Avec ses millions d'utilisateurs, l'application belge Tricount possède un véritable trésor de guerre

L'application financière belge Tricount cartonne à travers l'Europe. Cette start-up, soutenue par les fonds d'investissement W.IN.G by Digital Wallonia et Belcube, cherche encore la meilleure manière de monétiser sa communauté de plusieurs millions d'utilisateurs.

Pierre-François Lovens
Avec ses millions d'utilisateurs, l'application Tricount possède un véritable trésor de guerre
©Alexandre Buslain

START-UP DE LA SEMAINE   | L'application financière belge Tricount cartonne à travers l'Europe. Cette start-up, soutenue par les fonds d'investissement W.IN.G by Digital Wallonia et Belcube, cherche encore la meilleure manière de monétiser sa communauté de plusieurs millions d'utilisateurs.

On ne présente plus Tricount , l’application belge qui évite de se pourrir la vie pour des questions d’argent. Si vous revenez de vacances, passées avec des amis ou en couple, il est d’ailleurs probable que vous l’ayiez utilisée. Que l’on soit à deux ou à plusieurs, chaque utilisateur introduit ses dépenses et chacun sait, automatiquement, ce qu’il doit (ou ce qu’on lui doit).

Tricount occupe une place de choix parmi les “apps” téléchargées sur les smartphones, en Belgique comme ailleurs. Elle est même devenue, en 2018, l’application “made in Belgium” la plus téléchargée! En août, Tricount figurait en tête des applications financières en France, tenant la dragée haute aux “apps” des grandes banques françaises.

Michael Renous, CEO de la start-up depuis le printemps 2018 (Jonathan Fallon et Guilbert de Dorlodot, les deux fondateurs, sont toujours là!), n’aime pas trop s’épancher sur les “métriques” de Tricount. Il confesse que l’application rassemble “plusieurs centaines de milliers” d’utilisateurs chaque jour et “plusieurs millions” par mois! Deux, quatre, six millions? Motus... “Si je devais fixer un objectif à terme pour Tricount, il serait de l’ordre de 100 millions d’utilisateurs” , finit par lâcher cet entrepreneur qui a passé cinq ans chez McKinsey Solutions.

Au départ de la Belgique, Tricount est parvenue, depuis 2015, à créer une impressionnante communauté. La France est devenue le premier marché de l’application belge, suivi par l’Espagne, la Belgique et, bientôt, l’Allemagne. “Tricount est devenue leader en Europe dans le domaine du partage des dépenses entre particuliers. L’app fonctionne bien aussi en Argentine, au Canada, dans certains pays asiatiques, ...” . Il est assez remarquable de rappeler que ce succès, en termes de nombre d’utilisateurs, s’est construit de manière purement virale. “La viralité, cela prend du temps, insiste M. Renous . Aujourd’hui, on peut dire qu’on a réussi à créer une nouvelle manière d’utiliser et de gérer l’argent au sein d’un groupe. L’expression “on se fait un Tricount” est même entrée dans le langage courant! ” .

Deux valeurs fondamentales: gratuité et transparence du service

Au-delà des chiffres, Michael Renous dit surtout accorder de l’importance à ce qu’on comprenne bien ce que sa petite équipe (six personnes) veut faire avec Tricount et l’environnement dans lequel la start-up évolue. “Nous avons été, d’une certaine façon, les précurseurs d’un mouvement de fond. Au départ de deux “colocs” dont la préoccupation était de savoir qui devait combien à qui, on a créé un outil à la frontière du social et du paiement” . Un positionnement que les banques peinent à adopter dans le cadre de la révolution financière en cours (nouveaux usages des clients, dématérialisation des paiements, fintech, réglementation open banking, etc.).

Tricount, forte de ses millions d’utilisateurs (un véritable “trésor de guerre” pour une start-up), entend jouer un rôle dans cette transformation du modèle classique de la banque et de la finance. “On est passé de l’agence bancaire à l’application bancaire et, demain, la banque et les services financiers iront là où les utilisateurs se trouvent. Tricount s’inscrit dans ce mouvement” .

La start-up, dont le siège social se trouve dans le Brabant wallon et le siège d’exploitation à Bruxelles, tient à sa communauté comme à la prunelle de ses yeux! “Nos utilisateurs sont au centre de tout!, martèle Michael Renous . On est en permanence à leur écoute. C’est comme ça que naissent de nouvelles fonctionnalités (comme la possibilité, depuis cet été, de gérer plusieurs devises à la fois, NdlR) . On teste beaucoup de choses avec eux” . Une communauté qui est liée à deux valeurs fondamentales: la gratuité et la transparence du service offert.

Avec ses millions d'utilisateurs, l'application belge Tricount possède un véritable trésor de guerre
©Tricount

Un "business model" lié à des partenariats

Toute la question est de savoir comment monétiser cette communauté de plusieurs millions d’utilisateurs... Sur ce point stratégique, le CEO de Tricount apparaît peu loquace. Aujourd’hui, la start-up dit être en discussion avec "tous les grands acteurs européens" du secteur financier pour voir quels types de partenariats elle pourrait nouer. Des partenariats existent déjà avec Paypal, Bancontact et, plus récemment, avec Lyf Pay (solution de paiement mobile française qui a été intégrée à Tricount). Avec ce type de partenariat, les utilisateurs de Tricount peuvent régler des sommes dues grâce à un bouton dédié leur permettant de basculer automatiquement vers l’application partenaire et de payer leurs dettes en un seul clic (sans avoir besoin de ressaisir toute autre information).

Même si ses revenus restent encore marginaux (et confidentiels) à ce stade, Tricount a déjà activé trois sources de rentrées: les premiers partenariats, un peu de “bannering” publicitaire et des tests “in-app” (freemium). Mais ce n’est là qu’un début. “Il y a une opportunité unique, pour Tricount, de devenir un acteur dans le monde économique de demain. On est engagé dans un processus long, où les choses se bâtissent pas à pas. Il faut de la patience, ce qui n’est pas forcément simple au départ du marché belge et pour nos actionnaires, à qui il faut démontrer qu’on avance” . Michael Renous se veut en tout cas très clair et déterminé: le modèle économique de Tricount ne pourra, en aucun cas, se faire au détriment des utilisateurs. “Notre métrique numéro 1, c’est de savoir si notre utilisateur est content et s’il revient” .

Tricount n'est pas une banque

A terme, l’ambition est que Tricount se retrouve dans toutes les situations où il faut partager des dépenses entre plusieurs personnes. L’univers de Tricount est fondé sur le groupe (voyages, événements, soirées, habitations partagées, couples, associations, projets collectifs, ...). "Aller trop vite dans une monétisation peut s’avérer désastreuse, reprend le CEO de Tricount. On apprend, on avance et on a foi vers là où on va!" . Tricount considère qu’elle est toujours en phase d’apprentissage et d’éducation du public. L’objectif est de pouvoir, dans un futur encore indéterminé, proposer des usages à plus forte valeur ajoutée. "Nous ne sommes pas une banque et notre rôle n’est pas de s’y substituer, mais d’apporter un service complémentaire. Tricount veut rester une solution entre amis” , conclut Michael Renous.

Carte d'identité

  • Le projet Tricount a été lancé en 2011 par Jonathan Fallon et Guillebert de Dorlodot. La société a été créée en 2015. Michael Renous en est devenu le CEO en 2018.
  • Les deux investisseurs de Tricount sont le fonds d'investissement privé Belcube (500.000 euros en capital) et W.IN.G, le fonds du numérique wallon (prêt convertible de 100.000 euros).
  • Tricount a obtenu l' Acceleration Award décerné, en décembre 2018, lors des premiers Digital Wallonia Startups Awards .
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