Les raisons qui forcent ING à des restructurations
Ce lundi matin, ING Belgique a dévoilé les détails d'une restructuration.Plus de 3.100 emplois sont menacés chez ING Belgique et au sein de sa filiale Record Bank. Le secteur financier belge entre dans une nouvelle ère. Analyse.
- Publié le 02-10-2016 à 18h47
- Mis à jour le 03-10-2016 à 08h14
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Ce lundi matin, sur le coup de 7 heures, la direction d’ING Belgique a dévoilé aux organisations syndicales, lors d’un conseil d’entreprise, les détails d’un plan de restructuration. Plus de 3.100 emplois sont menacés chez ING Belgique et au sein de sa filiale Record Bank, a indiqué Philippe Samek (CNE).
L’annonce de ce lundi sonne comme un véritable coup de tonnerre dans le secteur bancaire belge. Mais au fait pourquoi ING lance-t-elle aujourd’hui un tel plan, avec le risque de se mettre à dos les organisations syndicales mais aussi les autorités politiques du pays, voire une partie de ses clients ? Tour d’horizon et analyse des facteurs externes et internes qui forcent la banque à se repositionner.
1. Des taux au plancher. Le premier facteur externe que l’on peut invoquer pour expliquer les difficultés de l’ensemble du secteur financier, dans les banques mais aussi chez les assureurs, est le niveau faible des taux d’intérêt. Cette faiblesse des taux, résultat de la politique accommodante de la Banque centrale européenne, provoque une diminution des marges d’intermédiation des banques. Ces dernières doivent payer des taux imposés par la loi pour les livrets d’épargne et ne peuvent replacer ces liquidités qu’à des taux beaucoup trop faibles souvent proches de zéro.
2. Des activités en recul. Deux autres facteurs externes pèsent sur ces marges : la baisse du niveau des crédits octroyés et des courtages perçus sur les opérations de bourse. "La situation de taux bas devrait encore perdurer pendant au moins deux ans mais elle ne durera pas 10 ans non plus. En ce qui concerne les demandes de crédits, nous ne voyons pas non plus d’amélioration en perspective à court ou moyen terme compte tenu de la persistance de la faiblesse de la croissance en Europe", explique Bernard Keppenne, Chief Economist chez CBC Banque.
3. Une réglementation renforcée. Le troisième facteur externe est le coût de la réglementation qui est imposé par les régulateurs mais qui est supporté par le secteur. L’accroissement des impératifs en matière de régulation du secteur depuis la crise financière de 2008 et la lourdeur de leur implémentation au sein des services ont provoqué une hausse des coûts à charge du secteur financier. Régulièrement, les patrons de banques mettent en avant cet élément comme l’une des explications de la moindre rentabilité des établissements financiers.
4. La révolution digitale. La digitalisation des services et des opérations engendre des dépenses importantes dans les banques. "Il s’agit certainement ici du facteur le plus important qui pèse sur les coûts. C’est un phénomène relativement récent mais qui va continuer à s’accélérer et qui engendrera encore des coûts supplémentaires dans ce secteur en mutation", ajoute Bernard Keppenne. Il est vrai que, poussées dans le dos par ces nouveaux acteurs que sont les FinTechs, les banques se doivent de réagir en adaptant leur offre digitale et sa qualité.
5. Un canal devenu en partie obsolète. Certains facteurs sont plus spécifiques à la structure même de la banque ING en Belgique. Plombée par un réseau d’agences qui est un héritage du passé, la banque doit restructurer ce canal de distribution qui devient obsolète. En effet, dans les années 70 on a assisté à une course entre les grandes banques dans laquelle on comptait leur puissance à leur nombre d’agences. Nombreuses sont les places de villes et villages qui comptent plusieurs enseignes de banques et ce, dans un monde où les clients ne se rendent quasiment plus dans leur agence. C’est toute une mentalité et un modèle d’affaires qui pèsent sur la rentabilité des grandes banques et qui doivent être revus.
6. Une banque et une vache à… lait. Autre facteur plus spécifique à la banque ING : son actionnaire. On constate que les banques belges qui ont été reprises par des actionnaires étrangers sont souvent considérées comme des vaches à lait. Ce week-end, "L’Echo" rapportait que pas moins de 7,2 milliards d’euros de dividendes sont remontés d’ING Belgique vers sa maison-mère néerlandaise ces dix dernières années. Et lorsqu’il faut restructurer, ce sont souvent les filiales étrangères qui sont mises sous pression. Dans une banque détenue majoritairement par l’Etat belge, à l’image de Belfius par exemple, un tel scénario serait plus difficile à soutenir. Comme il le serait probablement dans une banque comme BNP Paribas Fortis car l’Etat belge est toujours le premier actionnaire (NdlR : à hauteur d’environ 10 %) de la maison-mère française, héritage du passage, il y a quelques années, dans le giron du géant hexagonal de l’ex-Fortis. Une situation qui permet à l’Etat d’avoir des relais au sein des conseils d’administration des banques et de défendre les intérêts nationaux. La première banque du pays a d’ailleurs écarté un scénario à la ING : elle négociera, en effet, avec les syndicats un renouvellement de la convention collective de travail (CCT) garantissant l’emploi jusqu’à la fin 2018. Tout en exigeant davantage de flexibilité à son personnel.
Le début d’une nouvelle ère dans le secteur financier
L’annonce par ING Belgique de son plan de restructuration s’ajoute à la liste des rationalisations déjà annoncées dans le secteur financier belge depuis la rentrée de septembre.
Pour rappel, AXA Belgique a dévoilé, il y a quelques semaines, son intention de supprimer 650 emplois endéans les deux ans, tournant le dos à certains produits d’assurance-vie jugés insuffisamment rentables dans un contexte de taux bas. Une cure d’amaigrissement qui avait surpris par son ampleur et pris de court les organisations syndicales. Quelques jours plus tard, c’est un autre assureur, plus modeste en taille, P&V qui annonçait la suppression de 300 postes à temps plein d’ici 2020, ajoutant vouloir éviter les licenciements secs.
Deux coups durs avant sans doute le coup de massue de ce lundi matin. Bref, le climat social est lourd dans un secteur que d’aucuns comparent déjà "à la sidérurgie du XXIe siècle".
Manque d’anticipation
Avec les restructurations annoncées ces dernières semaines, le secteur financier belge semble donc être entré dans une nouvelle ère : celle où des chocs sociaux plus brutaux par leur ampleur prendront la place d’ajustements successifs de l’emploi, certes réguliers et continus dans le temps mais dont l’onde de choc au niveau social était absorbée jusqu’ici par les départs naturels et le recours au sacro-saint système des prépensions, amortisseur de crise. Certes, l’emploi n’a cessé de reculer chez nous dans le secteur financier - de 82 600 unités en 2000 à 65 400 en 2014 (NdlR : des chiffres qui n’intègrent pas le secteur de l’assurance), soit 17 200 emplois perdus en quatorze ans - mais sans passer par des restructurations "sauvages" avec des charrettes de licenciements secs.
Aujourd’hui, l’accélération de la mutation numérique des services financiers - le smartphone sera demain la première des agences bancaires - et la nécessaire adaptation des réseaux de distribution couplée à un carcan plus rigide au niveau des prépensions, pardon du régime de chômage avec complément d’entreprise (RCC) limitent grandement la marge de manoeuvre des grands groupes. D’autant que certains d’entre eux n’ont pas vraiment anticipé les mutations en cours. C’est le cas d’ING. Dont le personnel va aujourd’hui malheureusement payer le prix fort…
Les indépendants pour sauver la banque ?
ING paye aujourd’hui une lourde structure de coûts héritée du passé. Avec plus de 700 agences réparties dans le pays, le système doit être revu. Il sera sans doute réadapté par des fermetures de points de vente et par le passage de certaines agences sous le statut d’indépendant. L’avantage de la formule ? Les agents indépendants et leurs employés ne sont pas sur le "pay roll" de la banque. Les collaborateurs qui sont engagés sous ces statuts le sont en général à des tarifs correspondant à une décote de 10 à 15 % par rapport aux employés du siège. Par ailleurs, ils ne bénéficient pas de certains avantages sociaux comme l’assurance de groupe, par exemple.