La deuxième vie des Avro de Brussels Airlines
- Publié le 28-10-2017 à 07h35
- Mis à jour le 28-10-2017 à 07h37
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Quittant la flotte belge, certains avions finissent mal, d’autres entament une nouvelle vie de pompiers volants… Ce samedi 28 octobre, l’avion Avro RJ 100 effectue son dernier vol sous les couleurs de Brussels Airlines, un aller-retour Bruxelles-Genève. Entré en service il y a 28 ans à la Sabena, l’appareil prend donc sa retraite. Rien qu’avec Brussels Airlines, il a transporté 31,5 millions de passagers en effectuant 605 000 vols.
A son lancement, Brussels Airlines a hérité de 32 appareils du type : 6 British Aerospace BAe 146, prédécesseur de l’Avro, 14 Avro RJ 85 et 12 RJ 100. Les six premiers ont été mis à la retraite entre 2008 et 2012, les suivants ont été radiés entre 2011 et 2014, et voilà maintenant les RJ 100 qui sont radiés.
Que deviennent les aéronefs une fois leur carrière opérationnelle terminée ? Certains, arrivés en bout de course, sont tout bonnement ferraillés, et les matériaux comme l’acier, l’aluminium, le titane, récupérés. Traditionnellement, les avions sont loués par Brussels Airlines, leasing financier ou opérationnel, et n’appartiennent donc pas à la compagnie. Dans le cas de l’Avro, le loueur a décidé de cannibaliser certains retraités pour fournir des pièces aux appareils qui continuent de voler. Comme il y eut relativement peu d’appareils construits - 387 au total -, les rechanges sont très recherchés.
Enfin, Brussels Airlines a offert un de ses BAe 146 arrivés en fin de potentiel aux pompiers de Zaventem, pour leur entraînement. On peut le voir, près de la chaussée d’Haecht, non loin de l’aéroport militaire de Melsbroek, sans ailes ni moteurs. De temps à autre, la cabine est enfumée pour simuler un incendie.
Transport VIP
A côté des Avro définitivement cloués au sol et démantelés, d’autres retrouvent une nouvelle vie parfois surprenante. L’un d’entre eux, ex-OO-DWJ, a été transformé pour le transport de personnalités par la compagnie anglaise Jota. Immatriculé actuellement G-JOTS, il est spécialisé dans les déplacements d’équipes de football, quand Edimbourg va jouer à Manchester par exemple. Avec ses 95 sièges, il n’est sans doute pas aussi bien équipé que l’Avro de la reine d’Angleterre affrété par la Royal Air Force…
"Avec ses quatre réacteurs et son aile haute, l’avion a beaucoup de compétences, explique Geert Sciot, porte-parole de Brussels Airlines passé maître ès-Avro : virer très vite et court, voler à basse vitesse, descendre très vite, il est donc idéal pour les services de pompier." Un appareil de Brussels Airlines a été transformé en bombardier d’eau par Aeroflite, un autre par Neptune Aviation. Tous deux participent à la lutte contre les incendies en Californie. D’après Geert Sciot, "c’est spectaculaire de les voir plonger dans une vallée pour larguer l’eau".
Un air d’exotisme
D’autres Avro ayant œuvré en Belgique se retrouvent sur des bases particulièrement exotiques, comme Ushuaïa ou la Patagonie, la Bolivie, l’Alaska, l’Iran, le Kirghizistan, le Ghana ou en service sur les îles grecques avec Elinair. Leur aile haute fait que les moteurs, positionnés relativement haut eux aussi, sont insensibles aux pistes sommairement aménagées : cailloux et petites pierres ne peuvent les endommager. L’Avro RJ est même capable d’évoluer sur des pistes de sable.
Ces qualités rares, recherchées, alliées à sa robustesse et à sa discrétion sonore, font que ce type d’avion, qui a effectué son premier vol le 3 septembre 1981, a encore une belle carrière devant lui malgré ses 36 ans. Et un Avro ne quitte jamais vraiment complètement la Belgique : "Quand nos équipages passent par Accra, au Ghana, ils voient régulièrement l’ancien OO-DWF. Il a gardé sa cabine, ses sièges et même ses rideaux de Brussels Airlines".
Une flotte 100 % Airbus
A partir de ce dimanche, la flotte de Brussels Airlines sera entièrement Airbus. Le dernier de ses Avro Regional Jet RJ 100 posera son train d’atterrissage sur le tarmac de Zaventem à 19 h 20 samedi soir, en provenance de Genève, vol SN 2 720. Samedi prochain le service sera opéré par un Airbus A319 offrant une quarantaine de sièges supplémentaires.
C’est là l’un des enjeux de cette évolution : augmenter la capacité sur certaines lignes tandis que, sur d’autres, comme Bromma/Stockholm, ou Bâle, les vols seront sous-traités par des compagnies comme CityJet et leurs Sukhoi SSJ100 SuperJet de fabrication russe.
Importance historique
Pour la Belgique, l’Avro et son prédécesseur BAe146 sont des avions historiques à maints égards. Le 146 est entré en service chez Delta Air Transport (DAT), filiale anversoise et régionale de la Sabena, en décembre 1989. Son silence et ses capacités d’œuvrer à partir d’aéroports enclavés rendaient l’avion intéressant pour des destinations urbaines comme Berlin-Tempelhof ou London City. Par la suite, quand Sabena dut agrandir sa flotte en septembre 1995, elle passa commande de 23 Avro RJ 85, version modernisée du BAe 146. Ce faisant, la compagnie belge, alors dirigée par Pierre Godfroid, s’alignait sur Swissair, qui détenait 49,5 % de Sabena à l’époque, et qui opérait le même type d’appareil.
On a vu ce que ça a donné… A la faillite de la compagnie nationale belge, SN Brussels Airlines récupéra les BAe et Avro de la DAT. La compagnie renaissante a commencé avec ce seul type d’appareil, qu’elle utilisait sur toutes ses destinations, jusqu’à des vols de trois heures. Avec le temps, l’Avro n’a plus été affecté que sur des distances adaptées à son gabarit, pour des vols d’une heure environ.
L’Avro RJ 100, dernier en service, se retire donc. D’abord pour une raison d’harmonisation de la flotte : des équipages, mécaniciens et pièces qualifiés pour un seul type d’avion coûtent cher et engendrent des limitations opérationnelles. Même si le coût du carburant compte peu actuellement, un Airbus de la famille A320, plus moderne, plus grand et bi au lieu de quadriréacteur, sera toujours plus efficient. "Vu le dynamisme des marchés, Brussels Airlines est actuellement dans une stratégie de volumes", commente le porte-parole Geert Sciot. L’Avro était devenu trop petit.
Au lendemain de la faillite de la compagnie nationale belge, le premier vol de SN Brussels Airlines fut réalisé par un Avro, un samedi, à destination de Genève. Le dernier Avro termine sur le vol retour.