Des kots de luxe pour étudiants stylés
Oubliés les petits communautaires, les kots étudiants se transforment en vastes résidences tout confort. Tour du marché avec quatre experts, tous horizons confondus.
Publié le 21-04-2016 à 10h58 - Mis à jour le 21-04-2016 à 11h02
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A L’IMAGE DES UNIVERSITÉS et des programmes d’études, les kots étudiants ont bien changé en quelques dizaines d’années et deux, parfois trois générations. Le groupe Eckelmans Immobilier est bien placé pour en parler, lui qui est actif sur le marché de la brique estudiantine depuis 1963. "Pendant une quarantaine d’années, nous avons réalisé des résidences classiques", raconte Thibaut Van Dieren, son directeur. Les évolutions en la matière se limitant au nombre de chambres des communautaires, passant de 8, 10, jusqu’à 12 et même 14 ou 16 (!) dans les années 70-80 à 4, 5 ou 6 chambres au tournant des années 90-2000.
"Voici quelque 10 ans, à la moitié des années 2000, une nouvelle réflexion fait son apparition, initiée entre autres, chez nous, par l’UCL, reprend M. Van Dieren. Celle-ci était demandeuse d’une résidence disposant de plus de facilités et de services pour accueillir ses étudiants internationaux." Dans la foulée, le marché a changé. Les déboires des cours de la Bourse et les piteux rendements de l’épargne ont fait du kot étudiant un… produit d’investissement comme les autres. Il n’en fallait pas plus pour voir les sociétés immobilières et les grands promoteurs se lancer dans la brèche. Et supplanter les particuliers et autres petits privés, devenus, entre-temps, des champions de la division de maisons unifamiliales en plusieurs kots.
Sur quel modèle ces nouveaux maîtres ès kots conçoivent-ils leurs projets ? Tour du marché avec quatre experts, tous horizons confondus.
1. Des kots "triple A". S’il est évident que les étudiants internationaux (Erasmus) sont demandeurs de plus de confort, n’ayant pas de parents sur place chez qui aller faire leur lessive, se délasser ou partager un repas le week-end, les étudiants belges ont, eux aussi, commencé à y regarder à deux fois. "Il faut dire qu’il y a dix ans, le marché du kot n’était pas qualitatif, soutient Frederik Snauwaert, CFO de Xior Student Housing. La plupart des bâtiments étaient assez âgés et peu répondaient aux normes." Sans compter que certaines cités estudiantines accusaient une réelle pénurie de logements. "C’était le cas, par exemple, de Gand, Anvers ou Leuven, aujourd’hui en situation d’équilibre. Bruxelles, elle, souffre toujours : les kots - de qualité qui plus est - y sont une denrée rare." "Par ailleurs, les exigences de confort sont dans l’air du temps, renchérit Thierry De Wever, directeur de Quares Student Housing. Comme les locataires ‘classiques’, les étudiants préfèrent les bâtiments neufs ou rénovés. Et, de plus en plus, aiment disposer de sanitaires privés. C’est une réelle tendance." Sans parler des services (concierge, buanderie, local vélo) et des commodités (cuisines équipées et conviviales, espaces détente et jeux, salle d’étude, fitness…), mais aussi d’une situation géographique idéale, proche de leurs campus et centres d’intérêt, des commerces, lieux de sortie et culturels. Autant de critères qui nécessitent une implémentation dans des complexes d’une ou plusieurs centaines de chambres, économies d’échelle obligent.
2. Un produit de niche. Qui dit plus de confort et de qualité dit… prix plus élevé. "C’est paradoxal, parce que le critère n° 1 pour un étudiant reste financier, admet Thibaut Van Dieren. C’est certainement vrai pour deux-tiers d’entre eux; le reste étant plus aisé et donc, réceptif à d’autres points d’attention. C’est ce tiers d’étudiants que nous visons pour nos résidences tout confort." Et de qualifier, de facto, ce segment du marché de "niche". "Nous l’abordons avec prudence : s’il y a de la place pour une résidence de ce type dans toutes les villes universitaires, il n’y en a pas nécessairement pour deux." "Malgré le fait que cet actif de niche soit plus intéressant pour un investisseur, construire et gérer un petit projet nécessitant le même effort qu’un grand", admet M. Snauwaert. "Toutefois, nuance M. De Wever, ces grands complexes ne supplanteront pas les plus modestes. Notre portefeuille mélange d’ailleurs ces deux types d’actifs : un tiers de petits projets, deux-tiers de grands."
3. Des partenaires académiques. Bien souvent, ces projets de résidences "triple A" sont menés en partenariat avec les principales intéressées : les universités et les hautes écoles. "Parfois la demande vient d’elles, parfois nous les démarchons", acquiesce Koenraad Belsack, CEO d’Uprade Estate. Si collaboration il y a, le promoteur et gestionnaire - le profil préféré des instances académiques, déchargées, ainsi, non seulement de la construction, mais aussi de la gestion des kots - accorde une priorité locative à l’université avant de soumettre le solde des unités de logement au marché privé.
4. Les ‘chouchous’ des autorités communales. D’autres acteurs raffolent de ces nouveaux produits : les villes et communes. Qui ne voient pas d’un bon œil la multiplication "sauvage" des kots. "Elles rejettent le phénomène de la ‘kotamination’, explique M. Belsack. C’est-à-dire la division des maisons unifamiliales en plusieurs kots. Dans le cadre de notre projet de Jette, nous avons été soutenus par la commune car, en créant une résidence de 143 kots, nous avons sauvé au moins 15 maisons de maître." Or, ce sont les familles qui alimentent les caisses communales, pas les étudiants… "Et puis, en regroupant les kots dans de grands ensembles, les autorités peuvent plus facilement exercer un contrôle en termes de salubrité, de sécurité et de maintien de relations de bon voisinage (propreté des abords, tapage nocturne…)", glisse Thibaut Van Dieren.
5. La vie en communauté. "On dit souvent des étudiants d’aujourd’hui qu’ils forment une ‘génération Pampers’, affirme Koenraad Belsack. C’est oublier que le stress lié aux études a évolué. On attend d’eux qu’ils prennent beaucoup de décisions importantes. Il est donc primordial qu’ils soient bien encadrés. Mais aussi qu’ils interagissent avec leurs pairs, qu’ils créent des connexions." Un parti pris que le CEO d’Upgrade Estate décline dans toutes les réalisations du groupe, fondées sur le vivre-ensemble et la convivialité. "Nous avons notamment fait de la cuisine un lieu central dans nos résidences, décrit-il. Il y en a plusieurs par étage, elles sont lumineuses, ont une belle vue et sont généralement assorties de terrasses. Tout est pensé pour booster l’esprit de groupe, entre autres le fait qu’elles ne sont pas nettoyées par les services d’entretien : cette tâche relève de la responsabilité des étudiants." Autre point d’orgue de la philosophie "Upkot", qui caractérise les réalisations d’Upgrade Estate : le coach. "A ne pas confondre avec un concierge, insiste M. Belsack. Il est bien sûr là pour parer au moindre petit problème, technique ou autre, mais aussi et surtout pour être le garant du lien social à travers un encadrement rapproché, l’organisation d’événements, etc." Outre la cuisine, la salle d’étude commune constitue également un pilier des résidences étudiantes 2.0, assurent de concert Frederik Snauwaert et Thierry De Wever.
6. Durabilité et conscientisation. Dernière priorité de ces récents modèles de résidences, leur profil ‘environmental-friendly’, tant d’un point de vue architectural (isolation, faible consommation, énergies renouvelables…) que comportemental (tri des déchets, attitude écoresponsable, prévention du gaspillage…).