Les 23 magasins Blokker de Wallonie sont-ils tous condamnés ?
Publié le 22-10-2018 à 17h36 - Mis à jour le 23-10-2018 à 11h13
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De fortes inquiétudes pèsent sur la survie de l’enseigne Blokker. Et même plus particulièrement sur les magasins wallons où la stratégie de rénovation n’est pas activée. Le groupe affiche un mauvais bilan financier.
Blokker Belgique va-t-il survivre au 26 janvier 2019 ? C’est la question que se posaient ses administrateurs en juin dernier dans leur rapport annuel. Pourquoi ?
Eh bien, écrivent-ils, parce que “sur le plan opérationnel, Blokker Belgique est fortement tributaire de Blokker Nederland (la maison-mère se trouve aux Pays-Bas, NdlR) car presque toutes les marchandises sont livrées par et/ou via Blokker Nederland (et avec un surcoût de 13 %, NdlR). À cette fin, peu après la fin de l’exercice 2017-2018, un accord de distribution et une facilité de crédit (par laquelle le fonds de roulement nécessaire, y compris les investissements éventuels, et le résultat d’exploitation budgété sont financés par la maison-mère) ont été conclus avec Blokker Nederland, fixant les conditions dans lesquelles ces livraisons ont lieu et le financement est assuré”.
“Incertitude importante”
Ces deux accords sont garantis jusqu’en juillet 2020 mais ils peuvent être résiliés “pour cause d’échec dans l’atteinte d’une certaine performance financière par rapport au budget”. Toutefois pas avant le 26 janvier 2019. Au-delà de cette date, les administrateurs le soulignent noir sur blanc, “malgré les plans d’amélioration mis en œuvre et l’engagement à rénover 30 succursales, il subsiste une incertitude importante quant au financement de Blokker NV (Blokker Belgique, NdlR)”.
Leur inquiétude est désormais partagée par d’autres proches de l’entreprise, du côté wallon plus précisément.
Le 7 février 2017, l’enseigne, spécialisée dans la vente d’articles ménagers et de décoration, a annoncé son intention de fermer 69 de ses 190 magasins en Belgique et de licencier 302 employés. Une cible qui a finalement été réduite à 63 magasins et à un peu plus de 230 licenciements.
Après la restructuration, Blokker a décidé de mettre en œuvre un plan stratégique afin de redresser la barre. Il comprend une modernisation des magasins et un élargissement conséquent de la gamme de produits qui passera de 2 500 à 5 500, avec un assortiment belge spécial.
Dès novembre 2017, cette stratégie a été testée en phase pilote “avec succès” dans sept magasins de la région gantoise. Une vingtaine d’autres devraient suivre avant la fin de cette année. Curieusement, aucun magasin wallon n’a encore été retenu pour cette implémentation.
“On nous dit que cela devra attendre que le bilan de la phase test soit réalisé ou bien que les frais de traduction, du néerlandais au français, du nouveau matériel d’affichage coûteraient trop cher”, nous explique un témoin direct. De là à imaginer que les magasins flamands, déjà largement plus nombreux que les bruxellois et les wallons, sont favorisés par le groupe néerlandais, il n’y a qu’un pas…
Chiffre d’affaires de magasins wallons en chute libre
Pourtant, il serait grand temps de passer à cette modernisation car les affaires ne vont pas bien du côté wallon. “On voit des chiffres d’affaires quotidiens de magasins tomber de 2500-3000 euros à 500. Tous les Blokker de Wallonie sont déficitaires”, nous affirme-t-on. “Les changements annoncés par ceux qui ont géré la restructuration (une partie de la direction de l’époque a été remplacée depuis, NdlR) ne sont pas là. L’inquiétude est réelle”, déclare un autre témoin.
Et une rumeur bruisse au sein de Blokker Belgique : le groupe pourrait préparer une seconde restructuration avec des fermetures de magasins à la clé.
Nous avons évidemment contacté le service presse de Blokker pour demander des explications à l’entreprise. Cinq jours après l’envoi de nos questions, elles étaient toujours sans réponses.
124 magasins exploités en Belgique
L’an dernier, Blokker gérait encore 190 magasins en Belgique. Son plan de restructuration prévoyait d’en fermer 69. Les négociations sociales pendant la procédure Renault et un effort consenti sur les loyers ont permis d’en sauver six : cinq en Flandre (Renaix, Waregem, Poperinge, Diest, Evergem et un en Wallonie (Herstal).
Aujourd’hui, il en reste donc 124, avec une forte disparité entre le nord et le sud du pays. Blokker exploite 96 magasins en Flandre, 23 en Wallonie et 5 à Bruxelles.
Le chiffre d’affaires est en chute libre
Comme tant d’autres enseignes, Blokker subit la concurrence féroce de l’e-commerce mais aussi celle d’autres enseignes déjà installées ou nouvelles. On pense aux magasins Action, Trafic ou Extra qui vendent des produits similaires mais bien moins chers; également aux hypermarchés, comme le soulignent les administrateurs belges dans leur rapport de juin. Le nombre de clients a diminué, signalent-ils encore.
Ce sont ces éléments qui ont conduit Blokker à restructurer l’an dernier. Une restructuration pour laquelle le groupe avait provisionné 20,6 millions d’euros afin d’y faire face et qui a pesé sur les comptes 2017-2018.
Entre l’exercice 2016-2017 et le suivant, le chiffre d’affaires de Blokker Belgique a plongé de près de 22 %.
Le montant total des achats a chuté de 13 %, passant de 70 millions d’euros en 2016-2017 à 60,8 millions et la marge brute est passée de 37 à 30 %, en grande partie à cause “des liquidations dans les magasins fermés”, indiquent les administrateurs belges. Le bénéfice d’exploitation 2017-2018 ne s’élève qu’à 340 534 euros.

Vente des autres chaînes, démissions des CEO et plus un seul membre de la famille Blokker en charge
Le holding familial Blokker a été fondé en 1973 par Jacques Blokker mais les magasins Blokker ont été créés en 1896. Le groupe possédait aussi plusieurs autres chaînes de magasins : Intertoys, Maxi Toys et Bart Smit (jouets), Leen Bakker (meubles), Markramer, Xenos et Big Bazar (articles ménagers et décoration).
Alors que les affaires n’étaient déjà plus très florissantes pour Blokker (50 magasins sur 599 fermés aux Pays-Bas entre 2015 et 2016, par exemple), le holding avait annoncé en mai 2017 qu’il comptait se séparer de toutes ses chaînes de magasins et se concentrer uniquement sur les Blokker. Une mesure qui a coûté son travail à quelque 1900 employés du groupe.
Très rapidement après cette annonce, Leen Bakker, la chaîne la plus rentable, avait été vendue à la société d’investissement Gilde Equity Management. En décembre 2017, Blokker finalisait la vente de Toys XL, Intertoys et Bart Smit à l’investisseur anglais Alteri.
En mai de cette année, la chaîne Casa (décoration et petit ameublement) rachetait 110 des magasins Xenos sur les 170 que possédait Blokker. “Les meilleurs magasins”, soulignait à l’époque l’expert en retail Jorg Snoeck. “Blokker Holding se retrouve donc avec les magasins les moins performants dont ils ne pourront jamais se débarrasser”, écrivait-il sur le site retail Detail.
Au niveau de la direction de Blokker, là aussi, il y a eu du mouvement. On avait appris en avril dernier les démissions du CEO du holding Casper Meijer et de celui du Belux (Belgique et Luxembourg) Bernd Bosch. Le premier a été remplacé par Ludo Bijvoet, le second par Rob Schuyt. Albert Blokker, le dernier membre de la famille qui occupait encore une fonction au sein du groupe a quitté le navire en mars 2017. La famille Blokker n’est désormais plus qu’actionnaire du groupe.
Ces éléments, combinés aux lourdes pertes financières du groupe, font penser à certains experts du commerce que Blokker pourrait fermer davantage de magasins pour tenter de survivre. Selon les scénarios les plus pessimistes, la chaîne ne survivrait pas.
Black Blokker, des outlets éphémères
Un nouveau concept va en tout cas être lancé cet automne, en Flandre d’abord et dans trois villes (Ostende, Louvain et Kuurne) : Black Blokker. Il s’agira d’ouvrir des magasins outlet éphémères où seront vendus à prix cassés (de -20 à -70 %) certains produits des anciennes gammes qui doivent disparaître des rayons lorsque les nouveaux produits seront introduits. Le concept de la dernière chance ?