Le lanceur d’alerte Antoine Deltour n’a aucun regret
Il a été entendu mardi à Luxembourg, où a repris le procès Luxleaks.
- Publié le 04-05-2016 à 07h04
- Mis à jour le 04-05-2016 à 07h06
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Les audiences du procès Luxleaks ont repris, ce mardi, à Luxembourg. Sur le banc des accusés comparaissent trois Français, deux anciens collaborateurs du cabinet d’audit et de conseil PwC Luxembourg, Raphaël Halet et le lanceur d’alerte Antoine Deltour, ainsi que le journaliste Edouard Perrin.
Les deux premiers sont poursuivis pour avoir soustrait à leur ancien employeur des documents couverts par le secret des affaires. Il s’agit de nombreux accords fiscaux établis entre des multinationales et l’administration luxembourgeoise, par l’intermédiaire de PwC.
Un processus bien rodé
Edouard Perrin, à qui ont été transmis ces documents et qui a révélé ces pratiques d’optimisation fiscale dans un reportage de "Cash Investigation" en 2012, est accusé de "complicité de violation du secret des affaires et du secret professionnel".
Jusqu’alors, les audiences ont principalement permis de mettre en lumière des pratiques d’optimisation fiscale, certes légales mais éthiquement discutables, qui ont profité à des multinationales parmi les plus en vue de la planète.
L’audition de Raphaël Halet, vendredi dernier, a révélé la manière avec laquelle PwC faisait approuver ces accords fiscaux par un des bureaux de l’administration fiscale luxembourgeoise.
Le processus était pour le moins extrêmement bien rodé. Selon Raphaël Halet, qui n’a d’ailleurs pas été contredit par les avocats de PwC, tout le travail administratif était largement pris en charge par le cabinet.
L’administration n’avait pour ainsi dire plus qu’à tamponner les documents qui lui étaient présentés, une fois par mois, toujours un mercredi, au rythme de 30 à 50 rescrits sur une après-midi. L’équipe de Raphaël Halet était notamment chargée d’imprimer les documents, directement sur du papier à en-tête de l’administration.
Il n’était pas rare, selon le témoignage de l’ancien collaborateur, que trois quarts des rescrits présentés reviennent approuvés le soir même ou… au plus tard le lendemain. "Je me suis une fois amusé à calculer. On parle de trois minutes d’examen par document", a commenté Raphaël Halet. Pour des montages réputés complexes, pouvant impliquer des transferts de bénéfices au Luxembourg de plusieurs millions d’euros, ces affirmations ont de quoi interpeller…
Dans le chef de Raphaël Hallet, c’est la diffusion du premier reportage de "Cash Investigation", qui s’appuyait sur les documents transmis par Antoine Deltour, qui le pousse à agir. "Avant, ce n’était pour moi que du travail administratif. J’ai découvert qu’il s’agissait en fait de pratiques qui vont à l’encontre de mes valeurs", précise-t-il.
"Cela en vaut la peine"
Le premier lanceur d’alerte, Antoine Deltour, était à son tour entendu ce mardi. L’occasion pour lui de rappeler qu’il désapprouvait les montages fiscaux évoqués. Il a affirmé avoir agi sans préméditation, en tombant par hasard sur ces documents censés être confidentiels.
Au moment où il confie les documents au journaliste, il dit être conscient de briser le secret professionnel. Il ne s’attendait cependant pas à ce que l’affaire prenne une telle ampleur. Antoine Deltour n’exprime aucun regret. Au contraire, l’impact considérable de l’affaire, le coup d’accélérateur qu’elle a donné en faveur des dispositions devant mettre fin à ces pratiques d’optimisation semble le conforter dans sa position. Lorsqu’à l’audience on lui demande s’il referait la même chose aujourd’hui, il répond sans équivoque que "cela en vaudrait la peine".