"Mettre fin à la complaisance de l'Etat envers les fraudeurs"

Ecolo porte plainte contre "l’inaction" du gouvernement face aux scandales financiers.

Raphaël Meulders
- La ministre de la Justice Annemie Turtelboom et le secrétaire d'État John Crombez en visite à la cellule Fraude fiscale du Palais de Justice de Bruxelles - Minister Turtelboom en Staatssecretaris Crombez bezoeken Brusselse fiscale fraudecel * 24/7/2013 pict. by Philip Reynaers © Photo News
- La ministre de la Justice Annemie Turtelboom et le secrétaire d'État John Crombez en visite à la cellule Fraude fiscale du Palais de Justice de Bruxelles - Minister Turtelboom en Staatssecretaris Crombez bezoeken Brusselse fiscale fraudecel * 24/7/2013 pict. by Philip Reynaers © Photo News ©Photo News

La démarche est inédite. Ecolo a décidé d’aller devant les tribunaux pour dénoncer "la complaisance, voire la complicité" de l’Etat belge dans les dossiers de grande fraude fiscale. "Ce n’est pas courant comme outil politique, reconnaît Patrick Dupriez, coprésident du parti vert. Luxleaks, Swissleaks, Panama Papers… les scandales financiers se multiplient et certains font les vierges effarouchées. Mais après les paroles, il n’y a jamais d’actes. Vu l’ampleur de la fraude, il faut réagir et mettre fin à cette complaisance".

La démarche de cette plainte contre X, qui est désormais entre les mains du procureur du Roi de Bruxelles, est venue après une décision récente du Parlement : celle de ne pas mettre en place une commission d’enquête, suite aux révélations des "Panama Papers". Pour rappel, différents médias ont révélé l’existence d’un système d’évasion fiscale de grande envergure, via le Panama, un paradis fiscal. Plusieurs Belges sont concernés.

Mais d’après les verts, il ne faut pas s’attendre à grand-chose de la commission spéciale de la Chambre sur le sujet. D’où l’idée de saisir la justice. "Le procureur du Roi dispose des pouvoirs d’investigation nécessaire, explique la coprésidente Zakia Khattabi. Cela permettra aussi de libérer la parole de fonctionnaires ou de lanceurs d’alerte dans un cadre sécurisé".

Des dossiers volontairement oubliés ?

Les accusations sont graves. Selon Ecolo, certaines personnes dans l’administration auraient sciemment (sous influence politique ?) "mis dans des placards" des dossiers de grande fraude fiscale. "Ne pas appliquer la loi est illégal", rappelle Zakia Khattabi. Ce qui vaut pour les citoyens doit aussi valoir pour les dépositaires du pouvoir public". Les articles 233 et 234 du code pénal sont clairs sur le sujet et incriminent les "mesures contraires" aux lois et aux arrêtés royaux ou à "leur exécution". Des peines d’emprisonnement peuvent aller de six mois à cinq ans pour ce type de délit. Ce fondement, "rarissime dans la jurisprudence", peut viser tant des ministres, que des membres de cabinets ministériels ou des fonctionnaires.

Ecolo base sa plainte sur les propos de Karel Anthonissen, directeur régional de l’Inspection spéciale des impôts (ISI) de Gand. Ce dernier a régulièrement fait part, dans la presse, de traitements de faveur par le fisc pour certains citoyens belges. Selon lui, plusieurs dossiers importants de fraude seraient ainsi volontairement restés sans suite.

"Ceux qui triment et ceux qui trichent"

Hans D’Hondt, président du SPF Finances, avait porté plainte contre M. Anthonissen pour calomnie et diffamation. Mais ce dernier a fait parvenir à la justice un rapport dans lequel il décrit douze affaires dont le traitement a, selon lui, été entaché de clientélisme. "La plainte s’est soldée par un non-lieu en faveur de M. Anthonissen, ce qui signifie que les documents fournis étaient de nature à prouver la vérité de ses affirmations, avance Zakia Khatabbi. Dès 2010, M. Anthonissen avait annoncé que quatre banques organisaient des montages off-shore en fournissant de fausses identités à des clients belges. Rien n’avait été fait".

D’après Ecolo, 555 dossiers de grande fraude fiscale sont en passe d’être prescrits.

Selon les verts, c’est désormais à la justice, sur la base de ces faits, d’aller chercher les coupables de ces "dysfonctionnements". "On verra ce que le procureur du Roi fera de notre plainte", poursuit M. Dupriez qui s’est saisi en son propre nom ainsi que celui de Zakia Khattabi de la justice, Ecolo ne disposant pas d’identité juridique. Les coprésidents sont défendus par le cabinet Arnauts. "L’Etat organise les failles qui permettent aux plus riches de ne pas payer leur dû, s’insurge M. Depriez. En Belgique, il y a ceux qui triment, comme les PME et les indépendants qu’on contrôle en permanence, ceux qui trinquent et ceux qui trichent".

D’après les verts, cette fraude fiscale s’élève à un montant oscillant entre 15 et 30 milliards d’euros dans notre pays. "Elle siphonne la collectivité et fragilise notre démocratie, car le traitement n’est pas égal entre les citoyens. Si chacun payait sa part, les politiques d’austérité seraient inutiles en Belgique", conclut le duo à la tête d’Ecolo.

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