La Wallonie mise sur le chanvre

Les surfaces cultivées devraient doubler d’ici à 2020.

Isabelle Lemaire
A field of hemp plants is seen in northern France on July 19, 2014. Photo: Wolfram Steinberg dpa Reporters / DPA
A field of hemp plants is seen in northern France on July 19, 2014. Photo: Wolfram Steinberg dpa Reporters / DPA ©Reporters / DPA

Sa culture avait été abandonnée pendant deux siècles en Belgique mais en 2009, sous l’impulsion de Benoît Lutgen, le ministre wallon de l’Agriculture de l’époque, elle avait été relancée. Aujourd’hui, René Collin, le ministre de l’Agriculture (CDH), vient d’octroyer un subside de près de 250 000 euros pour doubler les surfaces cultivées à l’horizon 2020, soit passer à 1000 hectares.

C’est que le chanvre industriel (à ne pas confondre avec son illégal parent, lire ci-contre) présente des avantages. "C’est une plante qui ne nécessite pas de soins particuliers, de pesticides, bref, qui pousse toute seule, même si les semis et la récolte doivent être faits soigneusement", explique Thierry Joie, de l’ASBL Chanvre wallon qui assure des missions d’information, de soutien et de structuration de la filière du chanvre.

Alimentation, isolation, capitonnage

Historiquement, les fibres de chanvre servaient à fabriquer cordages et voiles pour bateaux mais de nouveaux débouchés ont été découverts. "Les graines sont valorisées dans l’alimentation humaine (l’huile) ou animale pour les oiseaux (un marché mondial énorme) et la pêche, comme appât. La partie fibreuse de la tige est la plus noble et la plus rentable. On en fait du textile, des papiers très fins, des capitonnages pour les voitures et les avions. La partie ligneuse de la tige est transformée en panneaux d’isolation, en paillage pour animaux et, mélangée à de la chaux, en matériaux isolants pour la construction", détaille Thierry Joie. Son ASBL est depuis peu sollicitée par des sociétés à la recherche de producteurs qui pourraient fournir des fleurs fraîches. Elles contiennent en effet une molécule, le CBD, aux vertus thérapeutiques, notamment anti-cancer, prometteuses.

La culture du chanvre est inexistante en Flandre et reste marginale en Wallonie. Les plantations sont principalement situées dans les provinces de Namur et de Luxembourg. "Personne ne fait du chanvre seul. Les agriculteurs qui se lancent sont surtout des éleveurs qui le font en complément. Le rendement est assez faible : un hectare donne une tonne de graines, contre quatre pour le colza, et huit à dix tonnes de paille. Les producteurs sont tous intégrés à la coopérative Belchanvre. A la tonne, elle achète la paille à 125/160 euros, les graines conventionnelles à 650/750 euros et les graines bio 1 000/1 200 euros."

Une unité de défibrage à Marloie

Les transformateurs ne sont que quatre en Belgique mais un projet porté par Belchanvre devrait donner un coup de pouce à la filière. "Pour obtenir de la fibre de chanvre, il faut une machine spéciale et il n’en existe qu’une, en Flandre. La première unité de défibrage de Belgique sera inaugurée en juin à Marloie", annonce Thierry Joie.

Fauchages sauvages, photos et délation

Confusion. L’aspect du chanvre industriel ressemble beaucoup à sa version stupéfiante, le cannabis, mais dans le chanvre industriel, le taux de THC (la substance psychotrope) ne peut dépasser 0,2 % contre 5 % et plus pour le chanvre récréatif. La filière d’approvisionnement en graines de chanvre industriel est d’ailleurs très strictement contrôlée par les pouvoirs publics afin d’éviter que des graines donnant des plantes chargées en THC ne soient vendues aux agriculteurs. Cette confusion visuelle entre les deux variétés n’est pas sans causer quelques tracas aux producteurs wallons de chanvre. "On nous signale fréquemment des cas de récoltes sauvages dans les parcelles", signale Thierry Joie. Les voleurs en seront pour leurs frais puisqu’il leur faudrait fumer des kilos de plantes pour ressentir quelque effet. "On nous rapporte aussi que des gens viennent se faire prendre en photo dans les champs", ajoute Thierry Joie. Le responsable de l’ASBL Chanvre wallon reçoit aussi des coups de fil de la police. "Parfois sur base de dénonciations anonymes, des policiers nous appellent pour vérifier que les plantations sont bien autorisées."

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