"Le soleil ne se couche jamais sur Airbus"

Alors qu’est livré son 10 000e avion, Airbus est une extraordinaire réussite, qui ne s’est pas faite sans mal. Analyse.

Dominique Simonet
the 10,000th plane by Airbus Group is pictured on October 14, 2016 the day of its delivery in Colomiers. / AFP PHOTO / ERIC CABANIS
the 10,000th plane by Airbus Group is pictured on October 14, 2016 the day of its delivery in Colomiers. / AFP PHOTO / ERIC CABANIS ©AFP

Il ne faisait pas très beau, sur Toulouse, vendredi matin, mais tout le monde avait chaud au cœur lorsque le 10 000e aéronef signé Airbus a été livré à son client. En toutes lettres, cela veut dire que depuis sa création, au début des années 1970, Airbus a livré dix mille avions. Le moment est symbolique : il y a 44 ans, en octobre 1972, l’A300B2, le premier avion de ligne du consortium européen, effectuait son vol inaugural.

Le fait que le dix-millième avion livré soit un A350 avec Singapore Airlines comme compagnie cliente est aussi un symbole. Ce long-courrier est l’avion le plus moderne de la gamme d’Airbus, qui totalise à ce jour 810 commandes fermes de la part de 42 clients. Et la compagnie de Singapour en est le plus important acheteur, avec 67 appareils du type commandés, après avoir été le client de lancement de l’A380.

Comme dit Jacques Rocca, porte-parole de l’avionneur, "il y a 40 ans, personne n’aurait misé un kopek sur Airbus." Quatre décennies plus tard, l’avionneur européen fait jeu égal, voire surclasse son rival américain Boeing. Mais le marché n’a pas toujours été partagé en deux. Au début des années 1970, le marché occidental était réparti entre Boeing, McDonnell Douglas et Lockheed. En 1970, deux ans avant l’A300 d’Airbus, McDonnell faisait prendre l’air à son DC-10 et Lockheed au L-1011 TriStar. Deux triréacteurs et deux entreprises aujourd’hui sorties des écrans radars de l’aviation commerciale, la première ayant été absorbée par Boeing, l’autre ayant cessé ses activités civiles.

Face à cela, la force d’Airbus tient à sa particularité : la mise en commun de l’industrie de plusieurs pays européens, à commencer par la France et l’Allemagne. Mais la Belgique, avec Sonaca, n’est pas en reste puisque l’entreprise carolo est partenaire du projet depuis l’A310.

Internationalisation

"Airbus est le seul à avoir des chaînes d’assemblage en Chine, en Europe et aux Etats-Unis", renchérit Jacques Rocca qui, paraphrasant un empereur européen, ajoute : "Le soleil ne se couche jamais sur Airbus." Pourtant, cette diversité a parfois joué de fameux tours à Airbus, notamment lors de l’industrialisation de l’A380 en 2005. "A ce moment, on a pris conscience que, si l’intégration avait été décidée, elle n’était pas mise en ouvre. Il a fallu casser les barrières, internationaliser le management, les outils… Ce qui s’est passé il y a dix ans est inconcevable aujourd’hui."

Il n’empêche, les difficultés de l’avion de transport militaire A400M, centrées sur les problèmes de mise au point de son turbopropulseur TP400, sont encore dues à des tiraillements intra-européens.

Décisions clairvoyantes

Si Airbus cartonne aujourd’hui alors que plusieurs de ses concurrents ont jeté l’éponge, c’est grâce à certaines décisions stratégiques. Pour confirmer le début de succès des A300 et A310 à large cabine, le lancement de la famille A320, monocouloir moyen-courrier, a été le meilleur choix. Aujourd’hui encore, l’A320 sert à faire du volume, d’autant que l’idée de la remotorisation, initiative de l’avionneur, porte elle aussi ses fruits.

La question de l’A380 est plus discutable. Lors du lancement de l’ambitieux programme, histoire de surclasser le Jumbo Jet B-747, Airbus défendait l’idée de transporter un maximum de passagers d’une plate-forme aéroportuaire à une autre, Boeing optant pour des solutions point à point avec un nombre de passagers plus réduit. D’où le lancement du B-787 Dreamliner. Les deux options se complètent évidemment, mais Airbus a peut-être eu raison trop tôt.

A Toulouse, on y croit toujours "dur comme fer", même si la stagnation des commandes va conduire à un ralentissement des cadences à un appareil par mois à partir de 2018, contre 2,5 actuellement. Quant à savoir si une version remotorisée, longtemps demandée par Emirates, la compagnie qui a basé sa croissance sur l’avion, est envisageable, elle demanderait un investissement de 2 milliards d’euros. "La remotorisation de l’A380 n’est pas une question de si, mais de quand", a dit hier Tom Enders, président du groupe.

Pour 10 ans de travail

Un groupe qui, malgré les problèmes du moteur Pratt&Whitney sur l’A320neo et de Zodiac sur l’A350, se porte bien, avec un carnet de commandes de 6 000 avions environ, pour 1000 milliards d’euros au prix catalogue et une dizaine d’années de production. Alors comment expliquer qu’il y ait de la restructuration dans l’air ? "Ce n’est en rien lié au ralentissement de l’A380", explique Jacques Rocca, "l’augmentation des cadences de l’A320 et de l’A350 compensera largement, dans les mêmes métiers de câblage, de chaudronnerie, etc." Mais Airbus et Airbus Group vont fusionner, créant des redondances de postes, donc des redéploiements. Les partenaires sociaux seront informés fin novembre.

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