"Le risque est de transformer le Piétonnier en Luna Park"
Un piétonnier enrichit-il automatiquement les propriétaires des immeubles qui le bordent ? Les experts n’en sont pas tous convaincus. Quel impact sur l’immobilier résidentiel ? Quels risques ?
Publié le 28-08-2015 à 16h32
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Un piétonnier enrichit-il automatiquement les propriétaires des immeubles qui le bordent ? Les experts n’en sont pas tous convaincus. "Un piétonnier est censé créer du trafic, indique Arnaud de Bergeyck, head of capital markets retail, Cushman & Wakefield. Or, qui dit augmentation du trafic dit hausse potentielle du chiffre d’affaires des commerces et donc hausse des loyers et des prix de vente. A condition, bien sûr, que les passants soient de véritables shoppers, pas seulement des personnes de passage."
Mais l’effet sur l’immobilier n’est pas immédiat. "Même si la conversion est bien préparée, bien organisée, il faut tenir compte d’un temps d’adaptation. Les consommateurs vivent sur des habitudes (trajet, parking…). Tout changement est perturbant." Et d’évoquer le cas de la mise en piétonnier du Meir à Anvers il y a une vingtaine d’années. "Certes, l’adoption du piétonnier a coïncidé avec l’ouverture du shopping Wijnegem, ajoute l’expert. L’indéniable ralentissement du Meir à l’époque ne lui est cependant pas seul imputable. Et pourtant, la mise en piétonnier avait été bien encadrée (plan de circulation, parkings, signalisation, campagne d’information…)." Dans le cas de la rue des Fripiers à Bruxelles, rendue aux piétons il y a deux ans, il n’y a pas eu de "couac". "Notamment parce que le tronçon est court et que la période était propice pour le commerce en général."
Repenser la chaîne des livraisons
Sur l’immobilier résidentiel, l’impact pourrait être plus mitigé. "Je dirais d’emblée que c’est un plus, note Denis Latour, administrateur délégué des agences Latour & Petit. Moins de bruit, moins de pollution, plus de sécurité pour les usagers qu’ils se déplacent à pied, à vélo, en tricycle… Cela donne un caractère qualitatif à l’habitat et valorise l’immeuble. D’autant que s’y ajoutent généralement des commerces, des restaurants, des infrastructures sportives et culturelles, bruyants certes, mais sans commune mesure avec le trafic." Les complexes immobiliers dans et autour d’esplanades piétonnes sont très demandés. Tout comme les piétonniers des centres-villes qui attirent un public différent et plus large. "La condition sine qua non, insiste le courtier, est toutefois que les voitures, bannies du site, trouvent une place, en sous-sol, en périphérie… La mobilité reste le problème majeur : il faut pouvoir accéder au site de manière efficace."
"Il ne faut toutefois pas minimiser la pollution sonore de certains piétonniers, corrige Christian Lasserre, consultant CLI. Le risque, surtout dans des villes historiques, est de transformer cet espace en Luna Park. Ils ont besoin de flux et le danger est d’imaginer quantité d’événements pour en créer." Et de noter qu’il est très difficile de généraliser parce qu’un piétonnier n’est pas l’autre. "Il y a ceux des villes historiques (Venise, par exemple), des villes piétonnes (Louvain-la-Neuve), des villes touristiques (Zermatt), poursuit-il. Il y a aussi ceux sur terre ferme et ceux sur dalles avec accès vers le bas - comme la Défense à Paris. Il y a encore - et surtout - ceux conçus tels quels et ceux convertis."
Si la problématique d’un piétonnier ne se limite pas à l’absence d’automobiles, il faut en tenir compte. "Et repenser, entre autres, la chaîne des livraisons, indique le consultant. Car qui dit habitat urbain dit livraisons. C’est l’accessoire indispensable. Livraisons de marchandises, de courriers express, de pizzas et de sushis."