Pourquoi les pertes d'emplois vont se multiplier dans les banques
Axa Belgium et P&V viennent de dévoiler des plans de restructuration. Ce jeudi, ING pourrait leur emboîter le pas. C'est tout le secteur financier belge qui traverse des heures difficiles sur le plan social. Une alternative est de confier des points de contact à des agents indépendants pour éviter des licenciements.
- Publié le 14-09-2016 à 12h45
- Mis à jour le 14-09-2016 à 12h52
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Cela bouge beaucoup dans le secteur financier en ce début d’automne. Après la restructuration annoncée chez Axa Belgium puis aujourd’hui chez P&V (lire en page 26) et les interrogations sur l’avenir d’Ethias, c’est un nouveau plan de restructuration qui est pressenti chez ING, alors qu’un conseil d’entreprise se réunit demain au sein de la banque. La banque ne désire pas commenter les éventuels plans de restructuration. "Nous ne commentons pas les rumeurs et les hypothèses. Dans une entreprise telle qu’ING, il est pratique courante de réévaluer les plans stratégiques, de revoir les capacités opérationnelles, et de se pencher sur des manières de fonctionner plus productives et efficaces. Nous poursuivons la mise en œuvre de notre stratégie de déploiement de façon à garantir le meilleur service à nos clients. Dans le climat économique actuel, qui défie notre business model et notre profitabilité, il importe en outre de rester vigilant et d’observer la situation économique avec attention", explique un porte-parole de la banque néerlandaise.
Héritage du passé
Ce qui se passe aujourd’hui dans le secteur bancaire est en somme un héritage du passé. "Historiquement, après la crise de 1929 aux Etats-Unis, les autorités avaient repris la main sur le secteur bancaire avec des nationalisations et des réglementations qui imposaient la séparation des banques de dépôt des banques d’investissement. Dans les années 80, avec Thatcher et Reagan, la libéralisme a favorisé la dérégulation de ce secteur", explique Arnaud Delaunay, analyste chez Leleux Associated Brokers. C’est en 1999, que Bill Clinton a réintroduit la possibilité offerte aux banques de faire à la fois des opérations de dépôts, de crédits et d’investissement. Cette libéralisation du secteur est intervenue au moment de l’introduction de l’euro.
Trop d’exigences ?
Lorsque la crise des subprimes éclate, les autorités font le constat de l’échec du libéralisme. C’est le retour de balancier : les banques sont davantage contrôlées et les réglementations à leur égard sont renforcées. "Les exigences de fonds propres ont grimpé ce qui fait qu’aujourd’hui, en Europe, les banques ont deux fois plus de fonds propres qu’en 2007. Ces exigences pèsent sur leur rentabilité", ajoute Arnaud Delaunay. A cela il faut parfois ajouter le montant de certaines amendes. On se souviendra de l’amende record de près de 10 milliards de dollars qu’a dû payer BNP Paribas. "Jamais on n’aurait vu une telle chasse aux sorcières au début des années 2000. Le secteur bancaire est très mal perçu. A ces éléments, il convient encore d’ajouter l’impact des taux d’intérêt au plancher même si l’impact sur les marges des banques ne se fait ressentir que sur le moyen et long terme", note Arnaud Delaunay.
Des fusions inévitables
Ce qui inquiète davantage cet analyste c’est le surcroît et donc le surcoût lié aux réglementations. De plus, le secteur financier est en pleine évolution et est frappé de plein fouet par la révolution digitale.
A noter encore que dans certaines banques la pyramide des âges des cadres n’était pas équilibrée en raison des engagements qui ont été effectués dans les années 80. Face à tous ces facteurs, les banques n’ont pas le choix : elles doivent revoir leur business model et entamer des restructurations. "Selon l’agence Bloomberg, depuis 2008 ce sont près de 600 000 personnes qui ont perdu leur emploi dans ce secteur à travers le monde mais surtout aux Etats-Unis. Un acteur comme Citigroup a ainsi dû licencier un tiers de ses effectifs. L’Europe a toujours un temps de retard. Nous sommes dans cette vague pour le moment", estime Arnaud Delaunay. Ces licenciements vont s’étaler dans le temps puisque l’on parle de plans à l’horizon 2018 ou 2020 (voir infographie).
On peut également s’attendre à des fusions dans ce secteur et ce, surtout en Italie où le marché bancaire est encore assez atomisé. Le processus de restructuration est donc bien lancé et est "nécessaire" : ce secteur est très concurrentiel, est un gros pourvoyeur d’emplois et est surtout un agent économique indispensable au bon fonctionnement d’une économie.
Le statut d’indépendant comme porte de secours ?
Depuis sa création, le Crédit communal, devenu depuis lors Belfius, travaille avec un réseau d’indépendants pour gérer la majorité de ses agences. Les fonds de commerce des agences restent la propriété de Belfius mais les indépendants qui peuvent avoir plusieurs agences en réseau dirigent ces antennes comme de véritables chefs d’entreprise. Ils sont rémunérés par la banque, non pas sous forme de salaires mais sur base de commissions.
Moins d’avantages sociaux
Ce modèle inspire désormais d’autres banques. On entend que BNP Paribas Fortis et ING envisageraient de modifier le statut de certains gérants d’agences et de les faire passer sous le régime des indépendants. Quel est l’intérêt de cette opération ? "D’une part, les agents indépendants et leurs employés ne sont pas sur le payroll de la banque. Les collaborateurs qui sont engagés sous ces statuts le sont en général à des tarifs correspondant à une décote de 10 à 15 % par rapport aux employés du siège. Par ailleurs, ils ne bénéficient pas de certains avantages sociaux comme l’assurance de groupe. Ils dépendent du payroll de l’agent indépendant. Quand le système de commissionnement des agences est revu à la baisse, ce sont les agents indépendants qui doivent licencier leurs collaborateurs pour maintenir leurs marges et ce n’est pas la banque", explique un observateur du secteur.
Chez Belfius comme la banque est propriétaire du fonds de commerce, c’est elle qui décide d’ouvrir ou de fermer des agences. "Parfois, la direction est amenée à maintenir des petites agences non rentables pour des raisons politiques. La banque des communes ne peut pas fermer des agences vis-à-vis des autorités locales", ajoute notre interlocuteur.
Pour éviter les licenciements
Mais Belfius a toujours fonctionné comme cela et les indépendants se sont créés une belle clientèle. En étendant ce système dans leur réseau existant, BNP Paribas Fortis et ING risquent de générer des situations inédites. "Il semblerait que les règles soient plus strictes que chez Belfius. Les agences indépendantes chez ING, par exemple, ne pourraient pas prospecter les grands comptes ou reprendre des clients des agences non indépendantes, même si c’est à la demande du client", ajoute cet expert.
Le statut d’indépendant offre donc des avantages pour les institutions financières et, dans certains cas, pourrait s’apparenter à une porte de secours pour éviter des licenciements par la banque. Cependant, face à des contraintes de plus en plus fortes et à une charge administrative plus intense, le nombre de jeunes qui seraient prêts à reprendre des agences en tant qu’indépendants ou à rester dans ce système pourrait avoir tendance à diminuer.