Comment les frères Beyaz ont ruiné les meilleures brasseries de la capitale
Publié le 21-02-2018 à 06h41 - Mis à jour le 04-05-2018 à 09h57
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Onze célèbres brasseries bruxelloises détenues par les frères Beyaz ont été déclarées en faillite hier. Les Brasseries Georges, la Maison du Cygne et sa voisine du dessous la Brasserie de l’Ommegang, le Manhattan, le Paon royal, le Café de l’Opéra, le North Express, la Pergola, la Brasserie de Bruxelles, la Chaloupe d’Or et le Frederiksborg. Voici les onze brasseries bruxelloises mises en faillite hier par le tribunal de commerce de Bruxelles. D’après "L’Echo", qui révèle l’information, les dettes envers l’ONSS se montent à environ 3,5 millions d’euros. Même les assurances incendie des établissements concernés n’étaient plus payées depuis des mois. Quant aux quelque 160 employés, ils n’ont pas encore touché leur salaire en 2018.
Ce désastre est à l’image de la gestion calamiteuse des deux frères à la tête de ces célèbres établissements de bouche bruxellois : Spyragelos et Sabahattin Beyaz. Les frères Beyaz ont toujours tenu à rester le plus discret possible. Lors du rachat des Brasseries Georges en 2012, ils refusaient toute interview, fuyaient dès qu’ils apercevaient un appareil photo… Officiellement, les frères Beyaz avaient peur que leur nom d’origine turque nuise à l’image de la célèbre et select brasserie uccloise.
Via un holding au Luxembourg
On sait néanmoins qu’ils ont démarré leur carrière Horeca dans le Hainaut. L’un occupait le poste de régional manager chez Auto Grill à Fleurus. Tous deux ont ensuite géré les restaurants Drug Opéra de Charleroi et de La Louvière avant de les revendre. Plus tard, ils ont acheté le Brazzaville à Wolvertem, leur première acquisition en périphérie bruxelloise. Les affaires allant bon train, la brasserie Alken Maes leur propose de reprendre la Chaloupe d’Or, sur la Grand-Place.
De fil en aiguille, les frères Beyaz ont alors commencé à investir de plus en plus dans l’Horeca bruxellois, même après les attentats de Bruxelles puisque les reprises de la Brasserie de Bruxelles et de l’Opéra sont postérieures aux événements terroristes, black-out, etc. La discrétion, les frères Beyaz la cultivent également en affaires. C’est via leur holding luxembourgeoise, Sogelux Invest SA, que les restaurants étaient gérés. D’après "L’Echo", ils y auraient d’ailleurs transféré plus de deux millions d’euros. Sous cette structure faîtière figurent une petite dizaine de sociétés (SA ou SPRL) rassemblées à Anderlecht. Dans le petit milieu de l’Horeca bruxellois, on qualifie volontiers les frères Beyaz de "tyrans vis-à-vis de leur personnel" et d’aucuns dénoncent des méthodes douteuses.
Sur le carreau
Le secrétaire régional de la FGTB, Christian Bouchat, estime qu’à cause de "la structure pyramidale mise en place par les frères Beyaz, toutes les dettes salariales et toutes les dettes vis-à-vis de la sécurité sociale seront à charge de la collectivité, comme à chaque fois. Ce dossier met en évidence le fait que les procédures de réorganisation judiciaire ne peuvent pas fonctionner dans des brasseries-restaurants. Elles augmentent la concurrence déloyale de ces établissements vis-à-vis des autres, vis-à-vis des rares qui respectent la loi, qui ont installé la fameuse caisse et qui l’ont branchée les midis, les soirs et les week-ends". Hier, on apprenait que le Paon royal avait déjà baissé le rideau. D’autres devraient suivre, le temps que d’éventuels repreneurs s’entendent avec les curateurs. Certains établissements tels que la Maison du Cygne ou l’Ommegang - voire les Brasseries Georges - séduisent clairement l’un ou l’autre spécialiste de l’Horeca. D’autres risquent de rester sur le carreau.
Le Paon royal déjà fermé, d’autres suivront…
Personnel. L’avenir professionnel des quelque 160 employés des onze brasseries bruxelloises en faillite dépend désormais de la décision des curateurs, nommés hier après-midi. Au grand regret du secrétaire régional FGTB Christian Bouchat, un curateur a été désigné pour chaque entreprise. "Cela va coûter plus cher car il existe de nombreux transferts d’argent entre les entreprises."
Selon le responsable syndical, il est possible que tous les restaurants ferment. "Dans ce cas-là, tout le monde sera licencié. Je dis qu’il y a moyen de se donner un peu le temps." Du temps pour permettre, notamment, aux candidats repreneurs de se manifester. Et ils semblent nombreux : citons, pour l’exemple : le groupe Restauration Nouvelle (famille Michiels) ou le groupe Ambiance Bruxelles géré par Thierry Van Damme.
Didier Gosuin : "La lutte contre la fraude fiscale n’est pas la priorité du gouvernement Michel"
Réaction. Interpellé par la FGTB sur le dossier des frères Beyaz, le ministre bruxellois en charge de l’Economie et de l’Emploi, Didier Gosuin (Défi), estime que c’est au Fédéral de régler le problème. "C’est un dossier qui relève des compétences du Fédéral. Il s’agit de dettes non payées à l’ONSS. La Région bruxelloise ne peut rien faire", explique Didier Gosuin, qui pointe les errances du gouvernement Michel en matière de lutte contre la fraude fiscale.
"Ils sont très forts pour lutter contre la fraude sociale. Par contre la fraude fiscale n’est pas du tout leur priorité", poursuit le ministre bruxellois qui a, par ailleurs, peu de crainte pour l’avenir des établissements. "Je n’ai pas d’inquiétude pour la reprise de ces établissements. De nombreux repreneurs se sont déjà signalés."