PDG de Matexi : "On va trop loin dans la subsidiation de la rénovation"
La société Matexi est aujourd’hui le plus gros "développeur" de logements du pays. Sa croissance est continue depuis quelques années. Son patron, Gaëtan Hannecart, demande au monde politique un taux uniforme de TVA pour le neuf et la rénovation. "Si on veut s’attaquer à la problématique de la consommation d’énergie dans ce pays, il faudrait être courageux et stimuler la démolition-reconstruction", explique le patron de Matexi.
Publié le 05-02-2017 à 11h01 - Mis à jour le 05-02-2017 à 11h04
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/5XPXNEOAKREAHKYBPZRKFX7MCU.jpg)
La société Matexi est aujourd’hui le plus gros "développeur" de logements du pays. Sa croissance est continue depuis quelques années. Son patron, Gaëtan Hannecart, demande au monde politique un taux uniforme de TVA pour le neuf et la rénovation. "Si on veut s’attaquer à la problématique de la consommation d’énergie dans ce pays, il faudrait être courageux et stimuler la démolition-reconstruction", explique le patron de Matexi.
Matexi est le plus grand développeur de logements en Belgique. L’an dernier, le groupe en a vendu plus de 1 500. Quand on évoque cette taille, Gaëtan Hannecart, 52 ans ("bientôt 53", souffle-t-il), qui dirige Matexi depuis 1994, minimise cette pole position. "Je mesure 1,83 m. Quand on me dit que je suis le plus grand, je rétorque qu’il doit y en avoir d’autres plus grands… Oui, on a vendu 1 500 logements. Mais je ne connais pas précisément la production des autres développeurs."
Il n’empêche, Matexi, bien connu en Flandre (50 % des ventes), se fait également un nom en Wallonie, à Bruxelles, au grand-duché de Luxembourg (environ 35 %) et à Varsovie (15 %). "Matexi est essentiellement un développeur immobilier, mais surtout un développeur de quartiers. Même si on est également une entreprise de construction de maisons en ossature-bois (via Sibomat qui produit 200 unités par an) et un investisseur dans des entreprises de taille moyenne en dehors de l’immobilier. Nous ne sommes pas une entreprise de construction, mais un entrepreneur au sens large. Et, surtout, on est une entreprise multi-locale."
Mais qui sait que Matexi (Maatschappij Tot Exploitatie van Immobiliën) a été fondé en 1945, à Meulebeke en Flandre occidentale, par trois frères, Vande Vyvere, d’une famille d’agriculteurs ? Et que leur "core business" de l’époque, c’était la vente de terrains agricoles ?
Troisième génération
Gaëtan Hannecart y est entré après deux expériences dans des groupes de grande taille, Kone et IBM, non en Belgique, mais à Londres et à Stuttgart. Si on y ajoute qu’il est "issu d’un père wallon et d’une mère bruxelloise" , a vécu en Flandre, est sorti ingénieur civil de la KUL, a fait un MBA à Harvard , on imagine son attirance pour le développement économique et l’entrepreneuriat. Et combien grandes sont ses ambitions pour cette société familiale.
L’homme est de la troisième génération, du moins si l’on compte que les trois frères étaient de la première. Difficile d’imaginer comment les choses devaient fonctionner avec autant de cousins… L’an dernier, le groupe a réorganisé l’actionnariat, repris par Bruno Vande Vyvere, Bénédicte Vande Vyvere et Gaëtan Hannecart. Autrement dit, "chez Matexi, on est associé actif ou on ne l’est pas".
"Il n’est pas normal que le logement soit autant taxé"
Comment se porte le groupe Matexi aujourd’hui ?
Nous affichons une croissance d’année en année. Notre chiffre d’affaires était de l’ordre de 30 millions dans les années 90, puis de 100 millions dans les années 2000. Dans les années 2008 à 2010, nous avons passé le cap des 200 millions. Et l’an dernier, nous avons vendu pour 360 millions de logements. Mais nous nous inscrivons dans un capitalisme responsable. La rentabilité n’est pas un objectif en soi mais la conséquence de notre volonté de bien faire les choses. L’objectif c’est l’enthousiasme des clients pour ce que nous leur apportons. En les surprenant par notre offre, nos logements, nos quartiers. Et le facteur par excellence de cette réussite, ce sont nos collaborateurs.
Et au niveau de l’emploi ?
Nous ne sommes pas une entreprise de construction, mais un développeur. Nous comptons 360 collaborateurs - hautement qualifiés - et très peu d’ouvriers. Aujourd’hui, nous avons 600 projets en développement dont 180 en cours de construction et de commercialisation. Nous procurons indirectement de l’emploi à 3 000 personnes. Matexi est un employeur très attractif car nous cherchons à combiner le côté chaleureux d’une entreprise familiale avec des équipes très professionnelles. Pour nous ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre. Nous embauchons plusieurs dizaines de personnes par an.
En dehors de la Belgique, Matexi est également présent à Varsovie. Pourquoi ?
Le but de Matexi n’est pas de faire de coups occasionnels à l’étranger mais de choisir des marchés locaux et d’y être présent pour le long terme. Nous avons identifié à l’étranger les marchés présentant une bonne potentialité à long terme, avec une démographie intéressante, des besoins de logements et du pouvoir d’achat. Varsovie répondait à ces conditions. Nous y avons installé une équipe de collaborateurs motivés il y a 5 ans. Nous avons fêté en octobre dernier la vente de notre millième appartement et nous y développons une quinzaine de projets.
Y a-t-il d’autres projets d’expansion à l’international ?
Aujourd’hui, il n’y a rien de décidé, même s’il y a d’autres marchés auxquels on réfléchit.
Quel est votre point de vue sur les enjeux environnementaux de votre secteur ?
Il faut faire attention aux modes ponctuelles. On a vu certains excès, notamment en matière de construction passive. Il faut veiller à ce que les avantages pour les clients correspondent aux suppléments de coûts et inconvénients. Chez Matexi nous nous refusons de faire de nos clients des cobayes. En tant qu’entreprise, Matexi a incorporé dans sa philosophie le principe - et dans cet ordre-là - "Planet", "People" et "Profit". La défense de la planète est pour nous primordiale. Car si l’humanité prend de mauvaises décisions, la planète continuera mais… sans nous. Ensuite il faut veiller aux aspects de la cohésion sociale. Et enfin une entreprise doit être profitable pour continuer son activité. Mais nous devons rester dans des démarches rationnelles. On va beaucoup trop loin dans la subsidiation de la rénovation dans ce pays où on a mis en place des mécanismes pervers avec une TVA limitée à 6 % alors qu’elle est de 21 % pour les constructions basse-énergie neuves. Si on veut s’attaquer à la problématique de la consommation d’énergie, il faudrait être courageux et beaucoup plus stimuler la démolition-reconstruction. Et c’est un adepte du patrimoine qui le dit. Je plaide dès lors pour un taux de TVA uniforme et unique de l’ordre de 12 %. Mais c’est aux politiques de décider. D’une manière générale, il n’est pas normal que le logement soit autant taxé dans notre pays.
Avez-vous déjà reçu une offre de rachat de Matexi ?
Dans un métier de longue durée comme le nôtre, une entreprise comme Matexi a besoin d’un ancrage fort qui s’inscrit dans la durée. C’est cette stabilité de l’actionnariat familial qui permet de déployer cette stratégie sur le long terme et de pérenniser nos valeurs.
Avez-vous déjà songé à une cotation en Bourse ?
Chaque entreprise bien gérée doit se poser régulièrement la question de la structure de son financement. Il ne faut jamais dire jamais. Mais il n’y a rien à l’ordre du jour.
"La notion de quartier a été trop délaissée"
Vous avez une approche par "quartier". Qu’entendez-vous par là ?
On a tous besoin de trois types d’espace : un espace privatif intérieur, un espace privatif extérieur (jardin ou terrasse) et un espace public de qualité, qui peut être un lieu de rencontre convivial, abriter des services de proximité et de soin, des transports en commun… Un quartier, ce sont ces trois espaces. Et c’est malheureusement une notion qui a été délaissée dans beaucoup de réflexions urbanistiques et architecturales. Personnellement, je crois dans le modèle d’une ville composée de quartiers différents, ayant chacun leur identité, leur profil d’habitants qui se sentent bien ensemble…
Les quartiers de Matexi n’ont toutefois rien de comparable avec ceux d’une ville…
On a des projets d’une dizaine de logements jusqu’à un millier, comme à Nivelles et à Vilvorde. La taille est peut-être différente, mais la philosophie est similaire. L’idée n’est pas nécessairement de développer des quartiers de toutes pièces, mais de contribuer à un quartier existant en l’améliorant. On a mis au point un outil qui permet d’analyser un quartier, son identité, et d’identifier ce qui fonctionne et ce qui manque dans le quartier. Nos développements partent de cette analyse. Je prends un exemple : dans un projet, nous avons décidé de ne pas mettre d’appartements au rez-de-chaussée d’un des immeubles mais une maison médicale car nous avions analysé que le quartier environnant manquait de médecin. Nos développements, c’est du win win win : win pour le quartier, win pour ceux qui achètent nos logements et win pour nous.
La concurrence est très forte sur le marché du résidentiel. N’est-ce pas plus compliqué de trouver des projets et des terrains ?
Cela fait partie du métier. La plupart de nos acquisitions se font sur des sites existants à redévelopper ou en milieu urbain via remembrement. Les terrains loin de tout, ce n’est pas pour nous.
Matexi a été fondée en 1945 dans la vente de terres agricoles. En a-t-elle gardé en portefeuille ? Et cette réserve sert-elle la société aujourd’hui ?
Les terres agricoles ne font plus partie du contexte du Matexi d’aujourd’hui. Si des membres de la famille en possèdent - à titre personnel, j’insiste -, c’est dans un esprit de placement patrimonial. L’image d’une famille possédant des terres de culture à transformer en terrains à bâtir est complètement dépassée. On est certes dans un métier lent avec rarement des projets de moins de 5 ans et parfois des projets sur 30 ans, mais en moyenne tous les 7 à 10 ans, on a renouvelé notre stock de projets; ce qui veut dire que nous sommes en permanence à la recherche de nouveaux sites et chancres urbains à reconvertir.