Trenker : La petite "pharma" wallonne qui voit l’avenir en grand
- Publié le 17-02-2019 à 20h31
- Mis à jour le 17-02-2019 à 20h42
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Trenker, société pharmaceutique familiale, s’est donné les moyens de faire croître son activité. Nouveau siège, nouveaux collaborateurs, nouveaux produits. Avec une priorité : conquérir de nouveaux marchés hors d’Europe. On reproche souvent le manque d’ambition des entreprises wallonnes à l’international, comme si elles craignaient de se frotter à la concurrence étrangère et préféraient "jouer petit". Longtemps, les laboratoires pharmaceutiques Trenker ont fait partie de ces "petits" peu enclins à grandir et à faire valoir la qualité de leurs produits au-delà des frontières belges. Pour cette PME familiale, créée à Bruxelles au début des années 1930 par Rodolphe Henri Trenker, c’était "pour vivre heureux, vivons cachés". Récemment, l’histoire a toutefois pris un tour radicalement différent pour Trenker. Et, par la même occasion, montré que petite ou moyenne, les entreprises actives en Wallonie ne manquent pas d’atouts pour partir à la conquête de marchés lointains.
Pour prendre la mesure des virages stratégiques - car il y en a plusieurs - pris par cette "pharma" aux mains de la troisième génération de la famille Trenker, il faut se rendre désormais dans le zoning sud de Nivelles. C’est là que l’ex-entreprise uccloise a trouvé l’espace nécessaire pour bâtir un siège flambant neuf de 6 000 m2 à la hauteur de ses nouvelles ambitions. Un investissement de 15 millions d’euros qui a où se concrétiser en 2017 grâce à un beau coup de pouce financier de la Région wallonne et de l’InBW (l’intercommunale du Brabant wallon). Initialement, Trenker avait espéré pouvoir s’étendre à Uccle, berceau historique des laboratoires, et maintenir une autre installation sise à Braine-l’Alleud. Mais le peu d’enthousiasme - c’est un euphémisme - des autorités communales a décidé la PME de quitter la Région bruxelloise.
Vingt nouveaux collaborateurs en 1 an
"On a eu un très bon accueil à Nivelles", raconte Rodolphe Trenker, désormais seul aux commandes de l’entreprise (son frère Tristan a cédé ses parts en novembre pour se lancer dans d’autres projets). "On a gagné beaucoup de choses en venant ici, poursuit-il. Toutes nos activités sont désormais localisées en un seul endroit, depuis la recherche et la production de nos produits jusqu’à leur expédition." L’accès et le cadre de travail ont aussi été nettement améliorés pour les 97 employés. "Personne n’a quitté l’entreprise à la suite de notre déménagement. On a même recruté 20 nouveaux collaborateurs", glisse M. Trenker.
En se dotant de ce nouvel outil capable d’absorber une forte croissance de l’activité, l’entreprise néo-brabançonne s’est clairement mise en position de grandir et d’élargir ses horizons. Trenker, il est utile de le rappeler, a pris une orientation nouvelle au début des années 2000 en faisant son entrée sur le marché des compléments alimentaire (notamment via l’acquisition de Vitanutrinat). "En 2018, notre chiffre d’affaires a atteint 22,36 millions d’euros, dont les trois quarts proviennent de la vente de compléments alimentaires. Notre gamme comporte 120 références, avec deux produits phares que sont Alline Procap et Mobilityl", détaille l’administrateur délégué. Dix-huit ans plus tôt, l’intégralité des revenus de Trenker dépendait encore des médicaments. "Aujourd’hui, nous ne développons plus de nouveaux médicaments. Mais nos compléments alimentaires sont développés et produits avec les mêmes standards de qualité que ceux en vigueur dans le secteur pharmaceutique. C’est notre marque de fabrique."
Changement de braquet
La position de leader acquise sur plusieurs produits, en Belgique, ne suffit plus aujourd’hui au bonheur de Trenker. "Nous voulons devenir aussi une référence à l’international", soutient Rodolphe Trenker. Ce virage-là est très récent. Certes, la PME n’était pas absente des marchés étrangers, mais c’était souvent le fruit de rencontres plus ou moins fortuites. Ce n’est qu’en septembre 2017, avec le recrutement de Yannick Toussaint (passé par Mithra et Astel Media) comme responsable des exportations, qu’une stratégie à la grande exportation a été mise en place et que Trenker a changé de braquet.
En 2018, les ventes hors Union européenne (UE) ne pesaient "que" 1,7 million d’euros, soit 7 % du chiffre d’affaires. "Pour 2019, explique M. Trenker, nous visons 2,4-2,5 millions d’euros. D’ici 5 ans, l’ambition est que 25 % de nos revenus proviennent de l’export." La réalisation de cette ambition passe par une augmentation du volume des ventes hors UE et un élargissement de la gamme de produits (un responsable de l’innovation a été nommé en 2018), mais surtout par l’ouverture de nouveaux marchés. Avec, comme on le lira ci-contre, la Chine comme objectif prioritaire.

Se lancer en Chine ? Pour Trenker, c’est “maintenant ou jamais”
Cela fait un peu plus d’un an que les Laboratoires pharmaceutiques Trenker ont adopté une stratégie à la grande exportation. C’est Yannick Toussaint, jeune ingénieur en gestion, qui a été chargé d’exécuter cette stratégie. Depuis son arrivée en septembre 2017, il multiplie les déplacements à l’étranger. Trenker possédait déjà des partenariats historiques dans une quinzaine de pays (en Europe et en dehors). Aujourd’hui, la volonté est de cibler plus systématiquement certains marchés. “Que ce soit en pharma ou en biotech, souligne M. Toussain t, la Belgique jouit d’une excellente réputation à l’étranger.” Le principal obstacle réside souvent dans l’enregistrement des produits auprès des autorités locales. C’est pour ça que Trenker a fait le choix d’appliquer les standards de qualité et les législations les plus pointues. “La Chine est notre grosse priorité cette année, indique le directeur “export” de Trenker . C’est un pays qui est en train de devenir plus strict sur le plan réglementaire. Pour nous, c’est maintenant ou jamais si l’on veut prendre le train en marche.” Trois voyages de prospection sont prévus en 2019. Trenker mise beaucoup sur la mission économique princière, prévue en novembre, pour trouver 2 ou 3 distributeurs en Chine, ce qui permettrait de commencer le processus d’entrée sur le marché en 2020. Outre la Chine, Trenker s’est fixé deux priorités dans les pays du Golfe : le Qatar et l’Arabie saoudite.