, annonçait son intention d’ouvrir 5 villages en Chine pour 2015, voyant en cette terre lointaine un “relais de croissance majeur” . Effectivement… Fin 2009, il finalisait un contrat de management pour un premier village. Ce village de ski ouvrit ses portes fin 2010, alors qu’entrait au capital le groupe chinois Fosun. Guilin (orienté nature et découverte) a suivi en 2013. Fin 2014, c’était au tour de Dong’ao Island (balnéaire) d’entamer son ouverture avec l’espace 5 tridents tandis que le village 4 tridents ouvrira d’ici l’été. Le 4e village, Qinhuangdao, devrait ouvrir fin 2015-début 2016, comme l’espèrent les responsables. De même que le 5e, Beidahu, dévolu au ski. Une nouvelle marque, Joyview by Club Med, est prévue pour 2016, “concept innovant destiné à capter la clientèle haut de gamme” qui ne dispose pas de résidence secondaire et souhaite trouver un environnement naturel proche des grandes villes et des activités variées le temps d’un long week-end. Visées, une clientèle familiale et des couples et une clientèle “affaires” en semaine.
Enfin, les Chinois sont devenus la deuxième clientèle du Club, derrière les Français et devant les Belges. Ils étaient 96 000 l’an dernier; et même 120 000 de la “grande Chine” (avec Hong Kong et Taïwan).
TUI, Pierre & Va cances, Accor : pour exister en Chine, il faut s’allier à un acteur local
S’allier pour ne pas se con currencer. De simples accords commerciaux ne suffisent pas. Il faut des partenariats sur le long terme.
C’est dès 2003 que le groupe allemand de tourisme TUI (Jetair en Belgique) a créé sa filiale chinoise à Pékin. C’était la première joint-venture à participation majoritairement étrangère dans l’histoire de l’industrie chinoise. Sachant que le groupe y organisait des séjours et circuits depuis le début des années 80 (et Jetair depuis plus de 25 ans).
“Le groupe est présent sur des marchés émergents où il y a un potentiel d’affaires” , souligne Florence Bruyère, porte-parole de Jetair. En gros, il propose des formules vers la Chine, en Chine et à partir de la Chine. Le groupe, qui n’est pas propriétaire d’hôtels sur place, met sur pied à la fois des tours de villes, voyages de groupes ou individuels dans le pays, mais aussi, au rayon affaires, des congrès, réunions, événements, à destination aussi bien des voyageurs étrangers que des Chinois ou même des expatriés. Il met également sur pied des circuits et autres en dehors de la Chine, de façon à rencontrer “la rapide croissance de la demande domestique pour voyager aussi vers des destinations extérieures à la Chine” . Et de pointer une augmentation annuelle de 12 % dans ce segment. TUI a, pour ce faire, décroché en 2011 la licence de voyage pour des activités touristiques en dehors du pays. Les affaires tournent au point que TUI a ouvert, en 2013, une antenne à Shanghai, plaque tournante du commerce local et international.
D’autres grands opérateurs européens du tourisme ont également l’empire du milieu en ligne de mire, même s’ils s’y sont pris plus tard que TUI. C’est le cas du Groupe Pierre & Vacances-Center Parcs. Début décembre dernier, il annonçait les bases d’un “partenariat à long terme” avec Beijing Capital Land, un des tout premiers promoteurs immobiliers en Chine, propriétaire de belles réserves foncières. Objectif : “développer ensemble en Chine – et en France – des sites touristiques inspirés du concept Center Parcs” (grands domaines naturels, cottages, ‘Aqua mundo’couvert…). Deux premiers sites autour de Pékin et de Shanghai sont à l’étude. De quoi “répondre à la demande croissante du tourisme de proximité pour les habitants des mégapoles chinoises” , précise Pierre & Vacances.
Dix jours plus tard, le 14 décembre, c’était au tour du groupe hôtelier Accor d’annoncer une “alliance stratégique” avec un de ses homologues chinois, Huazhu Hotels Group. Quand bien même cela fait plus de 30 ans que le groupe français est présent en Chine et y compte 144 hôtels. Ici l’objectif est de créer “un acteur de premier plan de l’hôtellerie chinoise, rassemblant plus de 2000 hôtels en Chine” . Soit une association de marques (chacun compte un portefeuille allant du haut de gamme à l’économique), de savoir-faire international, d’expertise locale, de réseaux de distribution, de programmes de fidélité… Tout en accélérant leur développement “au cœur du premier marché du voyage au monde” , précisent les deux parties. Aux termes de l’accord, Accor continuera d’exploiter et de développer en Chine ses marques de luxe et haut de gamme (Sofitel, Pullman…) tandis que ses marques milieu de gamme et économiques (Ibis, Novotel, Mercure) seront intégrées à Huazhu qui détiendra une master-franchise et sera chargé du développement. L’un dans l’autre, 350 à 400 nouveaux hôtels Accor seront ouverts en Chine au cours des 5 prochaines années.
>>> Mickey y est déjà
C’est en septembre 2005 que Hong Kong Disneyland Resort a ouvert ses portes. C’est le cinquième parc Disney, après les deux américains, ceux de Tokyo et de Paris.….
Le second, Shanghai Disney Resort, est en construction à l’heure actuelle. Il devrait ouvrir ses portes fin de cette année. C’est Philippe Gas, ex-président d’Euro Disney Associés SCA, qui en a été nommé président en août 2014.
Il n’y a pas d’autres projets actuellement dans le pipeline.