En pleine incertitude, Renault mise sur l'Inde
Le constructeur français, ébranlé par l'arrestation de Carlos Ghosn et l'échec de la fusion avec Fiat Chrysler, veut renouer avec la rentabilité sur le quatrième marché mondial.
- Publié le 19-06-2019 à 17h56
- Mis à jour le 20-06-2019 à 16h57
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Le constructeur français, ébranlé par l'arrestation de Carlos Ghosn et l'échec de la fusion avec Fiat Chrysler, veut renouer avec la rentabilité sur le quatrième marché mondial.
Percer sur le quatrième marché automobile mondiale. Jeudi 19 juin, le PDG de Renault, Thierry Bolloré, a affiché un visage offensif en présentant à New Delhi le dernier-né du constructeur, le petit monospace Triber. Ce modèle de moins de 4 mètres de long peut emporter sept passagers. Il a été conçu et est fabriqué en Inde, pour coller aux exigences des conducteurs locaux. "C'est un concept fait pour l'Inde", a lancé Thierry Bolloré devant un parterre de plus de 300 journalistes.
La relance des ventes dans le sous-continent est d'autant plus importante que le groupe traverse une passe difficile. La fusion avec Fiat Chrysler a capoté début juin. Jeudi à Delhi, Thierry Bolloré a confié ses "regrets" de voir que le projet ne s'était pas fait avant d'ajouter : "je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait."
En outre, des doutes planent quant à l'avenir de l'alliance avec Nissan depuis l'arrestation de Carlos Ghosn en 2018. Le ministre français de l'économie, Bruno Lemaire envisagerait une baisse de la participation de Renault au capital de Nissan. L'Etat français détient 15 % de Renault. Mais Thierry Bolloré a démenti : "ce n'est pas du tout dans nos plans", a-t-il martelé alors qu'un vote sur la réforme de la gouvernance de Nissan aura lieu le 26 juin. "Nous devons continuer à améliorer l'alliance parce que tout ce que nous allons commercialiser en Inde et dans le monde reposera sur elle, que ce soit pour l'ingénierie, les plates-formes et la technologie."
C'est la deuxième fois que Renault conçoit un modèle spécifiquement pour l'Inde. Le premier du genre, la Kwid lancée en 2015, était une petite voiture vendue 3500 euros. L'entreprise veut se démarquer de ses adversaires sur un terrain qui accueille une douzaine de constructeurs dont deux, Maruti Suzuki et Hyundai, accaparent 70 % du marché. En proposant des voitures qui n'ont pas d'équivalent, Thierry Bolloré espère créer un segment où Renault sera seul. Objectif selon le PDG : "doubler nos ventes d'ici 2022."
110 millions d'euros perdus en un an
Le pari sera ardu. Les ventes ont plongé de 26 % l'an dernier avec 82 000 voitures écoulées alors que le marché était en hausse de 8 %. La part de marché de Renault s'est affaissée à 2 % alors qu'il y a quatre ans, les cadres du groupe basés en Inde affirmaient qu'ils rafleraient 5 % d'ici 2017.
Les ventes avaient tutoyé les 12 000 exemplaires par mois il y a trois ans avec la commercialisation d'un 4x4 low-cost, le Duster, et de la Kwid lancés sur deux segments peu, voire pas du tout, occupés. Puis l'élan était retombé. Les poids lourds du secteur, notamment Maruti Suzuki et Hyundai, avaient vite réagi en lançant des produits similaires. La force de leur réseau après-vente et leur réputation bien établie avaient porté un coup aux efforts de Renault qui est confronté au dilemme suivant : "la marque n'a toujours eu que quatre ou cinq modèles dans ses concessions. Du coup, les revendeurs ont du mal à être rentable", détaille un analyste financier de Bombay qui ajoute : "Pour éviter de perdre de l'argent, certains ont surfacturé les clients sur leur voiture en révision et le coût global d'une Renault est parfois plus élevé que les autres marques."
L'an dernier, la société aurait perdu 8,5 milliards de roupies (110 millions d'euros). Le retour à la rentabilité est annoncé d'ici 2022. "Nous sommes encore jeune en Inde", a plaidé Thierry Bolloré. Le constructeur est arrivé il y a... quatorze ans.