Les intérêts notionnels dans le viseur US
Le ministre des Finances veut revoir l’impôt des sociétés suite à une pression venue des USA.
Publié le 16-02-2016 à 07h15 - Mis à jour le 16-02-2016 à 07h16
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C’est un fameux pavé dans la mare qu’a jeté Johan Van Overtveldt (N-VA), ce lundi. En effet, le ministre des Finances a indiqué que la Belgique devait "abandonner les recettes et les régimes fiscaux du passé". Comment expliquer cette sortie ? Après que la Commission européenne a condamné le système belge des "excess profit rulings", les Etats-Unis ont mis la pression sur une autre niche fiscale belge : les intérêts notionnels.
Pour rappel, ce mécanisme de déduction fiscale permet à des entreprises belges qui octroient des prêts à une filiale étrangère de réduire considérablement leur base imposable en Belgique. Mais il semblerait que les Etats-Unis en aient marre que la base imposable de sociétés américaines soit siphonnée via des entreprises basées sur notre territoire.
"En vertu de la convention fiscale signée entre la Belgique et les Etats-Unis, une société américaine ne doit, en principe, pas prélever de retenue à la source lorsqu’elle verse des intérêts à une entreprise belge, explique Denis-Emmanuel Philippe, professeur de droit fiscal à l’Ulg et avocat (Bloom Law). Mais grâce au système des intérêts notionnels, la société belge est peu taxée sur les intérêts qu’elle perçoit de la société américaine".
En résumé, la convention fiscale signée entre la Belgique et les Etats-Unis entraîne une double non-imposition. Pour mettre fin à ce siphonnage de la base imposable de leurs sociétés, les Etats-Unis ont décidé de revoir la convention fiscale qui les lie à la Belgique. Si le projet aboutit, le fisc américain appliquera un précompte de 30 % à chaque versement d’intérêts en faveur d’une entreprise liée de près ou de loin à la Belgique. A moins que notre pays ne mette un terme à son système de déduction des intérêts notionnels.
"Réformer pour garder l’attractivité"
Cette pression des Etats-Unis intervient alors qu’une étude des Verts européens vient de mettre en lumière les pratiques fiscales d’Ikea. Selon cette enquête, le numéro 1 mondial de l’ameublement a économisé un milliard d’euros d’impôts des sociétés ces six dernières années en utilisant des niches fiscales aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg.
Johan Van Overtveldt semble donc profiter de cette actualité brûlante pour faire avancer son idée d’une réforme de l’impôt des sociétés. "Cela démontre une fois de plus que notre impôt des sociétés doit être revu, explique le ministre des Finances. La pression internationale persistante sur la fiscalité de niche belge doit nous inciter à agir".
Pour rappel, le ministre N-VA a récemment proposé de changer fondamentalement la nature de l’impôt des sociétés. Son objectif est de laisser le choix entre deux systèmes coexistants : le premier sans déductions fiscales mais avec un taux facial d’imposition réduit, le second avec le taux actuel de 33,99 % combiné à la possibilité d’utiliser divers mécanismes de déduction fiscale. Il semblerait néanmoins que la pression mise sur les niches fiscales belges plaide en faveur de l’abandon du second système.
Double jeu des USA
Par ailleurs, il semblerait que les Etats-Unis jouent un double jeu en ce qui concerne l’optimisation fiscale des multinationales. Jeudi dernier, le secrétaire américain au Trésor a critiqué la multiplication des enquêtes de la Commission européenne sur les pratiques fiscales de grandes entreprises américaines. Pour rappel, la Commission européenne a condamné l’Américain Starbucks à une amende comprise entre 20 et 30 millions d’euros en raison de ses pratiques fiscales jugées contraires au droit de la concurrence. Et plusieurs multinationales américaines figurent parmi les sociétés condamnées par la Commission européenne à rembourser 700 millions d’euros à la Belgique dans le cadre du dossier des "excess profit rulings".
Pourquoi cette attitude divergente des Etats-Unis ? "Dans le cas des excess profit rulings, plusieurs multinationales américaines risquent d’être pénalisées, puisqu’elles pourraient être obligées de rembourser l’économie fiscale à la Belgique, décode Denis-Emmanuel Philippe. Dans le cas de la renégociation de la convention entre la Belgique et les USA, je pense que ce sont surtout des grands groupes belges cotés qui financent leurs filiales américaines, tout en bénéficiant des intérêts notionnels, qui seront impactés. Les multinationales américaines ne devraient donc pas être touchées pas la suppression du mécanisme des intérêts notionnels.