Développement numérique: le secteur associatif affiche de (trop) grosses inégalités
Une large majorité des associations belges a conscience de l'importance du digital pour leur développement. Néanmoins, le développement du numérique dans le secteur reste largement inégal et rencontre plusieurs obstacles.
- Publié le 20-06-2019 à 06h51
- Mis à jour le 20-06-2019 à 11h48
Une large majorité des associations belges a conscience de l'importance du digital pour leur développement. Néanmoins, le développement du numérique dans le secteur reste largement inégal et rencontre plusieurs obstacles.
La maturité numérique du secteur associatif belge reste très inégale. C’est ce que nous apprend une étude de la Fondation Roi Baudoin, dévoilée en primeur par La Libre et menée auprès de 700 membres du secteur, issus de petites et grandes organisations du pays. Ainsi, si près de 87 % des associations estiment que l’aspect numérique est important pour leur développement, 72 % ne se sentent pas pleinement engagées dans le processus d’évolution numérique.
Au niveau de la répartition géographique, c’est à Bruxelles que les associations sont le moins susceptibles de s’engager sur la voie du numérique. Seules 20 % l’ont fait, contre 38 % à l’échelle nationale. “Plus l’organisation est grande, plus la numérisation fait partie de la stratégie et de la vision de l’association”, explique le rapport, qui étaye son propos en se basant sur le fait que cette stratégie est intégrée par 83 % des très grandes associations, contre 53 % des petites.
Pis encore, le rapport tire le signal d’alarme et estime que la survie dans le monde numérique actuel sera compliquée pour 4 % des associations, dont la majeure partie se trouve en Wallonie, alors que seules 2 associations sur 10 se servent d’outils numériques de collecte de fonds. De l’autre côté de l’échiquier, le rapport souligne également que 20 % des grandes associations consacrent “au moins 20 % de leur budget à la numérisation”. Outre les contraintes budgétaires que rencontrent 53 % des associations, 22 % d’entre elles affirment manquer de temps pour se développer en matière de numérique.
Cloud : les associations à jeu égal avec les entreprises Les outils majoritairement utilisés par les organisations belges sont relativement basiques : 94 % utilisent du traitement de texte, 9 1 % le réseau Wifi… mais le chiffre plonge à 20 % pour le big data et à 7 % pour les chatbot, ces logiciels programmés pour tenir une conversation en langage naturel. Là encore, le constat est logiquement le même, plus l’organisation est grande, plus l’utilisation de ces technologies est fréquente.
En matière de communication externe, les supports privilégiés sont traditionnellement les mails, les sites internet et Facebook. Néanmoins, le secteur associatif s’illustre par son utilisation du Cloud. Quelque 68 % des associations y ont recours. Mieux que les entreprises, qui ne sont “que” 64 %. L’utilisation des données fait partie du quotidien de 95 % des associations et 85 % pensent qu’elles leur sont bénéfiques. Les avis divergent cependant sur la notion de sécurité – 6 associations sur 10 considèrent que les datas comportent des risques – et sur la notion d’éthique, où 30 % des organisations voient un danger.
Des attentes, des solutions “Il existe une forte différence de niveau de maturité entre les acteurs du secteur associatif. La vitesse de la numérisation augmente de manière exponentielle, ce qui crée un déficit de connaissance à chaque niveau de maturité”, résume le rapport en guise de conclusion.
Pour combler ces retards, plusieurs solutions sont avancées par la Fondation Roi Baudoin. À commencer par une réponse adaptée selon le degré de maturité de l’association en question, allant de la simple sensibilisation pour les organisations à la traîne, au développement de nouveaux outils pour celles qui ont d’ores et déjà un rapport privilégié au numérique.
Les associations en sont d’ailleurs demandeuses. Près de 84 % souhaiteraient avoir des outils répondant mieux à leurs besoins et 82 % désireraient jouir d’une plus grande formation. Et sans surprise, plus de 80 % d’entre elles souhaiteraient disposer de budgets plus importants.

"Tout coûte cher, tout va très vite, mais il faut avancer"
Le monde change et le milieu associatif belge n’a d’autre choix que de suivre le mouvement. Ce son de cloche est sur les lèvres d’une large majorité d’acteurs du secteur. "Pour nous, le numérique est une priorité absolue pour un futur proche. Nous avons dû évoluer. Nous ne communiquions que via notre site internet mais nous avons beaucoup misé sur les réseaux sociaux", explique Marc Fisher, le directeur général de Nature et Progrès, où une personne est chargée, à temps plein, de gérer la communication et le numérique.
Danielle Elias, directrice de l’association Fournipac (NdlR : association qui fournit des emplois durables aux personnes handicapées), abonde dans ce sens : "Toute évolution est coûteuse mais il ne s’agit pas d’un choix, c’est une obligation. Tout coûte très cher, tout va très vite, mais il faut avancer."
"Un défi de tous les jours"
Si la numérisation est un passage obligé, elle n’en représente pas moins un challenge constant. "C’est un défi de tous les jours, surtout pour rester dans le coup. Chez Fournipac, nous avons toujours été sous-traitants, mais nous souhaiterions, à l’avenir, être plus indépendants. Nous avons conscience que cela passera par une plus grande prise en mains du numérique", souligne Danielle Elias. "Il est certain que nous avons besoin de formation, même si beaucoup de membres sont déjà formés du fait de leur usage privé. Avant, nous avions des formations en ligne mais nous devrions, à l’avenir, davantage nous tourner vers des formations en groupe, avec un consultant", témoigne, pour sa part, le secrétaire général de Nature et Progrès.
Outre la formation et le budget qui, "selon la taille de l’association peut être un frein", Marc Fisher met également l’accent sur la réception auprès du public visé : "Il y a 4 ans, quand nous avons commencé à utiliser les réseaux sociaux, nous avons essuyé certaines critiques nous disant que l’information, sur les réseaux sociaux, est éphémère, raccourcie. Maintenant, même les gens qui avaient des doutes nous accompagnent." Et la dépendance à ceux-ci ne devrait pas connaître de fin tout de suite. "Je crains qu’à l’avenir, nous ayons recours de manière croissante aux annonces sponsorisées pour toucher notre public cible. C’est du moins, j’ai l’impression, ce vers quoi s’orientent les réseaux sociaux", conclut le secrétaire général de Nature et Progrès.