Quand l'indispensable Facebook "impose les règles du jeu social" de la Génération Z

Rien de tel que la Toile pour tester son identité, observer celle des autres et découvrir toutes les secondes ce qu’il faut écouter, regarder ou porter, quitte à se goinfrer d’informations et se noyer dans sa propre boulimie. Le déplacement des interactions sociales sur le Net modifie profondément le rapport à l'autre chez nos ados.

Valentin Dauchot
Quand l'indispensable Facebook "impose les règles du jeu social" de la Génération Z
©Photonews

"Les jeunes de moins de vingt ans ne se sont pas lancés d’eux-mêmes sur les réseaux sociaux", lance la sociologue Claire Lobet-Maris, professeur aux facultés universitaires de Namur (FUNDP), lorsqu’on l’interroge sur l’hyperconnectivité de cette "Génération Z". "C’est d’abord un espace qui a leur été proposé par la génération de leurs parents. Le produit d’un contexte social qui coïncide avec deux éléments : le sentiment d’insécurité qui régnait dans les années 90, lorsque l’espace public était secoué par les affaires judiciaires et perçu comme dangereux, et que les nouvelles technologies sont apparues à beaucoup de familles comme un refuge. Mais surtout l’individualisation croissante de la société, l’augmentation du nombre de familles monoparentales, par exemple, dans lesquelles il est plus difficile de s’occuper tout le temps des enfants ou le taux de chômage des jeunes qui atteint 30 % dans certaines régions du pays. Avec le temps, les lieux traditionnels de construction sociale tels que la famille, l’école, le travail ou les amis sont devenus de moins en moins prégnants. Il est de plus en plus difficile d’y trouver des repères structurants, et Internet est devenu un excellent moyen d’identifier de nouvelles références."

Plus le temps de se faire des amis

Rien de tel que la Toile pour tester son identité, observer celle des autres et découvrir toutes les secondes ce qu’il faut écouter, regarder ou porter, quitte à se goinfrer d’informations et se noyer dans sa propre boulimie.

"C’est là que ça devient préoccupant", analyse Claire Lobet-Maris. "C’est le temps et l’attention que l’on accorde aux autres et à soi-même qui permettent aux individus de se construire socialement. Mais en passant sur Internet, ce temps social s’effondre. L’attention se fragmente. La plupart des internautes n’ont pas une, mais dix fenêtres ouvertes sur leur ordinateur. Ils sont sollicités en permanence et passent sans arrêt d’une information à une autre. Les générations qui baignent depuis toujours dans cette connectivité sont devenues dépendantes de cette sollicitation permanente. Ce bruit de fond incessant qui les rend paradoxalement plus fermés, extrêmement dissipés et incapables de s’engager à long terme ."

Soif de reconnaissance

"Non seulement un "like" sur Facebook ne représente rien", poursuit la sociologue, "mais en plus les règles du jeu social sont désormais imposées par les multinationales comme Facebook. Des sociétés de marketing qui fabriquent des individus insatiables sur un modèle consumériste. Le critère social n’est plus d’être ami ou aimé aujourd’hui, mais d’être populaire et c’est aussi addictif que désespérant. A mes yeux, ce besoin ultime de reconnaissance traduit une immense solitude morale. La question est donc de savoir pourquoi nous avons à ce point besoin d’être populaires et rassurés."

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