Concilier business et fairtrade

Pro du marketing et des marques, Nicolas Lambert est le nouveau patron de Fairtrade Belgium. De retour d’Afrique, il raconte les défis du commerce équitable.

Rencontre: Anne Masset
Nicolas Lambert , CEO de Fairtrade Belgium , à Ixelles
Nicolas Lambert , CEO de Fairtrade Belgium , à Ixelles ©Alexis Haulot

Nommé directeur de Fairtrade Belgium (ex-Max Havelaar) le 1er juin dernier, Nicolas Lambert, 46 ans tout juste, a profité de ses cent jours pour écouter, rencontrer et aller sur le terrain, au Sud. A la découverte du commerce équitable, le "fairtrade", alors que la "Semaine" qui lui est consacrée commence le 5 octobre.

Petit retour en arrière. Début septembre, Nicolas Lambert s’envole pour l’Ouganda et le Kenya. Dans l’un, il visite une coopérative de café, dans l’autre, des plantations de roses dont les produits sont labellisés fairtrade. Ce qu’il en a retenu ? "On constate l’extraordinaire entreprenariat de ces producteurs et travailleurs qui, quand ils sont dans les conditions de se défendre sur le marché - et c’est le but du système Fairtrade : ‘Trade not aid’, ‘Du commerce, pas de l’aide’ -, s’en sortent très bien tout seuls." Et puis, "on voit le système en marche."

Exemple : le café. "Grâce au Faitrade, la coopérative ougandaise a mis sur pied une usine de triage du café. Grâce à cette usine qui leur appartient, les petits fermiers (ils disposent chacun de moins d’un ha) peuvent, pour parler "business", s’approprier une plus grande partie de la chaîne de valeur, avoir de meilleurs revenus et vivre mieux."

Deuxième expérience : des plantations de roses. Car la majorité des roses que l’on achète dans nos supermarchés vient d’Afrique de l’Est (Kenya et Ethiopie) . "Avec une empreinte carbone souvent moins élevée que si elles sont cultivées en Europe, ce qui peut paraître assez paradoxal." Nicolas Lambert n’hésite pas à affronter les questions qui fâchent : "Pourquoi des fleurs en provenance d’Afrique ? Dans le fairtrade, à chaque coin de rue surgit une question comme celle-là. Est-ce que vraiment, on doit faire cela ? Mais si on ne le fait pas, les conditions de travail vont être épouvantables ou, en tout cas, ne sont pas garanties."

En pratique, au Kenya, "le système permet de défendre les droits des travailleurs : droit de représentation, d’association, etc. Il leur donne aussi accès à des fonds (via la prime fairtrade) pour monter des projets sociaux comme le financement des études pour les enfants ou la construction d’une station d’épuration de l’eau." Et d’avouer dans la foulée de ce voyage initiatique : "Voir ces gens qui partent de rien et sont capables de prendre leur place, cela me remplit d’humilité." Chez lui, "le fairtrade est passé du cerveau au cœur."

Et pourtant… Nicolas Lambert, son diplôme d’ingénieur commercial en poche, avait débuté sa carrière de façon assez "classique" chez Unilever (et Becel), en Belgique, puis à Londres. Il passe chez Interbrew en 2003 (responsable des pils), puis revient chez Unilever à l’international (Rotterdam). Ensuite, il devient directeur marketing chez Alken-Maes en 2007 "qui voulait réinvestir sur le marché belge." Il est même "Marketer de l’année en 2010" (organisé par Trends et Stima, l’organisation professionnelle belge du marketing qu’il préside aujourd’hui). Avant de rejoindre l’agence de communication Darwin BBDO et de travailler aussi à son compte comme consultant. A travers Darwin, ce Montois d’origine, de cœur et de domicile, a notamment aidé à structurer la communication dans le cadre de Mons 2015.

"Pour Darwin, j’avais également un peu travaillé pour Fairtrade Belgium et j’avais vraiment accroché. J’avais dit à l’époque à un ami : Le jour où Lily Deforce s’en va, j’aimerais la remplacer’…" Paroles en l’air ? Pas du tout puisque quand l’ami en question lui apprend que la place se libère, il tente sa chance. Un sacré virage dans une carrière orientée produits, marques, marketing… "Pas tellement. Fondamentalement, ce qu’on fait, c’est travailler avec les producteurs et retailers pour promouvoir le commerce équitable. Comment vendre du café en food service ou des bananes dans les supermarchés ? Cette dimension commerciale, je la connais bien. Comme la communication. Ce que je ne connaissais pas, c’est le travail qu’on fait avec les producteurs dans le Sud : comment fonctionne chacun de ces marchés ? Comment Fairtrade peut avoir de l’impact ? La chaîne d’approvisionnement de la banane n’a rien à voir avec celle du café et le café en Afrique est différent du café en Amérique du Sud. Et puis, le monde des ONG est nouveau pour moi. Ceci dit, pas mal de mes collègues au niveau international viennent aussi d’entreprises commerciales. Dans Fairtrade, il y a "fair", mais il y a "trade" aussi… "

La stratégie de Fairtrade Belgium pour 2017-2020 passe d’abord par le café, les bananes et le cacao, les catégories reines du commerce équitable, sans abandonner les autres produits, mais sans se disperser non plus. "La marge de progression est encore énorme." Il s’agit de créer toujours plus de débouchés au Nord pour une offre du Sud qui reste supérieure à la demande. Travailler l’offre, mais aussi la demande. "La demande nourrit l’offre et inversement. La pompe doit être alimentée en continu." La 15e Semaine du commerce équitable arrive. Le moment idéal pour en parler au consommateur.

21 septembre 1970 : Nicolas Lambert naît dans la région montoise. Après une spéciale math à Leuven, et un diplôme d’ingénieur commercial (Fucam, aujourd’hui UCL Mons), il entre chez Unilever en 1994.

En 2003, il passe chez Interbrew comme responsable des pils.
Début 2006, Nicolas Lambert repart à l’international chez Unilever.
En 2007, il débarque chez Alken-Maes en tant que directeur marketing en Belgique.
En 2010, il travaille pour Darwin BBDO, notamment pour l’Unicef et Mons 2015.

1er juin 2016, il devient CEO de Fairtrade Belgium.

+12,7%

Bananes, café,
Chocolat en tête

Entre juin 2015 et juin 2016, le marché des produits labellisés Fairtrade a enregistré une croissance de 12,7  % en volume et de 18,8  % en valeur.

75 % Marketer

Nicolas Lambert et son homonyme comédien se partagent les premières pages des résultats de Google. Si l’acteur est très visible, le pro du marketing l’est aussi.

Et pro, il l’est. Notamment via son marketing personnel. Ce “personal branding” est cohérent, clair et constant. Twitter, LinkedIn, PUB magazine, un blog personnel, prof invité à l’UCL… On y suit ses analyses, ses causes, ses engagements. Tout cela est crédible, l’identité numérique est parfaitement construite. Un modèle du genre. On n’est pas élu “Marketer de l’année” pour rien. >

Indice e-réputation calculé par l’agence www.reputation.365.eu

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