Le piétonnier fait mal au commerce bruxellois

Une enquête menée par le CDH est sans appel. Le bourgmestre n’en a cure.

Mathieu Colleyn
Le piétonnier fait mal au commerce bruxellois
©Stephanie Lecocq

Depuis la fin du mois de juin, les boulevards du centre de Bruxelles sont piétonniers. Un geste fort des autorités communales qui n’en finit plus de faire couler encre et salive tant il modifie l’usage et l’aspect de cet important espace public. Cette mesure radicale ne manque, par ailleurs, pas de faire sentir ses effets bien au-delà des frontières de la Ville de Bruxelles.

Dans l’opposition au niveau communal, le CDH a décidé d’objectiver les effets de ce piétonnier. Le premier volet de cette étude porte sur les conséquences de l’interdiction des voitures sur les commerces locaux. Entre les 19 et 28 août, le parti a donc envoyé des sondeurs munis d’un questionnaire simple afin de mesurer la satisfaction des commerçants du centre ainsi que les effets du piétonnier sur leurs affaires. 215 commerçants ont été interrogés. La plupart sont actifs dans le périmètre du piétonnier, certains dans son voisinage direct. Les résultats sont sans appel.

Un peu plus de 73 % des commerçants répondants estiment que le piétonnier a eu un impact sur leurs activités. Et pour 70,1 % d’entre eux, cet impact est négatif. L’enquête démontre en outre que cette perception négative n’a pas la même ampleur dans toutes les portions du piétonnier. Elle est plus forte dans la section située entre les places de la Bourse et Fontainas, côté rue des Pierres et rue Orts. Mais également aux deux extrémités du piétonnier, du côté des boulevards Jacquemain et Adolphe Max d’une part et à Lemonnier d’autre part. Baisse de fréquentation, chiffre d’affaires en baisse, tentation de remettre (lire tableau ci-dessus), les résultats démontrent clairement un malaise.

Raccourcir le piétonnier

Les plus satisfaits relèvent du secteur Horeca, surtout entre la Bourse et la place De Brouckère, précise Benoît Cerexhe, chef de groupe CDH à la Région bruxelloise. Dans l’Horeca, ce sont surtout les restaurants qui se plaignent. "Leur clientèle de soirée vient moins", relaye le député. Les bouquinistes du centre-ville sont eux aussi à la peine, leurs déposants venant chargés de livres à revendre. Un célèbre magasin de meuble va sans doute devoir cesser de vendre du mobilier trop imposant, précise encore Hamza Fassi-Fhiri, opposant CDH à la Ville de Bruxelles. "Un grand hôtel risque également de devoir licencier ses voituriers", ajoute-t-il. 27 % des commerçants répondants envisagent, par ailleurs, de remettre leur affaire.

Le CDH a également demandé aux commerçants concernés de détailler les avantages et inconvénients de ce piétonnier. S’ils saluent le calme, la convivialité, l’atmosphère, ils déplorent le sentiment d’insécurité, la malpropreté, la "clochardisation" des lieux. Les problèmes de livraison sont également mis en avant, comme l’accessibilité aux commerces qui n’ont pas vu venir de nouvelle clientèle. "Les touristes viennent mais ne consomment pas", résume Benoît Cerexhe.

Pour le CDH, ces résultats confirment le manque de préparation et d’accompagnement dont s’est rendue coupable la Ville de Bruxelles. "Elle a mis la charrue avant les bœufs", lance le député Cerexhe. Les humanistes estiment qu’il y a urgence à agir si l’on souhaite éviter que le piétonnier soit synonyme de désert commercial à moyen terme. La Ville de Bruxelles a annoncé une première évaluation huit mois après l’instauration. Le CDH estime que c’est trop long et réclame une concertation avec le monde du commerce. "Il ne faut pas le plus grand piétonnier mais le meilleur", conclut Benoît Cerexhe qui plaide aussi pour que l’espace piétonnier soit rétréci de ses deux extrémités.

Mayeur balaye

Interrogé par Belga, le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, le socialiste Yvan Mayeur, balaye allègrement l’exercice et les conclusions humanistes. Il indique "ne pas prendre tout cet exercice très au sérieux". "Cela fait partie du bashing anti-centre. Le CDH a choisi de s’y inscrire, en adoptant un positionnement très politicien. J’avoue que je ne comprends pas très bien car la majorité régionale dont il fait partie soutient le piétonnier", ajoute-t-il. La Ville prépare un large plan de redéploiement commercial pour le centre.

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