Julian Maroda, le Viking belge du gaming
FACE & PROFIL | Julian Maroda a traversé l’Atlantique pour fonder son studio de jeux vidéo, Norsfell.
Publié le 25-10-2019 à 15h46 - Mis à jour le 29-11-2019 à 18h31
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FACE & PROFIL | Julian Maroda a traversé l’Atlantique pour fonder son studio de jeux vidéo, Norsfell.
- 5 décembre 1986 : naissance de Julian Martin (de son vrai nom)
- 2009: arrivée à Montréal, Canada
- 1er novembre 2013 : création du studio Norsfell
- 2020: sortie prévue du 5e jeu, Tribes of Midgard
Derrière des titres acclamés sur l’App Store comme Winter Forts, Pogo Chick ou encore Airline Tycoon, il y a un même studio basé dans le centre-ville montréalais et répondant au nom d’inspiration scandinave, Norsfell. Cette enseigne du gaming a jusqu’ici signé 4 jeux vidéo qui cumulent ensemble plus d’un million de téléchargements.
Son nouvel opus attendu pour l’an prochain, qui plongera les joueurs en ligne dans le rôle de Vikings coopérant pour survivre au Ragnarök, l’apocalypse selon la mythologie nordique, a attiré plus de 4 millions de participants lors de sa dernière open beta, phase de tests ouverte à tous.
À la tête de Norsfell, on retrouve un fondateur, CEO et "ministre de la création", qui n’a pour ainsi dire aucun lien de parenté avec les moyen-âgeux Normands, puisqu’il s’agit de notre compatriote Julian Maroda, pétillant trentenaire à la désormais double citoyenneté belgo-canadienne.
Exploration
Passionné par le jeu vidéo depuis sa plus tendre enfance - "J’avais 6 ans quand mes parents m’ont offert ma première console, une MegaDrive avec Sonic", se remémore-t-il presque nostalgique -, Julian Maroda s’est en quelque sorte interdit d’emprunter la voie professionnelle du gaming lorsqu’il vivait en Belgique. "Pour la simple raison qu’il n’y a aucune industrie. Pas d’école, pas d’écosystème, seules quelques entreprises. Ce n’était pas envisageable", narre-t-il.
En 2009, alors qu’il entrait en premier master de com à l’Université libre de Bruxelles, une remise en question le pousse subitement à se documenter sur d’éventuelles opportunités. Julian Maroda découvre ainsi le Campus Ubisoft, une formation de cycle supérieur en un an à l’Université de Montréal, en partenariat avec le célèbre éditeur de jeux vidéo français, Ubisoft. Il se dit qu’il n’a rien à perdre à essayer l’examen d’entrée.
"Ce qui m’a vraiment servi de tremplin, professionnellement mais socialement aussi car en Europe, on minimise souvent la difficulté des procédures administratives au Canada, on a l’impression que c’est free for all . Mais l’immigration est ultra-régulée, il faut vraiment montrer patte blanche, sans faire de mauvais jeu de mots", partage l’expatrié belge.

À Montréal, Julian Maroda va explorer une nouvelle culture, celle de ces "Américains parlant français" : ouverte, fonceuse, pragmatique. "Moins de discussions, plus d’action. En termes d’entrepreneuriat, ça se ressent clairement. Au niveau notamment de l’écosystème pour soutenir les jeunes porteurs de projets. Premièrement, ici, la réussite, c’est très bien vu. Sans vouloir dénigrer notre pays, ici, il y a vraiment une approche up-lifting , on te donne une chance et on va te pousser pour que tu y arrives. Ils savent bien que les start-up drivent une grosse partie de l’économie avec les PME. Et ils sont conscients que la plupart de ceux qui se lancent, échoueront", dépeint le jeune CEO de Norsfell.
Selon lui, obtenir aussi facilement du seed investment (capital d’amorçage) pour sa start-up de jeux vidéo, des crédits d’impôts réservés à la production multimédia et le soutien administratif, semble inimaginable en Belgique. "Alors que tout ceci pourrait être transposé. La preuve, Norsfell reçoit souvent des délégations qui viennent s’inspirer du modèle et dans deux semaines, ce sera au tour de la Fédération Wallonie-Bruxelles", épingle Julian Maroda.
"So far, so good"
Le patron de Norsfell se félicite en tout cas de son aventure outre-Atlantique, s’amusant à scaler dans l’industrie du gaming avec son équipe de 14 autres aficionados (des effectifs qui ont triplé ces dernières années), et n’a certainement pas encore envie d’abandonner la partie.
Surtout qu’il assiste à une profonde mutation du métier avec l’avènement du cloud gaming, l’ère de la dématérialisation des jeux vidéo accessibles en illimité.
Des perspectives intenses mais prometteuses tant elles annoncent des défis et imposent aux acteurs du marché de concentrer leurs efforts sur l’ingéniosité. Bref, jusqu’ici, tout va pour le mieux.
" So far, so good , oui ! Je n’aurai jamais imaginé que dix ans plus tard, je serais à la tête d’un studio qui crée des jeux qui me font tripper", sourit Julian Maroda. "Je ne dis pas que je ferai du jeu vidéo toute ma vie, mais c’est clair que le plaisir de concrétiser une vision avec des gens dynamiques, ça ne te file pas les pieds de plomb."
- Article extrait du supplément Libre Eco Week-end à paraître ce samedi 26 octobre 2019