Lunch with… Annick Vandersmissen, psychologue et femme de marketing
Elle enseigne la science des réseaux à ses clients. Lancée en 2008, son entreprise blue2purple a été dopée par la récession et la crise des subprimes.
Publié le 06-11-2016 à 13h54 - Mis à jour le 06-11-2016 à 13h59
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Elle enseigne la science des réseaux à ses clients. Lancée en 2008, son entreprise blue2purple a été dopée par la récession et la crise des subprimes.
Compliqué, le marketing digital ? Rebutante, la présence sur les réseaux ? Pas sûr. Il suffit pour cela d’écouter ceux qui en parlent bien. C’est dans cet esprit que nous avons convié une spécialiste du secteur à partager un repas dans le cadre de l’Ogenblik, à quelques pas de la Grand-Place. Annick Vandersmissen baigne en effet dans le numérique depuis une dizaine d’années, et a opté pour l’aventure du marketing digital en 2008, ce qui aurait pu être l’erreur de sa vie, au regard des conditions économiques désastreuses - récession amplifiée par une crise financière inédite, suivie d’une crise économique mondiale. Mais les "subprimes" qui ont déstabilisé le monde, ont eu sur le projet d’Annick Vandersmissen un effet… dopant. "Au vu de la crise, les annonceurs ont très rapidement réduit leurs budgets sur les supports traditionnels, en effet. Mais ils ont basculé d’un coup vers le digital, beaucoup moins cher. J’étais spécialisée dans le "search". Et d’un jour à l’autre, le téléphone n’a plus arrêté de sonner. Techniquement, dans ce secteur, tout est traçable et justifiable. On a été rentable très rapidement."
Au fil de l’évolution du marché, la société d’Annick, blue2purple, a modifié son approche pour devenir une agence de marketing digital qui se fait payer sur ses performances. Mais le secret, nous explique-t-elle, c’est la communication vers des clients qui demandent à voir clair dans l’offre numérique. La transparence, c’est la clé de la valorisation des prestations dans le monde des réseaux. Tout en savourant son risotto, Annick nous assure que son métier "est de rendre compréhensible au commun des mortels des concepts complexes." Pour elle, "c’est le principal défi de l’économie digitale."
Mais pour se faire comprendre, il faut un minimum de capacité d’écoute et de… psychologie. Et là, ça tombe bien, Annick a opté pour la "psycho" à l’Université. Mais cela n’explique pas tout. Comment une psychologue, qui a payé ses études en tenant un snack accolé au restaurant de son père, a-t-elle échoué dans le monde du marketing digital ? C’est précisément ce choix d’être très tôt indépendante qui l’a aidée à assumer les changements de caps dans sa vie, et qui lui permet de garder le contact avec les techniques pointues du monde des réseaux, elle qui prend désormais l’avion pour aller écouter la bonne parole des champions du Web au RISE Summit à Hong Kong.
Après le snack et les études, elle va tenter une première aventure financière qui va la conduire… droit dans le mur, en dépit de compétences évidentes dans la vente. Elle va ensuite capitaliser sur cette compétence spécifique et… sur un intérêt pour la technologie, pour rebondir dans le monde des télécoms, au début années ‘2000. C’est "le" marché tendances du moment, avec une croissance explosive du GSM, et un besoin de compétences introuvables en raison de la jeunesse du secteur. Et voilà Annick la commerciale qui se lance dans les télécoms. Et cette grande jeune femme blonde ne va pas tout miser sur… sa mise, dans un monde de mecs… "Je suis rapidement arrivée à m’occuper de grands comptes, en maîtrisant aussi le démontage instantané de GSM de toutes marques et les fonctionnalités des centraux téléphoniques, les types de lignes, etc."
Nourrie de technologie numérique, Annick va alors mesurer le potentiel d’Internet, et se lancer durant quatre ans dans une aventure alliant réseaux et immobilier. "On s’est bien battus, et surtout, j’ai découvert ce monde où tout le monde veut beaucoup… pour rien." D’où son projet blue2purple, très personnel, lancé au meilleur moment - un peu par hasard, sur une philosophie appréciée, celle de l’efficacité et de la transparence. Après huit ans d’existence, l’entreprise compte près de 30 employés dont une partie au siège malgache, dirigé par… un spécialiste malgache, approche psychologique oblige (pourquoi imposer un boss étranger ?). Devenue une spécialiste du "programmatique", elle garde sur le monde un regard particulier, technique, mâtiné de psychologie, ouvert aux philosophies avant-gardistes de quelques gourous (comme Idriss Aberkane) qui permettent de voir venir le changement sans appréhensions, comme un défi permanent. Un côté "geek aussi ? C’est indéniable. Et ceci explique aussi son appétit d’oiseau : "J’ai un comportement très sédentaire, il est vrai." On fera donc l’impasse sur le dessert.
Stratégie, tactique et analyse sont nos mots d’ordre
Le métier d’Annick Vandersmissen demande une vision analytique pointue.
"Notre job ? Vendre de l’intelligence rémunérée à la performance", nous expose Annick Vandersmissen, CEO de blue2purple, après une gorgée de Spa nature en guise d’apéritif. Intarissable sur le bouleversement sans précédent que subit le marché de la publicité, démystifiant avec brio sa complexité, Annick maîtrise son sujet comme peu d’intervenants du secteur. Selon elle, les acteurs de la publicité, comme de nombreux autres, doivent se réinventer et il leur appartient de repenser leur modèle. Ce que l’on observe sans doute de plus profond dans cette mutation, c’est la réforme des modes de transaction, des techniques de commercialisation allant vers plus d’automatisation, de productivité, de fluidité, de personnalisation et d’efficacité. Digitalisation des ventes, automatisation des échanges commerciaux, fixation des prix et des offres en temps réel, c’est exactement la révolution que connaît le marché de la publicité. Le programmatique, nouvel eldorado des publicitaires, en est l’emblème absolu. Ces nouvelles pratiques permettent d’optimiser les coûts de commercialisation, mais s’accompagnent de l’adoption de nouveaux métiers.
Pour maîtriser ces technologies et apprivoiser les logiques d’optimisation liées à la data, de nouveaux profils, de nouvelles compétences ont émergé. Ne parle-t-on pas de Data Scientist ou de Chief Data Officer ? C’est toute la chaîne de valeur entre l’acheteur et le vendeur qui se redessine pour redéfinir un environnement en pleine transformation. La formation et le recrutement de talents deviennent donc un enjeu crucial pour le secteur. Dans ce contexte, impossible pour Annick Vandersmissen de ne pas évoquer la problématique de la DMP (‘Data Management Platform’), levier d’efficacité et de gains économiques, outil d’amélioration de la connaissance client, riche en promesses, permettant la mise en commun de données, leur exploitation et leur analyse en vue d’aider les entreprises à mieux appréhender leur environnement mais représentant un sujet complexe, presque un fantasme tant l’outil est perçu comme incontournable pour unifier les données clients ou, encore, gérer les parcours client sans couture. Polymorphe au possible, cette solution revêt de nombreuses formes mais a une utilité principale : stocker des données et les activer, en temps réel, au sein des différents canaux, qu’il s’agisse d’achat display, de search ou de CRM. En bref, réconcilier marketing et média.
Plus difficile en revanche d’avoir une vision claire de ce marché qui concentre toutes les complexités du digital : marketing, technologie, organisation… Le cheval de bataille d’Annick ? Les marques doivent réussir à combiner leurs données ‘first party’, celles qui leur "appartiennent" - à l’instar des bases de clients ou des data transactionnelles - aux données digitales. Il s’agit du CRM onboarding, sorte de réconciliation grâce à laquelle l’entreprise a la possibilité de rattacher la fiche CRM au visiteur du site Web, afin de le désanonymiser et, le cas échéant, de le réactiver par du retargeting publicitaire.